Le Bulletin de la Banque de France n°226 : Article 4 Le recours croissant des grands groupes français à l’endettement : une stratégie de financement qui montre ses limites

Depuis 2014, les grands groupes français renforcent la part des dettes dans les ressources engagées pour financer leur activité. La chute du coût moyen de l’endettement crée un environnement favorable à cette stratégie, réduisant son risque à court terme. Ainsi, en 2018, les flux tirés de l’exploitation n’ont jamais aussi bien couvert, depuis dix ans, le coût des intérêts et charges assimilées. Cependant, cette stratégie de financement comporte des risques à plus long terme :
• la rentabilité des capitaux devient davantage soutenue par l’effet de levier que par la rentabilité opérationnelle ;
• la capacité de remboursement se dégraderait nettement en cas de remontée des taux d’intérêt à moyen terme ;
• en cas de besoin, les groupes auront davantage de difficultés à reconstituer un coussin de liquidité qui a diminué depuis le haut niveau atteint en 2012 ;
• les nouvelles dettes financières servent notamment à financer des opérations de croissance externe, dont les revenus futurs anticipés peuvent s’avérer surévalués.

L’analyse développée dans cet article repose sur l’exploitation de données des comptes consolidés de grands groupes français non financiers privés recensés dans la base FIBEN (fichier bancaire des entreprises) de la Banque de France. Le périmètre de consolidation inclut la tête de groupe et ses filiales, y compris celles implantées à l’étranger.

L’opération de consolidation élimine les flux intragroupes, notamment en matière de produits et charges d’exploitation, ce qui rend l’analyse de l’activité plus précise. Ensuite, l’examen de l’endettement consolidé d’un groupe permet d’analyser son endettement externe. En revanche, la consolidation diminue l’information sectorielle (voir le traitement de ce problème en annexe).

1 Les performances des grands groupes français apparaissent contrastées au regard des ressources engagées

Le taux de marge global des grands groupes s’améliore depuis 2015

L’enrichissement ou l’appauvrissement d’un groupe au cours d’un exercice se mesure par son résultat net. Rapporter le résultat net récurrent 1 au chiffre d’affaires permet d’évaluer la capacité du groupe à dégager des marges. Ce ratio est nommé le taux de marge global.

Après avoir décru à la suite de la crise financière de 2007 et de la crise des dettes souveraines de 2011, le taux de marge global moyen des grands groupes se redresse depuis 2015. En 2017, il retrouve son niveau de 2008 et continue de progresser pour s’établir à 4,7 % en 2018 (selon les données disponibles). Pour mémoire, il se situait à 5,3 % en 2007 (cf. graphique 1).

En particulier, les secteurs de l’industrie manufacturière, de la construction, ainsi que de l’information et de la communication bénéficient d’une progression de leur taux de marge global moyen depuis 2015.

Mais la rentabilité opérationnelle des grands groupes décroît

La rentabilité opérationnelle se définit comme le rapport entre le résultat d’exploitation obtenu et l’ensemble des ressources (capitaux propres totaux, endettement financier net) engagées pour financer l’actif économique d’un groupe et assurer ainsi son fonctionnement.

Depuis 2016, la rentabilité opérationnelle moyenne des grands groupes français diminue, et cette tendance se poursuit en 2018 (cf. graphique 2). Les performances des grands groupes français sont donc à relativiser au regard des ressources engagées, et notamment au regard de l’accroissement de l’endettement financier net.

[ENCADRÉ 1]

La dynamique d’endettement des grands groupes depuis 2014 induit une hausse du ratio de levier

Les grands groupes disposent principalement de deux sources de financement : les capitaux propres (ressources internes) et les dettes financières (ressources externes), ces dernières pouvant se scinder en endettement bancaire et en endettement de marché.

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Le Bulletin de la Banque de France n°226 : Le recours croissant des grands groupes français à l’endettement : une stratégie de financement qui montre ses limites
  • Publié le 28/11/2019
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Mis à jour le : 28/11/2019 10:00