Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Mars 2023

  • Depuis notre prévision de décembre, nous observons une détente plus nette qu’anticipé des prix de l’énergie du fait de la combinaison d’un hiver à la météo clémente, des efforts de sobriété énergétique et des mesures européennes, l’ensemble ayant permis d’éviter une crise d’approvisionnement. Ces facteurs nous conduisent à réviser, sur 2023, à la baisse l’inflation et à la hausse la croissance dans nos projections de mars. À l’horizon 2024-2025, les projections sont peu modifiées. Ces projections, finalisées début mars, sont entourées d’une incertitude accrue du fait des tensions financières depuis le 10 mars.
  • En 2022, les tensions sur les prix énergétiques et des matières premières ont provoqué une forte inflation qui a atteint 5,9 % en moyenne annuelle et même 7,0 % en glissement annuel au dernier trimestre. En 2023, l’inflation en France commencerait à se replier : les tensions sur les prix des matières premières y compris agricoles se sont fortement atténuées au cours des derniers mois et cette détente se poursuivrait. Dans ce contexte, l’inflation IPCH (indice des prix à la consommation harmonisé) totale connaîtrait un net reflux, même si des surprises au mois le mois sont toujours possibles, pour atteindre un glissement annuel de 3,8 % fin 2023. Avec un décalage dans le temps, sa composante moins volatile, l’IPCH hors énergie et alimentation, décroîtrait, mais dans de moindres proportions, pour atteindre 3,8 % fin 2023, contre 4,2 % fin 2022.
  • En 2024 et 2025, avec l’impact progressif du resserrement de la politique monétaire, qui a contribué à ancrer les anticipations d’inflation des agents économiques, l’inflation poursuivrait son net recul et reviendrait vers la cible de la Banque centrale européenne (BCE) de 2 %.
  • Le choc de prélèvement extérieur continue actuellement à peser sur les ménages et les entreprises françaises, mais son ampleur se réduit plus rapidement que ce que nous anticipions auparavant. Après le net ralentissement fin 2022, la croissance économique en France devrait d’abord rester légèrement positive, sur un rythme trimestriel autour de 0,1 %. Puis le rythme de la croissance augmenterait progressivement en fin d’année, et la croissance du PIB serait alors de 0,6 % en moyenne annuelle en 2023. Une fois passé le pic du prélèvement extérieur, la phase de reprise se renforcerait, avec des rythmes trimestriels autour de 0,4 % et une croissance en moyenne annuelle de 1,2 % en 2024 et 1,7 % en 2025
  • Le cycle de l’emploi, comme habituellement, serait décalé dans le temps. Après une très bonne dynamique de l’emploi en 2022, celui-ci serait ensuite un peu affecté avec retard par le ralentissement de l’activité, mais aussi, plus positivement, par le rétablissement des gains de productivité, actuellement bien inférieurs à leur tendance. Ce rétablissement reste toutefois incertain alors que l’emploi a régulièrement surpris à la hausse depuis trois ans.
  • À travers ces trois années, l’économie française confirmerait donc une certaine résilience de l’emploi, du pouvoir d’achat des ménages et du taux de marge des entreprises. Cette résilience a eu une contrepartie tenant au rôle joué par les finances publiques, qui pèse dans la durée sur le ratio d’endettement public en pourcentage du PIB. 

 

L’activité économique progresserait sur un rythme limité en 2023, avant de connaître une reprise en 2024 et 2025

Cette projection intègre les résultats détaillés des comptes nationaux du quatrième trimestre 2022, publiés le 28 février 2023 par l’Insee, ainsi que l’ensemble des informations conjoncturelles des enquêtes de la Banque de France relatives au premier trimestre. Elle se fonde également sur les hypothèses techniques de l’Eurosystème arrêtées au 15 février 2023.

La croissance en 2022 a été de 2,6 % en moyenne annuelle. Mais elle a été marquée par un changement de rythme en cours d’année : tout d’abord une bonne résilience de l’activité au premier semestre, soutenue par la levée des dernières restrictions sanitaires ; puis un net ralentissement au second semestre provoqué par le choc de prélèvement extérieur, conséquence de la guerre russe en Ukraine.

En 2023, l’activité se montrerait plus résiliente qu’anticipé lors des prévisions de décembre. D’après les enquêtes de conjoncture de la Banque de France, l’activité résisterait ainsi au premier trimestre 2023 avec une croissance de 0,1 % alors que nous anticipions une activité légèrement négative lors de l’exercice de décembre. De plus, les hypothèses tirées des prix des futures sur les marchés internationaux, qui intègrent des prix de l’énergie attendus à des niveaux plus modérés (cf. graphique 1) nous conduisent à réviser à la baisse nos prévisions d’inflation. Cela, combiné à une incertitude moins forte début 2023 et à une croissance plus élevée de la demande mondiale adressée à la France (révisée de 0,4 point de pourcentage en 2023), nous pousse à prévoir une activité mieux orientée que dans notre exercice de décembre. Toutefois, l’environnement financier atténuerait l’impact positif du reflux des prix de l’énergie, de la moindre incertitude et de la plus forte demande adressée. En effet, le taux de change effectif nominal serait plus élevé. La remontée des taux courts et des taux souverains serait, d’après les anticipations des marchés financiers – toutefois actuellement entourées d’une incertitude accrue – plus prononcée, de respectivement 40 et 50 points de base plus élevés en 2023 par rapport aux hypothèses de décembre. In fine, à 0,6 % en 2023, la croissance du PIB serait supérieure de 0,3 point de pourcentage par rapport à notre prévision de décembre, avec un rythme de croissance trimestriel qui resterait sur l’essentiel de l’année proche de celui du second semestre 2022. L’incertitude entourant cette prévision demeure, mais la probabilité d’une récession est désormais très réduite.

 

Le choc de prélèvement extérieur pèserait donc encore en 2023, en particulier en moyenne annuelle, sur le pouvoir d’achat des ménages et les marges des entreprises, et donc sur toutes les composantes de la demande intérieure privée, en dépit du fort soutien public. En effet, d’une part, la diffusion de ce choc à l’ensemble des prix contribuerait au fort ralentissement du revenu réel des ménages qui affecterait leur consommation ; et d’autre part, ce choc augmenterait les coûts de production des entreprises qui ralentiraient leurs programmes d’investissement et les créations d’emplois. Dans un contexte international dégradé, le commerce extérieur ne permettrait pas d’atténuer ce fléchissement. Mais, suite à la détente des prix de l’énergie observée fin 2022 et qui se poursuivrait jusqu’en 2025 selon les marchés, ce prélèvement extérieur se réduirait plus rapidement que nous ne l’anticipions dans la prévision de décembre. Une fois passé le pic des tensions sur les prix des matières premières et sur l’approvisionnement en énergie, la phase de reprise redémarrerait nettement en 2024. La croissance annuelle du PIB serait alors de 1,2 % en moyenne annuelle en 2024, avec déjà des rythmes trimestriels autour de 0,4 %. La demande intérieure regagnerait en dynamisme sous l’effet du repli de l’inflation, auquel contribuerait notamment le durcissement des conditions financières.

 

Cette expansion serait encore plus nette en 2025, avec une croissance en moyenne annuelle de 1,7 %. Celle-ci serait très légèrement inférieure à celle anticipée dans les prévisions de décembre, car le ralentissement étant moins prononcé en 2023, l’ampleur du rattrapage de la tendance pré-Covid serait un peu plus limitée par la suite. Les rythmes trimestriels de croissance seraient toujours autour de 0,4 %.

L’inflation hors énergie et alimentation connaîtrait son pic un peu après celui de l’inflation totale, avant de se replier progressivement pour converger vers 2 % d’ici fin 2024 à fin 2025

Sur notre horizon de prévision, les évolutions de l’inflation seraient assez différenciées suivant les composantes et au cours du temps. Cela permettrait une adaptation graduelle du tissu économique aux chocs passés, à la base d’un retour sur un sentier de croissance durable, comme le laissent prévoir les régularités historiques.

Après avoir atteint 7,1 % en octobre et novembre 2022, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) avait reculé en décembre 2022 à 6,7 % en glissement annuel (cf. graphique 4 infra), en lien avec le recul des prix de l’énergie, dans le sillage de la forte baisse du prix du pétrole. En janvier et février 2023, l’inflation totale a cependant de nouveau temporairement progressé à un rythme de 7,0 % et 7,3 % en glissement annuel et l’inflation sous-jacente, définie comme l’inflation hors énergie et alimentation, a été de 4,2 % et 4,6 %. La composante énergétique a en effet été soutenue sur ces mois par les hausses de + 15 % des tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz et de l’électricité, respectivement en janvier et février. De leur côté, les prix de l’alimentation et, dans une moindre mesure des produits manufacturés, ont continué de progresser à des rythmes élevés traduisant le dynamisme des prix de production observés au milieu de l’année 2022. Enfin, l’inflation des services qui était, elle, restée stable à 3,6 % en glissement annuel d’octobre 2022 à janvier 2023, a un peu progressé pour atteindre 4,0 % en février 2023.

Sur l’ensemble de 2023, l’inflation totale diminuerait nettement, essentiellement sur la deuxième partie de l’année, pour s’établir à 5,4 % en moyenne annuelle, et à 4,3 % pour l’inflation hors énergie et alimentation (et 3,8 % en glissement annuel au quatrième trimestre 2023 à la fois pour l’IPCH total et hors énergie et alimentation). Ce recul marqué de l’inflation au second semestre serait lié principalement à ses composantes énergie et alimentation.

Premièrement, l’inflation énergétique, bien qu’encore soutenue par la hausse des tarifs réglementés du gaz et de l’électricité (respectivement aux mois de janvier et février 2023), déclinerait rapidement en 2023 dans le sillage des prix de gros sur les marchés internationaux, qui ont entamé leur reflux au quatrième trimestre 2022 (cf. graphique 2).  Avant 2021, les prix de gros de l’énergie, essentiellement déterminés par le prix du pétrole, se transmettaient rapidement aux prix à la consommation. Aujourd’hui, le prix de gros du gaz joue également un rôle important et sa transmission aux prix à la consommation est à la fois plus faible et plus lente, en raison notamment du bouclier tarifaire. Le ralentissement des prix de gros continuerait néanmoins à se transmettre à l’inflation énergétique sur le reste de l’année 2023.

 

Deuxièmement, nous anticipons une persistance accrue de l’inflation des produits alimentaires au premier semestre 2023, pouvant en particulier être renforcée par l’augmentation annoncée des prix payés par la grande distribution à ses fournisseurs pour les grandes marques, de l’ordre de 10 %, suite à la finalisation au 1er mars dernier des négociations entre les industriels et la grande distribution. Au sein des économies de la zone euro, ces négociations sont une caractéristique spécifique à la France, qui a bénéficié en 2022 d’une inflation alimentaire plus faible que chez ses voisins, mais qui devrait connaître un rattrapage dans les mois qui viennent, à présent que les négociations sont achevées. Cependant, une fois passé un pic au deuxième trimestre, l’inflation des produits alimentaires diminuerait en lien avec la détente prévue sur le prix des intrants agricoles (déjà observée pour l’alimentation animale, les engrais, les carburants, etc.) et les prix internationaux des matières premières agricoles (cf. graphique 3).

S’agissant des composantes hors énergie et alimentation, les chocs passés continueraient d’avoir pendant un temps un effet sur les prix des biens non énergétiques. En particulier, l’inflation des services serait tirée, plus durablement sur l’ensemble de l’année, par les salaires, sous l’impulsion notamment du Smic et des hausses de salaire négociées au niveau des branches d’activité (cf. encadré 1).

En 2024, dans un contexte d’accalmie sur les prix des matières premières énergétiques et alimentaires tel qu’anticipé aujourd’hui par les marchés à terme, l’ensemble des composantes de l’inflation se replierait, à l’exception des prix des services, encore soutenus par les hausses retardées des salaires et des loyers (cf. graphique 5). En moyenne annuelle, l’IPCH hors énergie et alimentation diminuerait alors à 3,0 % et l’inflation totale reculerait encore plus fortement à 2,4 %.

En 2025, l’inflation totale continuerait de refluer, et de façon plus générale, sous le double effet de la poursuite de la normalisation progressive des prix des matières premières (énergétiques et alimentaires), mais aussi d’une nouvelle baisse prononcée de l’inflation hors énergie et alimentation. En particulier, l’inflation de la composante services décroîtrait en lien avec des revalorisations salariales nominales moins marquées que les années précédentes (qui permettraient cependant aux salaires réels de progresser de façon dynamique, cf. tableau des salaires réels). Elle évoluerait à un rythme proche de celui qui prévalait du début des années 2000 à la crise économique de la fin des années 2000. In fine, l’inflation totale serait à 1,9 % en moyenne annuelle et l’inflation hors énergie et alimentation à 2,1 %.

Sur l’ensemble de l’horizon de prévision, mais surtout en 2024 et 2025, le resserrement de la politique monétaire, qui a permis d’éviter un désancrage des anticipations d’inflation des agents économiques, contribuerait au net recul de l’inflation. Des variations importantes de prix relatifs continueraient à avoir lieu, pour s’adapter aux chocs passés, mais l’inflation totale (comme celle hors énergie et alimentation) reviendrait vers la cible de la BCE de 2 %.

 

Le choc de prélèvement extérieur continuerait de peser sur le pouvoir d’achat des ménages mais plus modérément

En 2022, les tensions sur les prix de l’énergie et des autres matières premières importées provoquées par la guerre en Ukraine ont entraîné un choc de prélèvement extérieur sur l’économie française. La détérioration induite des termes de l’échange a engendré un coût d’environ 1,4 % du PIB en 2022 par rapport à 2021, et s’est matérialisée par une importante inflation se traduisant par un choc de revenu réel pour les ménages et les entreprises. Ce choc des termes de l’échange se réduirait en 2023 à mesure que les tensions sur les prix d’importation s’atténueraient du fait de la détente des prix de l’énergie, pour s’établir autour de 0,5 % du PIB en comparaison à la situation plus normale de 2021. Il devrait continuer à être limité en 2024 et 2025. Cette réduction serait plus rapide qu’anticipé dans notre prévision de décembre et le choc de prélèvement pèserait donc plus modérément sur les ménages et sur les entreprises.

Après sa forte hausse de 2021 (2,0 %), le revenu disponible réel des ménages n’a été que légèrement affecté par le choc d’inflation. Le pouvoir d’achat par habitant a, en moyenne, finalement été quasiment stable en 2022 (–0,1%) (cf. graphique 6). Plusieurs facteurs ont joué un rôle. Tout d’abord, le mécanisme d’indexation du Smic sur l’inflation a conduit à cinq revalorisations depuis fin 2021 et à une progression de 6,6 % en glissement sur un an au premier trimestre 2023. Puis, ces revalorisations se sont diffusées aux minima de branches et à l’ensemble des négociations salariales. En conséquence, le salaire moyen par tête (corrigé de l’activité partielle) a été relativement dynamique en 2022 avec une hausse en moyenne annuelle de 3,8 % (cf. encadré 1 pour une comparaison de différents indicateurs de salaire). Les fortes créations d’emplois en 2022 (+ 689 000 en moyenne annuelle) ont également soutenu la progression de la masse salariale (cf. graphique 9 infra) et du pouvoir d’achat. Pour finir, les soutiens budgétaires au pouvoir d’achat des ménages ont aussi largement amorti l’impact du choc d’inflation. Si certaines dépenses soutiennent le pouvoir d’achat par le biais des prestations sociales et transferts (chèque énergie, indexation des dépenses de retraite et baisse de la taxe d’habitation), d’autres dépenses (bouclier tarifaire) se traduisent en revanche par une moindre inflation qui pèse donc moins sur le pouvoir d’achat. En 2023, le pouvoir d’achat par habitant resterait quasiment stable (– 0,1 %), soutenu notamment par l’augmentation du salaire moyen par tête (SMPT) nominal (5,9 % en moyenne annuelle, pour les branches marchandes).

Cette quasi-stabilité du pouvoir d’achat, en moyenne, en 2022 et 2023 est une surprise positive par rapport à notre prévision de décembre dernier. Elle peut, pour plusieurs motifs, ne pas correspondre à la perception des ménages : cette moyenne recouvre des situations différentes face à l’inflation, les habitants des zones rurales ou les plus âgés ayant par exemple davantage subi les hausses de prix de l’énergie, ou les ménages à faibles revenus celles des prix de l’alimentation. Par ailleurs, les achats dont les prix sont en forte hausse (énergie et alimentation), même s’ils ne représentent qu’un quart de la consommation totale, sont les plus fréquents et donc les plus ressentis.

En 2024 et en 2025, le pouvoir d’achat par habitant regagnerait en dynamisme sous l’effet du repli de l’inflation alors que le salaire par tête continuerait sa progression, en particulier en termes réels du point de vue du salarié (mesuré par le SMPT déflaté par le prix de consommation des ménages, cf. tableau des salaires réels). Le pouvoir d’achat par habitant  augmenterait ainsi de 1,0 % en 2024 et de 0,8 % en 2025, ce qui le porterait 3,5 % au-dessus de son niveau pré-Covid de 2019.

La stagnation du pouvoir d’achat en 2022 et 2023 aurait des conséquences temporaires sur la consommation des ménages, qui progresserait faiblement en 2023 (+ 0,4 %). En effet, les ménages ne puiseraient que modérément dans leur épargne pour lisser leur consommation, en raison d’un comportement de précaution face à la hausse du chômage et aux craintes durables suscitées par la situation géopolitique internationale. Mais la consommation accélérerait ensuite en 2024 (+ 1,5 %) et en 2025 (+ 1,6 %) avec la reprise des gains de pouvoir d’achat.

Après son pic de l’année 2020 (21 %) lié aux restrictions de la consommation pendant les premiers confinements, le taux d’épargne s’est replié à 16,6 % en 2022. Il diminuerait ensuite plus lentement sur les trois années de la prévision pour atteindre un niveau d’environ 16 % en 2025 (cf. graphique 7), proche toutefois du maximum observé entre le début des années 2000 et 2019, l’incertitude – et l’épargne de précaution qui en découle – ne refluant que progressivement dans notre scénario.

L’investissement des ménages, notamment les achats de logements neufs, a marqué le pas en 2022 (0,3 %) sous l’effet du ralentissement du pouvoir d’achat et du resserrement des conditions financières. Il  connaîtrait ensuite une baisse accentuée en 2023 et 2024, qui s’estomperait cependant en 2025.

Les marges des entreprises seraient également touchées de façon plus limitée que précédemment anticipé

En 2022, les entreprises ont, elles, subi une augmentation du coût de leurs consommations intermédiaires en raison des tensions sur les prix de l’énergie. Dans un contexte de ralentissement de la productivité par tête, les coûts salariaux unitaires (CSU, ratio des coûts de la main-d’œuvre sur la productivité du travail) ont aussi augmenté de 5,1 % en 2022 dans le secteur marchand. Les entreprises ont en partie répercuté ces hausses de coûts dans leur prix de valeur ajoutée (+ 4,7 %). Cela a permis de limiter la baisse agrégée du taux de marge des sociétés non financières à environ deux points de pourcentage en 2022 par rapport à son niveau record de 2021 (cf. graphique 8). Comme pour le pouvoir d’achat des ménages, cette baisse est moins forte que celle que nous anticipions dans notre exercice de décembre. Les entreprises sont en effet parvenues en 2022 à transmettre davantage que prévu les hausses de coûts à leurs prix. Le taux de marge reste ainsi proche de son niveau de 2018 (31,5 %, nous utilisons le niveau de 2018 comme point de référence pour la période pré-Covid car l’année 2019 est affectée par le double compte du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, CICE). En 2023-2024, l’augmentation du coût des intrants et le dynamisme des CSU continueraient de peser sur les marges, malgré la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur ces deux années. Les marges se maintiendraient pourtant à des niveaux plus hauts qu’anticipé dans la prévision de décembre du fait de leur niveau plus élevé en 2022.

 

Ensuite, à la faveur d’un net redressement des gains de productivité, lié à la reprise de l’activité et à la fermeture du cycle de productivité, et d’un ralentissement du salaire nominal par tête plus prononcé que celui du prix de la valeur ajoutée (cf. tableau infra ),  le taux de marge commencerait à remonter en 2025.

À l’horizon de la prévision, le taux de marge des entreprises reviendrait ainsi à un niveau proche de celui d’avant la crise Covid. Cela permettrait au taux d’investissement des entreprises de limiter sa baisse engendrée par le durcissement des conditions financières et le ralentissement de l’activité. Celui-ci demeurerait ainsi à un niveau élevé à l’horizon de la prévision (25,4 % en 2025) par rapport à son niveau pré-Covid (24,2 % en 2019).

 

Avec des décalages dans le temps, l’impact défavorable sur les ménages comme sur les entreprises du choc inflationniste serait donc largement amorti par les finances publiques, et cela aurait un coût. En effet, pour protéger les ménages et les entreprises face à la hausse des prix de l’énergie, le gouvernement a mis en place un ensemble de mesures compensatoires dont le bouclier tarifaire, pour un coût brut total approchant 110 milliards d’euros pour la période 2021 - 2023. Les dépenses publiques se maintiendraient ainsi à un niveau élevé, conduisant à un ratio de dette publique se maintenant au-dessus de 110 % du PIB sur tout l’horizon de prévision.

Remontée seulement transitoire du taux de chômage en 2023-2024, en lien avec le ralentissement de l’activité et le rétablissement attendu des gains de productivité ; puis reprise de sa décrue en 2025

Les créations d’emplois ont été très dynamiques en 2022, avec 337 000 emplois salariés supplémentaires dans le secteur privé fin décembre 2022 par rapport à fin décembre 2021, et après 895 000 créations enregistrées en 2021. Ces créations ont été soutenues au premier semestre par la levée des contraintes sanitaires et les réouvertures dans les services, et par la poursuite des créations d’emplois en apprentissage. Elles ont permis à la masse salariale réelle des branches marchandes de ne pas baisser en 2022 malgré la forte inflation (cf. graphique 9).

 

Dans un contexte de fléchissement de l’activité, le fort dynamisme de l’emploi a cependant eu pour contrepartie en 2022 une quasi-stagnation de la productivité par tête (0,1 %) et un recul de la productivité horaire (– 3,3 %). Après une décennie de progression à un rythme annuel moyen de 0,7 %, les gains de productivité par tête ont ainsi été négatifs en moyenne sur la période 2020-2022 (–1,4 % par an). Ces pertes de productivité s’expliquent par différents facteurs. Certains facteurs devraient être temporaires, comme la hausse des absences pour maladie durant la crise Covid. C’est également le cas de la rétention de main-d’œuvre en anticipation de la reprise de l’activité dans certains secteurs encore affectés par la crise Covid (par exemple la production de matériels de transport et la chute temporaire de la production d’électricité). En revanche, d’autres facteurs devraient être durables, comme la montée de l’emploi en alternance qui se poursuivrait sur la période 2023-2025.

Au quatrième trimestre 2022, la progression de l’emploi salarié privé a déjà marqué le pas. Les créations nettes d’emplois ont été de 44 400 entre fin septembre et fin décembre, alors qu’elles étaient encore de 87 500 entre fin juin et fin septembre. Cela va dans le sens du ralentissement que nous attendions. L’emploi salarié marchand continuerait de fléchir en 2023 et 2024, sous les effets du ralentissement de l’activité et d’un rétablissement modéré des gains de productivité des entreprises.

Avec un léger retard sur la reprise de l’activité, les créations d’emplois reprendraient au cours de 2025. Cela serait particulièrement le cas pour les emplois salariés marchands.

Les gains de productivité seraient aussi plus importants en 2024 et 2025 (2,4 % et 2,0 %), au-dessus des gains moyens de 2010-2019 (0,7 %), ce qui permettrait de rattraper une partie des pertes observées depuis 2020. L’ampleur de ce rattrapage est toutefois entourée d’incertitudes, ce qui engendre un aléa autour de nos projections d’emploi et de taux de chômage (cf. encadré 2).

Le taux de chômage suivrait donc un profil en cloche : il remonterait d’abord, à partir de son faible niveau actuel, en raison du net ralentissement de la croissance et du rétablissement de la productivité, puis repartirait à la baisse au cours de 2025 (cf. graphique 10). Il reviendrait ainsi vers son niveau pré-Covid de fin 2019, un niveau historiquement bas par rapport à ceux qui avaient prévalu dans les années 2010.

De nouvelles sources d’incertitude

Les aléas sur l’activité et l’inflation demeurent nombreux, mais ont évolué par rapport à nos précédentes projections.

Par rapport à notre précédente projection, les aléas négatifs relatifs à de possibles ruptures d’approvisionnement en énergie et à leurs conséquences potentielles sur l’activité ont pu être écartés pour l’hiver 2022-2023.Toutefois, la situation géopolitique liée à la guerre russe en Ukraine et au contexte mondial, avec de possibles regains de tensions sur l’approvisionnement en énergie durant l’hiver prochain, demeurent un risque à la hausse sur l’inflation et à la baisse sur la croissance à l’horizon fin 2023-début 2024.

Un autre aléa sur notre prévision d’inflation provient d’une possible persistance plus forte qu’actuellement anticipé des hausses de prix des produits alimentaires après la clôture au 1er mars dernier des négociations entre producteurs et distributeurs, même si de nouvelles hausses de prix des produits alimentaires dans les mois à venir sont déjà inscrites dans notre prévision. À l’inverse, les baisses récemment observées des prix de gros du gaz et de l’électricité pourraient avoir un impact plus marqué sur les prix de production, puis sur les prix à la consommation des biens manufacturés comme alimentaires.

La réouverture de la Chine à la suite de l’abandon de la politique « zéro Covid » par les autorités chinoises devrait soutenir le commerce mondial, les exportations et l’activité des économies de la zone euro en 2023. Les effets sur l’inflation sont plus ambigus. D’un côté, l’accélération de l’activité dans la principale économie asiatique pourrait exercer une pression à la hausse sur le coût des matières premières. De l’autre, la levée des contraintes sanitaires en Chine pourrait accélérer le retour à la normale des chaînes de valeur mondiales et alléger les pressions inflationnistes sur les biens manufacturés liées aux goulots d’étranglement.

Enfin, l’impact anticipé dans nos modèles du resserrement monétaire sur l’inflation est entouré d’incertitudes, autant à la hausse qu’à la baisse, quant à son ampleur et à ses délais de transmission.

Par ailleurs, les effets indirects de la récente volatilité bancaire et financière sont également à suivre de près, comme l’ont rappelé les évènements récents provoqués par la fermeture de la Silicon Valley Bank aux États-Unis ou l’incertitude autour du Crédit Suisse.

 

Encadré 1

Les différents indicateurs de salaire fournissent un diagnostic riche et convergent qui contribue à notre prévision d’inflation des services 

L’évaluation de la transmission de l’inflation aux salaires nominaux et de la boucle prix-salaires est un enjeu central de notre prévision. Plusieurs indicateurs de salaire, dont le salaire moyen par tête des comptes nationaux trimestriels que nous prévoyons, peuvent être mobilisés pour aider à l’évaluation de la dynamique des salaires. Dans cet encadré, quatre d’entre eux sont étudiés, et permettent d’en déduire des implications sur la prévision du salaire moyen par tête et de l’inflation.

 

Le premier indicateur de salaire est le salaire minimum de croissance (Smic) qui correspond au salaire horaire en dessous duquel un salarié ne peut être rémunéré. Or, le 1er janvier de chaque année le Smic est revalorisé de la hausse de l’IPC hors tabac du premier quintile de revenu depuis la dernière revalorisation et de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et employés. De plus, il est revalorisé par anticipation au cours d’une année si depuis la dernière revalorisation du Smic, la variation de ce même indice des prix dépasse 2 %. Son évolution est donc très dépendante de l’inflation. À la suite du regain d’inflation observé en 2022, le Smic a connu une cinquième revalorisation depuis fin 2021 et, en glissement sur un an, il progresse de 6,6 % au premier trimestre 2023. Dans nos prévisions, entre 2023 et 2025, le Smic devrait de nouveau être revalorisé plusieurs fois par anticipation (en plus des revalorisations au 1er janvier), mais avec une fréquence réduite par rapport aux deux années antérieures. Ainsi, sous l’effet du repli de l’inflation, le glissement annuel du Smic, tout en restant significatif, diminuerait tout le long de l’horizon de projection pour atteindre un peu plus de 3 % au dernier trimestre 2025. Cet élément est important, car les revalorisations du Smic se diffusent au reste de l’échelle des salaires par le biais des minima de branche – qui sont notamment revalorisés lorsqu’ils passent en dessous du Smic – et des négociations salariales.

 

Dans le prolongement des revalorisations du Smic, le deuxième indicateur suivi et calculé à la Banque de France est l’indice d’évolution des salaires négociés dans les branches, qui résulte du recensement des accords de salaire de plus de 350 branches en France. Les revalorisations fréquentes du Smic se sont peu à peu diffusées aux minima définis dans les branches en 2022. Les accords de branche prévoyaient en début d’année 2022 des hausses proches de 3 %, mais de nombreuses branches – notamment celles dont les salaires sont proches du Smic ou qui rencontrent d’importantes difficultés de recrutement – ont revu leur accord en cours d’année pour signer des hausses proches ou supérieures à 5 %, ce qui a contribué à la forte accélération des salaires négociés en fin d’année 2022. En glissement annuel, la moyenne des hausses négociées est passée ainsi d’environ 2,5 % au premier trimestre 2022 à 5 % au quatrième trimestre 2022. Les premiers accords pour l’année 2023 indiquent une poursuite de la diffusion de l’inflation aux minima de branche, notamment pour les branches n’ayant pas révisé leur accord en cours d’année 2022, mais selon un rythme déjà un peu réduit : les premiers accords pour ces branches indiquent des hausses comprises entre 4 et 4,5 %. Sur la suite de l’horizon de prévision, le repli de l’inflation et la moindre croissance du Smic devraient conduire à un ralentissement de la dynamique des salaires négociés.

 

L’indice du salaire mensuel de base (SMB), troisième indicateur que nous suivons, mesure l’évolution moyenne des salaires bruts hors prise en compte des primes et heures supplémentaires à partir de l’enquête Acemo de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail (Dares). Ces salaires de base sont influencés directement par les revalorisations du Smic et les négociations salariales au sein des branches. La Dares fournit également des indices par catégories socioprofessionnelles (CSP) qui permettent d’apprécier si les augmentations de salaire sont homogènes entre CSP. Le glissement annuel du SMB a augmenté continuellement depuis début 2022, passant de 1,7 % au quatrième trimestre 2021 à 3,8 % au quatrième trimestre 2022. L’évolution est hétérogène au sein des CSP, l’indice du SMB des professions intermédiaires et des cadres ayant moins fortement augmenté (glissements annuels fin 2022 de respectivement 3,2 % et 2,9 %) que celui des ouvriers et des employés (respectivement 4,6 % et 4,3 %), ces derniers étant probablement davantage concernés par l’évolution du Smic et des minima de branches. Cette hétérogénéité est aussi un signe bienvenu d’absence de spirale inflationniste avec des évolutions différenciées suivant les conditions économiques qui affectent les différentes catégories de salariés.

 

Dans le modèle FR-BDF utilisé pour l’exercice de prévision macroéconomique, c’est enfin la dynamique du salaire moyen par tête (SMPT) des branches marchandes qui est prévue, car il s’agit de la mesure la plus large des salaires, qui intervient dans le calcul du revenu disponible brut des ménages et donc de leur pouvoir d’achat. À la différence du SMB et des salaires négociés, le SMPT inclut les heures supplémentaires et les primes – notamment la prime de partage de la valeur qui a soutenu la dynamique du SMPT au second semestre 2022. L’évolution du SMPT prend également en compte les effets des hausses individuelles, des entrées-sorties et des effets de composition de l’emploi entre branches.  Sur l’année passée, le glissement annuel du SMPT corrigé de l’activité partielle a été très dynamique, passant de 1,6 % au quatrième trimestre 2021 à 4,8 % au quatrième trimestre 2022.

 

Le regain d’inflation observé depuis début 2022 s’est transmis tout le long de l’échelle des salaires (cf. graphique). Dans un premier temps, cette transmission s’est opérée à travers les revalorisations automatiques du Smic qui se sont ensuite peu à peu diffusées aux minima de branches, puis l’inflation s’est répercutée sur l’ensemble des négociations salariales dans les entreprises. Dans ce contexte, le SMPT corrigé poursuivrait son accélération en début d’horizon de prévision, avec un taux de croissance en glissement annuel qui atteindrait 6,8 % au troisième trimestre 2023 (6,5 % pour le SMPT non corrigé), sous l’effet de la revalorisation du Smic (+ 1,8 % au premier trimestre 2023), des hausses de salaire en cours de négociation et d’un taux de chômage restant à un niveau historiquement faible.

 

Cependant, cette augmentation des salaires ne devrait pas engendrer de spirale inflationniste. En effet, si le Smic progresse de façon dynamique du fait de son indexation à l’inflation, les autres indicateurs de salaire plus agrégés (salaires négociés, SMB et SMPT) connaissent des progressions plus limitées. Les salaires ne sont en général plus indexés sur l’inflation à la différence de ce qui prévalait dans les années 1970 et ne répercutent donc que partiellement la dynamique de l’inflation. De plus, à la différence de celle de cette époque, la politique monétaire actuelle contribue à ancrer les anticipations d’inflation et les négociations salariales sur un horizon au-delà du court terme.

 

Les augmentations de salaire auraient un impact différencié sur les composantes de l’inflation et retardé par rapport au choc initial sur les prix de l’énergie. Les composantes de l’inflation hors services (alimentation, biens industriels et énergétiques) dépendent en effet davantage de facteurs externes tels que les tensions sur les prix des matières premières ou sur les chaînes d’approvisionnement, alors que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) services est la composante de l’inflation la plus influencée par l’accélération des salaires, car elle englobe des secteurs riches en main-d’œuvre et plus sensibles aux dynamiques salariales. À mesure que les tensions sur les prix des matières premières et sur les chaînes d’approvisionnement s’apaiseraient dans les trimestres à venir, les pressions inflationnistes se réduiraient sur les composantes de l’IPCH hors services, ce qui permettrait, toutes choses égales par ailleurs, une réduction de l’inflation totale. Cela ne nourrirait alors plus autant la croissance mécanique du Smic et contribuerait à ralentir la dynamique des salaires négociés dans les branches.

 

Enfin, ce repli de l’inflation se traduirait dans l’ensemble des négociations salariales au niveau des entreprises et dans la dynamique du SMPT. Après son pic du troisième trimestre 2023, le glissement annuel du SMPT diminuerait progressivement pour atteindre un rythme un peu supérieur à 3 % fin 2025, entraînant dans son sillage l’IPCH services, la dernière composante à voir son taux d’inflation diminuer sur notre horizon de projection, ce qui conforterait alors la baisse de l’indicateur important qu’est l’inflation hors énergie et alimentation.

Encadré 2

Incertitude sur l’ampleur du rétablissement de la productivité et implications pour la prévision de l’emploi et du taux de chômage

 

Dans le secteur marchand, la productivité du travail a connu une baisse par rapport à sa tendance pré-Covid (voir texte supra, et tableau E2 en annexe). Dans notre scénario central de projection, environ la moitié de cette perte de productivité serait durable et s’expliquerait par :  la montée de l’emploi en apprentissage, la crise Covid et la crise énergétique. D’autres facteurs, considérés comme temporaires, se résorberaient à l’horizon de notre prévision : la rétention de main-d’œuvre, notamment dans les secteurs de l’énergie et des matériels de transport et le surcroît d’absences pour maladie lié à la crise sanitaire. Il existe néanmoins une incertitude sur la part des pertes de productivité qui serait permanente. Pour juger de la sensibilité de nos prévisions d’emploi et de chômage à cette incertitude, nous présentons deux scénarios alternatifs fondés sur différentes hypothèses de gains de productivité, à évolution inchangée de l’activité.

 

Dans le scénario haut, caractérisé par des gains de productivité plus élevés, les pertes durables de productivité seraient plus faibles que dans notre scénario central, et seraient supposées limitées à 25 % de l’écart de la productivité à sa tendance pré-crise. Dans ce scénario, la montée de l’emploi en alternance pèserait moins sur la productivité, les défaillances d’entreprises retrouveraient plus rapidement leur niveau d’avant-crise, ce qui pèserait sur l’emploi, et les gains de productivité s’en trouveraient augmentés à l’horizon de notre prévision. Les gains de productivité moyens atteindraient 2,2 % en moyenne chaque année, contre 1,7 % dans notre scénario central (cf. tableau). Pour un même niveau d’activité, l’emploi salarié du secteur marchand diminuerait de 363 000 personnes, en cumul sur la période 2023-2025, et le taux de chômage remonterait à 9,0 % en moyenne en 2025.

 

Dans le scénario bas, à gains de productivité plus faibles, la part des pertes durables de productivité serait plus élevée, de l’ordre de 75 %. Une part temporaire de pertes de productivité (surcroît d’absences pour maladie lié à la crise sanitaire, rétention de main-d’œuvre) se résorberait à l’horizon de la prévision. Dans ce scénario, les gains de productivité demeureraient inférieurs à ceux de notre scénario central, en raison de difficultés sectorielles (dans l’énergie et les matériels de transport) qui perdureraient en partie au-delà de notre horizon de prévision, et de créations d’emplois en alternance qui pèseraient davantage sur la productivité. Les gains de productivité s’élèveraient à 1,2 % en moyenne annuelle entre 2023 et 2025, permettant, pour un même niveau d’activité, 215 000 créations d’emplois (contre 93 000 emplois détruits dans notre scénario central). Dans ce scénario, le taux de chômage reculerait à 7,1% en moyenne en 2025 et se situerait alors à un niveau inférieur de 0,2 point par rapport à sa moyenne observée en 2022, contre une hausse de 0,8 point dans notre scénario central.

 

Ces scénarios purement illustratifs doivent toutefois être interprétés avec prudence car ils supposent que l’évolution de l’activité serait la même dans tous les cas considérés.

Annexe A : La mise à jour des poids des postes de la consommation des ménages dans l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)

L’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est un indice de prix qui agrège les postes de la consommation avec des poids fixes en cours d’année, mais qui sont modifiés en janvier de chaque année par l’Insee pour bien tenir compte de l’évolution de la structure de la consommation des ménages. Pour 2023, ces pondérations ont ainsi été mises à jour afin d’être représentatives de la structure de consommation des ménages de l’année 2022 et cette mise à jour est assez significative. Le poids des dépenses d’alimentation a baissé, passant de 21,0 % à 20,3 % de l’ensemble du panier de consommation et retrouve son niveau de 2020 (consommation de 2019), à 20,3 %. De même, le poids de l’énergie a baissé passant de 10,3 % à 9,9 %, mais il reste significativement supérieur à celui de 2020 qui était de 9,2 %, cette « surpondération » traduisant le fait que les prix de l’énergie ont été très dynamiques entre 2019 et 2022. À l’inverse, le poids des services a fortement augmenté entre 2022 et 2023, en passant de 43,6 % à 46,3 %. Cette hausse traduit un rattrapage de la consommation en volume de certains services en 2022 (services de transport, d’hébergement et de restauration), après les fortes baisses dues aux restrictions sanitaires.

 

En temps normal, la structure de consommation évolue très lentement d’une année sur l’autre, de telle sorte que les impacts des changements de poids sur la mesure de l’IPCH sont négligeables. Du fait des fortes variations de poids de 2023 par rapport à ceux de 2022, la mesure de l’IPCH en glissement sur un an s’en trouve affectée. Plus précisément, en raison de la normalisation de la composition de consommation, la mesure de l’inflation se trouve affectée en sens inverse par rapport à l’effet de la déformation de cette composition en 2021. Cela joue sur certaines composantes de l’inflation plus particulièrement, avec des compensations partielles dans l’agrégation pour la mesure de l’IPCH total.

 

En 2023 par exemple, le poids du transport aérien de passagers dans le panier IPCH a augmenté, passant de 0,5 % en 2022 à 1,2 %, et se situe au même niveau qu’en 2020, à 1,2 %. Or, au mois de janvier 2023, l’indice des prix des transports aériens connaît habituellement une forte baisse en début d’année (après le pic saisonnier en décembre). Cette baisse des prix des transports aériens entre décembre 2022 et janvier 2023 contribue donc plus négativement à l’inflation avec son poids 2023 plus élevé qu’elle ne l’aurait fait avec son poids 2022. En janvier 2021, cet effet était de taille relativement comparable, mais avec un signe opposé, il traduisait alors la forte baisse du poids des transports aériens.

 

Sur l’ensemble de l’inflation, au mois de janvier 2023, l’actualisation des pondérations a une contribution modeste, à hauteur de seulement – 0,1 point de pourcentage au glissement annuel de l’IPCH total, essentiellement par les services où les baisses de prix habituelles sur le transport aérien ont été plus pondérées qu’avec les poids antérieurs. In fine, l’effet du changement de poids dépend non seulement des variations de poids, mais aussi des variations de prix relatifs attendues pour les différents produits.

Le graphique A présente les effets de ces changements de poids auxquels nous nous attendons pour l’année 2023. Nous estimons que les effets de la nouvelle structure de pondérations sur l’IPCH et l’IPCH hors énergie et alimentation en 2023 seraient en moyenne respectivement de + 0,2 pp et + 0,1 pp sur l’année. Ils varieraient en cours d’année : ils seraient ainsi négatifs au premier trimestre 2021 (comme en janvier), globalement positifs sur le deuxième trimestre, toujours positifs, mais bien plus marqués au troisième trimestre, et enfin positifs, mais de façon plus mesurée au quatrième trimestre. Ces variations des effets poids seraient essentiellement dues aux services, et notamment aux transports aériens et aux services d’hébergement. L’effet positif estimé au troisième trimestre, en miroir de l’effet négatif au premier trimestre, proviendrait ainsi du fait que les indices de prix de ces composantes connaissent un pic saisonnier à l’été, qui contribuerait plus fortement à l’inflation totale en raison de leurs poids plus élevés en 2023 qu’en 2022.

 

Finalement, les mises à jour régulières des poids des différentes composantes de l’IPCH ont pour but de bien retranscrire la composition des dépenses de consommation des ménages et doivent être bien comprises. Mais leur effet global mesuré en moyennes annuelles serait limité dans nos prévisions.

Annexe B : Hypothèses techniques de l’Eurosystème

Annexe C : Points clés de la projection France en fin d’année

Annexe D : Projections détaillées et contributions à la croissance du PIB

Annexe E : Indicateurs complémentaires

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Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Mars 2023
  • Publié le 20/03/2023
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Mis à jour le : 28/03/2023 16:44