Bulletin de la Banque de France

La composition du revenu aide à comprendre l’évolution du taux d’épargne des ménages en France

Mise en ligne le 25 Février 2022
Auteurs : Camille Thubin, Jean-François Ouvrard

Bulletin n°227, article 9. La hausse du taux d’épargne des ménages depuis fin 2018 et plus globalement ses mouvements importants depuis dix ans invitent à revisiter ses déterminants macroéconomiques. Cet article propose une modélisation de la consommation des ménages et donc du taux d’épargne faisant intervenir le poids dans le revenu de certaines de ses composantes. Cette modélisation traduit l’idée que les changements de la composition du revenu agrégé sont liés notamment à des modifications de la répartition du revenu entre ménages ayant des propensions marginales à consommer hétérogènes. L’approche retenue permet de mieux expliquer les mouvements récents du taux d’épargne, en particulier sa baisse depuis 2012 puis sa hausse récente, avec un rôle particulier pour les revenus financiers et les prélèvements obligatoires sur les ménages.

Image Contributions dynamiques à la consommation des ménages Description Le graphique présente les contributions dynamiques à la consommation des ménages de 2012 à 2019, avec sept critères :  1. consommation des ménages ; 2. RDB réel ; 3. port de l'EBE des EI dans RDB ; 4. part des prélèvements obligatoires dans le RDB ; 5. part des revenus financiers nets dans le RDB ; 6. taux de chômage ; 7. résidu. Note : RDB, revenu disponible brut ; EBE, excédent brut d'exploitation ; EI, entrepreneurs individuels. Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), calcul des auteurs. Chiffres clés : 14,6% : le taux d'épargne moyen des ménages sur 2000-2018 ; +1 point : la variation du taux d'épargne entre 2017 et 2019. -1 point de revenu disponible brut (RDB) : la variation du poids des prélèvements obligatoires dans le revenu des ménages entre 2017 et 2019.

Le taux d’épargne des ménages a connu un pic à 16,1 % en 2009 puis il est tombé à 13,8 % en 2017. Il remonte depuis rapidement avec un dernier point connu à 14,8 % au troisième trimestre 2019. Comment comprendre ces mouvements ? En particulier, la remontée du taux d’épargne depuis fin 2018, dans un contexte de gains soutenus de pouvoir d’achat, est-elle durable ? Nous proposons dans cet article une analyse de ces mouvements, avec un accent porté sur la structure du revenu disponible brut des ménages. Les résultats présentés dans cet article sont une composante importante du diagnostic macroéconomique sous-jacent aux prévisions de la Banque de France depuis décembre 2017.

1. Au niveau macroéconomique, le taux d’épargne des ménages varie dans le temps

Le taux d’épargne des ménages peut varier significativement dans le temps. Partant d’un niveau supérieur à 17 % du revenu disponible à la fin des années 1970, il a fortement baissé jusqu’au milieu des années 1980 (11,1 % en 1987) puis il s’est redressé à la fin de la décennie 1980. Depuis 1991, période sur laquelle on se concentre dans cette étude, le taux d’épargne connaît des mouvements de moindre ampleur, dans une fourchette entre 13 et 16 % environ, mais il n’est pas pour autant stationnaire : il a connu une croissance tendancielle jusqu’en 2008, puis des mouvements importants depuis.

Au sens des comptes nationaux, l’épargne des ménages est ce qui reste de leur revenu disponible brut après les dépenses de consommation. Pour un niveau de revenu donné, s’intéresser au taux d’épargne est donc la même chose que s’intéresser à la consommation des ménages. Cet article s’inscrit ainsi dans une longue tradition des études macroéconomiques sur la consommation des ménages sur données françaises, dans la suite notamment de Bonnet et Dubois (1995), et Sicsic et Villetelle (1995).

L’ensemble de ces travaux fait jouer un rôle central au revenu disponible brut des ménages, ou à son anticipation, comme ancre de long terme des dépenses de consommation. Le principe des équations de consommation macroéconomiques est ainsi généralement de déterminer une cible de long terme vers laquelle, passé les effets des chocs de court terme, le taux d’épargne tendrait à converger. La détermination de cette cible est toutefois complexe. Le graphique 1 montre qu’entre le début des années 1990 et la crise de 2008 le taux d’épargne des ménages a tendu à croître tendanciellement.

[Pour lire la suite, télécharger l'article]