Document de travail n°820 : Bandes de tolérance à l’inflation dans un modèle néo- keynésien

De nombreuses banques centrales dans les pays avancés ont recours au concept d’intervalle ou de bande autour de leur cible d’inflation pour formuler leur stratégie de politique monétaire. L’adoption d’un tel concept d’intervalle a été proposée par certains banquiers centraux dans le cadre des revues stratégiques de la Fed et de la BCE. Dans le cadre d’un modèle macroéconomique néo-keynésien standard, nous analysons les conséquences de politiques fondées sur un tel intervalle de tolérance, caractérisées par une réaction de la banque centrale à l’inflation plus forte quand l’inflation est en dehors de l’intervalle que lorsqu’elle est proche de la cible (le centre de l’intervalle). Nous montrons que il n’est pas souhaitable qu’une bande de tolérance soit une zone d’inaction : l’absence de réaction dans l’intervalle menace la stabilité macroéconomique et conduit à la possibilité d’équilibres multiples ; l’arbitrage entre la réaction requise en dehors de l’intervalle et celle à l’intérieur semble défavorable : il faut une réaction très forte loin de la cible pour compenser une réaction légèrement plus faible à l’intérieur de l’intervalle de tolérance ; ces résultats, obtenus dans le cadre d’un modèle stylisé, sont robustes à de nombreuses variantes, notamment la prise en compte de la borne inférieure pour le taux d’intérêt

Graphique représentant le rôle du taux d'intérêt dans l'échelle de tolérance de l'inflation

Dans le contexte des récentes revues stratégiques de politique monétaire aux États-Unis et dans la zone euro, le concept de "bande de tolérance" d'inflation a connu un regain d’intérêt.

Bien que l’utilisation de bandes d’inflation soit fréquente d’un point de vue opérationnel, il y a très peu de travaux sur les propriétés de cette approche.

En particulier, il n’y a pas eu, à notre connaissance, d’analyse d’une telle politique dans un modèle néo-keynésien, qui peut être considéré comme un cadre de réflexion standard pour l'analyse de la politique monétaire. C’est l’objectif de cet article.

Dans ce papier, nous interprétons le concept de "bandes de tolérance" comme le fait que la Banque Centrale réagit plus à l’inflation lorsqu’elle est éloignée de la cible que lorsqu’elle en est proche. (D'autres interprétations sont brièvement discutées dans le document).

Cette notion apparaît comme une extension du concept de bande d'indifférence, qui correspond à une absence de réaction de la Banque Centrale, lorsque l’inflation est proche de la cible.

Cette approche est particulièrement pertinente dans le contexte du débat sur la zone euro. En effet, lors de la phase initiale de l'euro, avant 2003, le cadre de l'Eurosystème pouvait être interprété comme une "bande d'indifférence ". Plus récemment, certaines propositions de " bandes de tolérance " en matière d'inflation préconisaient un degré plus élevé de flexibilité de la politique monétaire. L'idée était que, lorsque l'inflation est raisonnablement proche de l'objectif - et en fonction d’autres objectifs secondaires de la politique monétaire, tels que des préoccupations de stabilité financière -, la banque centrale pourrait réagir plus faiblement par rapport à l’inflation qu’elle ne le ferait dans une stratégie de ciblage strict.

Nous procédons à une évaluation théorique et quantitative des "bandes de tolérance" d'inflation dans un modèle néo-keynésien standard. Nous obtenons les résultats suivants. Premièrement, cette réaction de politique monétaire différente à l’intérieur et à l’extérieur de la bande permet de capter la notion d’une politique monétaire « patiente ». En effet, après un choc inflationniste, lorsque l'inflation se situe à l'intérieur de la bande (c'est-à-dire qu'elle est proche de la cible), la réaction plus faible par rapport à l’inflation entraîne une convergence plus lente vers la cible d'inflation. Deuxièmement, nous montrons que, pour éviter une volatilité macroéconomique excessive, il est nécessaire de réagir suffisamment y compris à l’intérieur de la bande. Ceci permet de formaliser les affirmations des décideurs politiques (par exemple dans Cœuré, 2019) selon lesquelles une bande de tolérance ne doit pas être interprétée comme une bande d'inaction. Troisièmement, nous quantifions l’arbitrage entre les intensités de réaction à l'intérieur et à l’extérieur de la bande et montrons que cet arbitrage est assez défavorable. En effet, si la Banque Centrale veut réagir un peu plus faiblement dans la bande, le niveau de réaction nécessaire en dehors de la bande pour maintenir un même niveau de volatilité d’inflation est beaucoup plus important.

De plus, le long de cette courbe d’iso-variance, la volatilité du taux d'intérêt nominal augmente avec la différence entre les degrés de réaction à l'inflation à l'intérieur et à l'extérieur de la bande. Ainsi, il est possible de maintenir un niveau constant de volatilité de l'inflation en adoptant une politique légèrement plus souple à l'intérieur de la marge de tolérance et une politique fortement plus agressive à l'extérieur de cette marge, mais au prix d'une augmentation substantielle de la volatilité du taux d'intérêt nominal. Quatrièmement, si l’on prend en compte la borne inférieure des taux d’intérêt (ou une borne inférieure effective), les résultats, notamment sur l’arbitrage défavorable, restent inchangés, même si la volatilité macroéconomique est plus forte.

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Document de travail n°820 : Bandes de tolérance à l’inflation dans un modèle néo- keynésien
  • Publié le 29/06/2021
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Mis à jour le : 29/06/2021 08:41