Document de travail n°699 : Fiscalité de l'épargne et choix de portefeuille des ménages français

La France est le pays d’Europe où, avec le Royaume-Uni, la fiscalité de l’épargne est la plus lourde (6 % du PIB en 2016, contre en moyenne 3,8 % dans l’Union européenne et 3,5 % dans la zone euro). Cette situation est évaluée au regard du débat théorique sur la notion de fiscalité optimale. Bien que celui-ci ne fasse pas ressortir de conclusion tranchée, il apparaît que le système « nordique dual » est de nos jours considéré le plus souvent comme satisfaisant. Toutefois, les travaux théoriques tendent à sous-estimer le poids réel des prélèvements obligatoires sur l’épargne en raison de leur non-prise en compte de deux facteurs : cumul d’imposition et inflation. Dans les faits, même si la fiscalité de l’épargne n’est qu’un des facteurs dans l’allocation d’actifs, elle joue un rôle important dans les décisions des épargnants. À titre d’illustration, une évaluation de l’impact du prélèvement forfaitaire unique sur les placements des ménages est fournie par Christian Pfister.

La France est le pays d’Europe où, avec le Royaume-Uni, la fiscalité de l’épargne est la plus lourde (6 % du PIB en 2016, contre en moyenne 3,8 % dans l’Union européenne et 3,5 % dans la zone euro). Ce niveau d’imposition élevé en France reflète la très forte progression des prélèvements sur les revenus du capital des ménages depuis la crise (+ 0,8 point de PIB depuis 2007 contre + 0,1 point dans l’UE comme dans la zone euro), avec notamment l’alourdissement des prélèvements sociaux et surtout l’assujettissement des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu (IR). Sur la base de ce constat, le document s’interroge dans un premier temps sur le caractère approprié de la fiscalité de l’épargne des ménages  en France au regard de la théorie. Dans un deuxième temps, il en évalue l’impact sur les allocations d’actifs et le financement de l’économie. L’accent est mis sur l’épargne financière, particulièrement dans la deuxième partie.

Le débat théorique se concentre sur la notion de fiscalité optimale du capital. Bien que ce débat ne fasse pas ressortir de conclusion tranchée, il apparaît que le système nordique dual, où les revenus du travail sont imposés selon un barème progressif et ceux du capital de manière proportionnelle, à un taux faible ou médian, peut être vu comme un compromis « raisonnable » entre des objectifs d’efficacité économique et de redistribution. Toutefois, les travaux théoriques tendent le plus souvent à sous-estimer le poids réel des prélèvements obligatoires car ils ne tiennent pas compte de deux facteurs : le cumul d’imposition entre la fiscalité des revenus du capital, du capital lui-même et de sa transmission et l’inflation, l’impôt frappant des revenus nominaux et non des revenus réels qui en principe comptent seuls pour les épargnants.

Les épargnants français ne sont pas irrationnels et ne portent pas la marque d’une « allergie au risque ». C’est donc les caractéristiques de rendement/risque des différentes classes d’actifs qui déterminent en premier leurs allocations de portefeuille. En témoignent aussi bien ce qu’ils en disent eux-mêmes lorsqu’ils sont interrogés lors d’enquêtes que la possibilité, sur ce fondement, de rendre compte correctement de leur comportement d’allocation d’actifs financiers au niveau agrégé. À côté d’autres facteurs (niveau d’éducation financière, taille encore insuffisante de nos marchés financiers, qualité du conseil financier, incitations réglementaires), la fiscalité de l’épargne n’en joue pas moins un rôle important. Ainsi, l’orientation des placements financiers des ménages est très biaisée en faveur des produits financiers à traitement fiscal privilégié. Alors qu’en 2000 l’assurance-vie et l’épargne réglementée représentaient 44 % de ces placements (dont respectivement 27 % et 17 %), ils en représentaient 54 % (dont respectivement 39 % et 15 %) en 2017. À titre d’illustration, les conséquences sur l’allocation des portefeuilles des ménages de l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui rapproche notre système fiscal du système nordique dual, sont évaluées à l’aide d’un modèle d’allocation des portefeuilles des ménages français. Il apparaît qu’à long terme le PFU donnerait principalement lieu à une substitution des placements en actions à ceux en assurance-vie, PEP et obligations. Par ailleurs, dans le cas d’un PFU qui serait étendu à l’ensemble des placements financiers, les substitutions en faveur des actions seraient renforcées, tandis que les placements en comptes sur livrets seraient pénalisés.

La mise en transparence des intermédiaires financiers montre toutefois qu’une part croissante de l’épargne des ménages finance l’étranger. Dans ces conditions, chercher à utiliser la fiscalité de l’épargne pour « canaliser » cette dernière vers le financement des résidents risquerait d’être peu efficace.
 

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Document de travail n°699 : Fiscalité de l'épargne et choix de portefeuille des ménages français
  • Publié le 20/11/2018
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Mis à jour le : 20/11/2018 07:58