Document de travail n°752 : Les effets de la politique budgétaire sur le taux de change réel et l’inflation : une remise en question

Dans ce travail, nous reconsidérons les effets d’un choc de dépenses publiques sur le taux de change réel et l’inflation. Contrairement à certains résultats surprenants obtenus par la littérature empirique récente, nous montrons qu’une hausse des dépenses publiques entraîne une appréciation du taux de change réel et des pressions inflationnistes, ainsi qu’un déficit de la balance commerciale et une baisse de la consommation. Les écarts entre nos résultats et ceux de la littérature récente sont liés à la méthode d’identification des chocs de dépenses publiques utilisée, à savoir une approche de type proxy-SVAR qui utilise comme variable instrumentale les dépenses militaires. Enfin, nous montrons que nos résultats empiriques sont en ligne avec ceux d’un modèle théorique standard en économie ouverte.

Depuis la Grande Récession, le débat sur le rôle de la politique budgétaire s’est amplifié, notamment avec la mise en place de mesures budgétaires discrétionnaires dans de nombreux pays industrialisés. Cet intérêt nouveau dans la politique budgétaire a engendré de nombreux travaux académiques sur ses effets potentiels sur l’activité économique. Toutefois, en dépit de l’importance de cette question et des enjeux en termes de politique économique, il n’existe pas de consensus sur les effets d’une hausse des dépenses publiques sur l’inflation et le taux de change réel. Dans ce travail, nous cherchons à réexaminer les implications d’un choc de dépenses publiques dans une double perspective domestique et internationale, à travers ses effets sur l’inflation et le taux de change.  

Selon les cadres théoriques standards, qu’il s’agisse des modèles de Cycles Réels ou Keynésiens, l’inflation est supposée augmenter et le taux de change réel s’apprécier en réponse à une hausse des dépenses publiques. Toutefois, la littérature empirique obtient des résultats mitigés. S’agissant de l’inflation, Edelberg et al. (1999), Zeev et Pappa (2017) et Caldara et Kamps (2017) montrent qu’un choc de dépenses publiques est inflationniste, mais Fatás and Mihov (2001b), Canzoneri et al. (2002), Mountford and Uhlig (2009), Dupor and Li (2015), Ricco et al. (2016), Jorgensen and Ravn (2019) and D’Alessandro et al. (2019) obtiennent que ce même choc entraîne au contraire une baisse de l’inflation.

En ce qui concerne le taux de change réel, Kim et Roubini (2008) ont été les premiers à montrer que les expansions budgétaires entraînent une dépréciation du change. Ce résultat a été confirmé ensuite par Monacelli et Perotti (2010), Enders, Muller et Scholl (2011), Ravn, Schmitt-Grohe et Uribe (2012) ou Ilzetzki, Mendoza et Vegh (2013). Une exception dans la littérature est l’article d’Auerbach et Gorodnichenko (2016) qui trouvent que les chocs non anticipés sur les dépenses militaires engendrent une appréciation du dollar américain. Dans ce contexte, Kim (2015), Forni et Gambetti (2016), Miyamoto, Nguyen et Sheremirov (2019), Boehm (2019) et Lambertini et Proebsting (2019) mettent en avant que la réponse du change dépend en fait des caractéristiques du pays considéré, comme par exemple le niveau de développement économique, du timing du choc budgétaire (anticipé ou non-anticipé) ou du signe et du type de choc de dépenses du gouvernement (consommation publique ou investissement public).  

Notre travail réexamine et tente d’unifier les débats, en économie ouverte et fermée, sur l’impact d’un choc de dépenses publiques sur l’inflation et le taux de change  en utilisant une méthode différente d’identification des chocs dans un modèle VAR (Vectorial Auto-Regressive) structurel. En effet, nous utilisons une variable instrumentale, dite narrative, construite par Ramey (2011) et Ramey (2016a) à partir d’informations sur les dépenses militaires contenues dans les médias. Après avoir montré que cette variable narrative est un instrument valide pour mesurer des chocs budgétaires non anticipés, nous l’utilisons pour estimer un modèle dit proxy-SVAR, développé par Mertens et Ravn (2013) et Stock et Watson (2008). Ce modèle est estimé sur des données américaines de 1964 à 2015, à l’aide d’une approche bayésienne. En utilisant cette méthode d’identification des chocs, la plupart des paradoxes disparaissent : le choc de dépenses publiques est inflationniste, le taux de change s’apprécie, la balance commerciale se creuse et la consommation privée diminue. A noter que plusieurs tests de robustesse ont été menés afin de vérifier la validité du modèle.  

Enfin, afin de vérifier la cohérence théorique de nos résultats empiriques, nous mettons en place un modèle standard de Cycles Réels en économie ouverte, avec deux types de biens, et nous l’estimons par appariement avec les fonctions de réponses impulsionnelles obtenues à l’aide du modèle proxy-SVAR. Cet exercice nous permet d’avoir une idée de la pertinence de nos résultats empiriques. Nous trouvons que les dynamiques obtenues de manière empirique via le modèle proxy-SVAR sont parfaitement alignées sur les prédictions théoriques du modèle de Cycles Réels. Ainsi, notre travail peut être vu comme un effort de réconciliation entre les résultats empiriques et les théories standards, ou plus simplement comme une incitation à poursuivre les travaux de recherche sur les réponses jointes des prix domestiques et internationaux à des chocs budgétaires.
 

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Document de travail n°752 : Les effets de la politique budgétaire sur le taux de change réel et l’inflation : une remise en question
  • Publié le 24/01/2020
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Mis à jour le : 24/01/2020 15:45