Document de travail n°810 : Coûts de la faillite et efficacité des procédures de restructuration préventive

Une récente directive européenne invite les États membres à la mise en place de procédures de restructuration préventive dans leur droit commercial. Ce papier évalue l'intérêt d'implémenter une procédure distincte de celle qui existe pour les entreprises insolvables. Il s'appuie sur l'expérience française caractérisée par la coexistence, depuis 2006, d'une procédure préventive (la sauvegarde) avec une procédure de restructuration plus courante (le redressement judiciaire, ou « RJ »). L‘objectif est d’isoler, pour deux entreprises à la situation initialement similaire, l’effet de réputation associé au RJ par rapport à la sauvegarde. L'hétérogénéité spatiale et temporelle des décisions des tribunaux de commerce permet d'identifier l'impact causal (exogène aux caractéristiques de l’entreprise) du passage de la sauvegarde au RJ sur les chances de survie de l'entreprise. En utilisant un échantillon (presque) exhaustif des ouvertures de sauvegarde sur la période 2010-2016, nous montrons que la conversion en RJ réduit la probabilité de survie de l'entreprise de 50 p.p., ce qui correspond à des coûts indirects associés à la faillite d'environ 20 % de la valeur de l'entreprise. Notre interprétation, appuyée par des preuves empiriques, est que le faible taux de réussite du RJ peut alarmer certaines des parties prenantes de l'entreprise, en particulier ses clients. La procédure préventive de sauvegarde permet donc de prévenir une spirale auto-réalisatrice souvent présente en RJ.

Une récente directive européenne invite les États membres à la mise en place de procédures de restructuration préventive dans leur droit commercial. Les restructurations préventives reposent sur l’idée que plus les difficultés des entreprises sont traitées tôt, plus grandes sont leurs chances de survie. Il y a deux façon d’introduire une procédure préventive dans un droit commercial : soit étendre la procédure de restructuration existante pour l’ouvrir aux entreprises au bord de l’insolvabilité, soit créer une procédure spécifique, dédiée exclusivement à ces entreprises en difficulté mais qui ne sont pas encore insolvables.

Ce papier se base sur l’expérience française et soutient qu’il est plus efficace de créer une procédure distincte, notamment si la procédure de restructuration existante présente de faibles taux de survie. La raison sous-jacente est qu’une procédure spécifique signale aux parties prenantes que les entreprises autorisées à y entrer sont dans une situation financière relativement meilleure que celles des entreprises demandant l’ouverture de la procédure de restructuration ordinaire (le redressement judiciaire). Cela permet de réduire les coûts indirects associé à la faillite et donc de préserver les chances de survie de ces entreprises.

L’analyse empirique de ce papier repose sur la coexistence en France de deux procédures de restructuration : le redressement judiciaire (RJ) pour les entreprises en état de cessation des paiements, et la procédure de sauvegarde disponible depuis 2006 pour les entreprises qui ne sont pas (encore) en cessation des paiements. Ces deux procédures présentent des taux de restructuration des entreprises radicalement différents. Nous exploitons le fait que les tribunaux de commerce puissent être amenés à convertir les cas de sauvegarde (la « bonne » procédure) en RJ (la « mauvaise » procédure) pour identifier la réduction des chances de survie associée à la conversion en RJ. Notre stratégie d'identification s'appuie sur l'hétérogénéité spatiale et temporelle des décisions des tribunaux de commerce résultant des différences d'interprétation de la loi, car le déclencheur exact de la conversion peut être interprété différemment selon les tribunaux et au fil du temps. Cette hétérogénéité reste importante même lorsque nous contrôlons les caractéristiques des entreprises et les conditions économiques locales. Nos résultats empiriques suggèrent que la conversion en RJ réduit les chances de restructuration de la dette de 50 points de pourcentage, ce qui correspond à un coût indirect d’environ 20 % de la valeur totale de l'entreprise.

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Document de travail n°810 : Coûts de la faillite et efficacité des procédures de restructuration préventive
  • Publié le 20/04/2021
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Mis à jour le : 20/04/2021 16:49