Document de travail n°880 : Structure de financement des sociétés non-financières et implications macrofinancières en France

Comment la structure de financement des entreprises affecte-t-elle la stabilité économique et financière en France ? Pour répondre à cette question, nous modélisons la structure de financement des sociétés non financières (SNF) françaises et l'incorporons dans le modèle macroéconomique semi-structurel de la Banque de France (FR-BDF). Nous utilisons ensuite le modèle augmenté pour simuler plusieurs scénarios de stress macro-financier et nous montrons que les nouveaux canaux modélisés impliquent un effet d'accélérateur financier non négligeable, qui affecte les décisions d'investissement des entreprises avec une incidence sur la transmission de la politique monétaire. En particulier, le levier d’endettement des entreprises joue un rôle clé pour l'investissement, et nous discutons de l’impact relatif des chocs affectant le levier via le crédit bancaire ou la valorisation des fonds propres.

Cet article vise à mettre en lumière la relation entre l'endettement des entreprises, la structure du financement des entreprises, les coûts de financement et l'investissement des SNF. Bien que nous nous concentrions sur le cas de la France, nos résultats peuvent s'appliquer plus généralement à de nombreuses économies développées dotées de systèmes bancaires et de marchés financiers tout aussi évolués. Tout d'abord, nous cherchons à identifier les déterminants de la structure de financement des SNF et son impact sur le coût du capital qui, en fin de compte, détermine les dépenses d'investissement des SNF. À cette fin, nous développons d'abord un cadre d'équilibre partiel capturant les décisions de financement des SNF, que nous adaptons aux conditions particulières et aux relations empiriques observées en France. Ensuite, ce travail vise à discuter des décisions de financement externe auxquelles sont confrontées les SNF et leur impact macroéconomique à l’aide d'un modèle macroéconomique semi-structurel couramment utilisé à la Banque de France pour les prévisions et l'analyse des politiques économiques. Ainsi, nous intégrons notre bloc de financement des SNF dans le modèle macroéconomique semi-structurel FR-BDF de la Banque de France et utilisons le cadre d'équilibre général pour plusieurs analyses de scénarios macro-financiers.

Notre modèle complet du bilan agrégé des SNF nous permet de dériver une variable de levier des SNF qui résume le degré de vulnérabilité financière des entreprises. À son tour, le levier d’endettement des SNF détermine les primes de risque et les spreads des prêts bancaires et des obligations, en prenant en compte les effets d'accélérateur financier. Ainsi, l'ajout de notre bloc de financement des SNF au modèle de prévision macroéconomique FR-BDF permet de mieux comprendre la dynamique de la dette des entreprises et d'enrichir la description du bilan des SNF et des liens macrofinanciers en fonction des chocs sur les taux à long terme, les spreads et les besoins en investissements des SNF. Notre modèle peut donc être utilisé à la fois à des fins de prévision et dans des analyses de scénarios macro-financiers et de stabilité financière.

Nos résultats empiriques montrent d'abord que les SNF s'appuient sur les prêts bancaires pour couvrir une grande partie de leurs nouveaux besoins de financement, avec une sensibilité particulière aux conditions de taux de prêt bancaire. Ensuite, l'arbitrage entre les prêts bancaires et l'émission d'obligations est déterminé par le coût relatif de ces deux instruments de dette. Enfin, les chocs auxquels sont soumis les marchés d'actions affectent, par le biais de la réévaluation des actions, le levier de marché des entreprises, ce qui se traduit à son tour par des ajustements des primes de risque liées à la dette. Bien que l'intégration de notre bloc de financement des SNF ne change pas fondamentalement les propriétés macroéconomiques du modèle FR-BDF, nous constatons que le mécanisme d'accélérateur financier qui en résulte modifie de manière significative la réponse de l'investissement des entreprises aux changements des conditions de financement. Le modèle augmenté est donc capable de capturer et d'identifier les liens macro-financiers, une caractéristique particulièrement utile pour décrire les périodes de tensions sur les marchés de la dette ou les risques liés à un endettement excessif des entreprises.

En outre, nous utilisons le modèle pour simuler la réponse de la structure du financement et de l'investissement des entreprises à un large éventail de scénarios de stress macrofinancier et de politique macroprudentielle. Dans l'ensemble, nous trouvons un effet modérateur d'une augmentation exogène du crédit bancaire via l'effet de levier sur l'activité économique, avec un rôle particulier de la valorisation des actifs des entreprises sur leurs conditions de financement. Au-delà de la prévision, le modèle FR-BDF augmenté peut donc contribuer à l'évaluation des risques liés à l'endettement des entreprises et aux analyses de stabilité financière.

Télécharger la version PDF du document

publication
Document de travail n°880 : Structure de financement des sociétés non-financières et implications macrofinancières en France
  • Publié le 13/07/2022
  • 37 page(s)
  • EN
  • PDF (1.09 Mo)
Télécharger (EN)

Mis à jour le : 04/05/2023 16:29