Bulletin économique de la BCE n°4/2020

Évolutions économiques et monétaires

Vue d’ensemble

Lors de sa réunion de politique monétaire du 4 juin, le Conseil des gouverneurs a décidé d’augmenter l’enveloppe consacrée au programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), d’étendre l’horizon fixé pour les achats nets au titre de ce programme et de réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP, tout en maintenant le programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) et les réinvestissements au titre de ce programme et en laissant les taux d’intérêt directeurs de la BCE inchangés. Les informations disponibles confirment une contraction sans précédent de l’économie de la zone euro. L’activité économique s’est brutalement détériorée en raison de la pandémie de coronavirus (COVID-19) et des mesures prises pour la contenir. De lourdes pertes d’emplois et de revenus et une incertitude exceptionnellement élevée quant aux perspectives économiques ont entraîné une baisse significative de la consommation et de l’investissement. Si les données d’enquêtes et les indicateurs en temps réel de l’activité économique semblent montrer qu’un plancher aurait été atteint en lien avec l’assouplissement progressif des mesures d’endiguement, l’amélioration reste timide à ce stade par rapport au rythme auquel les indicateurs ont chuté au cours des deux mois précédents. Les projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro tablent sur un recul sans précédent de la croissance au deuxième trimestre de l’année, avant un rebond au second semestre, soutenu de façon essentielle par les vastes mesures budgétaires et monétaires qui ont été adoptées. Néanmoins, les projections comportent une révision à la baisse substantielle à la fois du niveau d’activité économique et des perspectives d’inflation sur l’ensemble de l’horizon de projection, même si le scénario de référence est entouré d’un degré exceptionnel d’incertitude. Alors que l’inflation totale est endiguée par la baisse des prix de l’énergie, les tensions sur les prix devraient demeurer modérées en raison de la forte contraction du PIB en volume et de la hausse significative de la sous-utilisation des capacités productives qui y est associée. Dans ce contexte, le Conseil des gouverneurs a décidé d’adopter une série de mesures de politique monétaire visant à soutenir l’économie pendant sa réouverture progressive et à sauvegarder la stabilité des prix à moyen terme.

Évaluation économique et monétaire au moment de la réunion du Conseil des gouverneurs du 4 juin 2020

L’épidémie de COVID-19 est à l’origine d’une forte détérioration des perspectives mondiales, comme cela a été intégré dans les projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème. La pandémie de COVID-19 a paralysé l’économie mondiale, les mesures prises par les gouvernements du monde entier afin de contenir la propagation du virus étant un facteur déterminant de la récente chute de l’activité économique. Plusieurs pays ont récemment commencé à assouplir les mesures d’endiguement, mais ce processus devrait être très graduel. L’activité économique, en particulier dans les économies de marché émergentes, a également été affectée négativement par la forte baisse des prix des matières premières, par le durcissement des conditions financières et par d’importantes sorties de capitaux. Les données disponibles confirment que les retombées économiques des mesures d’endiguement de l’épidémie seront brutales et profondes. Au vu de ces graves perturbations à l’échelle mondiale, les projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème envisagent une contraction de 4,0 % du PIB en volume mondial (hors zone euro) cette année. Cette contraction est plus rapide et plus prononcée que celle observée lors de la Grande récession. Après une forte contraction au cours des deux premiers trimestres de 2020, l’activité mondiale devrait commencer à se redresser au troisième trimestre et augmenter de 6,0 % et 3,9 % en 2021 et 2022, respectivement. Le commerce mondial sera plus gravement touché, dans la mesure où les perturbations de la logistique et la fermeture des frontières amplifient l’impact des retombées. En dépit d’une forte détérioration des perspectives mondiales, comme cela a été intégré aux projections de juin, les risques pesant sur ces perspectives restent orientés négativement. En particulier, l’impact de la pandémie pourrait se révéler plus fort et plus durable qu’on ne le prévoit actuellement.

En dépit d’un léger assouplissement depuis la réunion du Conseil des gouverneurs de mars 2020, les conditions financières dans la zone euro n’ont pas retrouvé les niveaux observés avant la propagation mondiale du COVID‑19. Au cours de la période sous revue (du 12 mars au 3 juin 2020), la courbe anticipée du taux moyen pondéré au jour le jour de l’euro (Eonia) s’est déplacée vers le haut. Son inversion sur les échéances courtes persiste – mais de façon moins prononcée que le 12 mars – signalant que les anticipations par les intervenants de marché d’une nouvelle réduction des taux directeurs se sont atténuées et qu’elles ont été repoussées dans le futur. En dépit de l’assouplissement de la politique monétaire apporté par le PEPP et les autres mesures de politique monétaire, les rendements des obligations souveraines à long terme de la zone euro ont augmenté au cours de la période sous revue. Les prix des actifs risqués ont regagné une partie des pertes enregistrées en février et en mars, principalement dans un contexte d’amélioration du sentiment à l’égard du risque au niveau mondial et de perception d’une certaine atténuation du risque extrême de crise mondiale imminente. Sur les marchés des changes, l’euro est demeuré globalement stable en termes pondérés des échanges commerciaux, la volatilité des taux de change bilatéraux reflétant l’incertitude qui entoure la pandémie de COVID-19.

Le PIB en volume de la zone euro a baissé de 3,8 % en glissement trimestriel, au premier trimestre 2020, et les données disponibles vont dans le sens d’une nouvelle contraction significative du PIB en volume au deuxième trimestre. Les derniers indicateurs économiques et résultats d’enquêtes confirment une forte contraction de l’économie de la zone euro et une détérioration rapide des conditions sur les marchés du travail. La pandémie de coronavirus et les nécessaires mesures d’endiguement ont fortement perturbé à la fois le secteur manufacturier et les services, pesant lourdement sur les capacités productives de l’économie de la zone euro et sur la demande intérieure. Les indicateurs les plus récents suggèrent qu’un niveau plancher aurait été atteint en mai grâce à la réouverture progressive de certains pans de l’économie. L’activité économique de la zone euro devrait donc rebondir au troisième trimestre avec la poursuite de l’assouplissement des mesures d’endiguement, et être soutenue par les conditions de financement favorables, par l’orientation budgétaire expansionniste et par une reprise de l’activité mondiale, même si le rythme et l’ampleur du rebond restent globalement très incertains.

Cette évaluation se reflète aussi largement dans les projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro. Dans le scénario de référence de ces projections, le PIB annuel en volume devrait reculer de 8,7 % en 2020, puis rebondir de 5,2 % en 2021 et de 3,3 % en 2022. Par rapport aux projections macroéconomiques de mars 2020 établies par les services de la BCE, les perspectives de croissance du PIB en volume ont été considérablement revues à la baisse pour 2020 (de 9,5 points de pourcentage) mais révisées à la hausse pour 2021 et 2022 (de respectivement 3,9 points de pourcentage et 1,9 point de pourcentage). Étant donné l’incertitude exceptionnelle dont les perspectives sont actuellement entourées, les projections contiennent également deux scénarios alternatifs [1]. De manière générale, l’ampleur de la contraction et de la reprise dépendra essentiellement de la durée et de l’efficacité des mesures d’endiguement, du succès des politiques d’atténuation des conséquences défavorables sur les revenus et sur l’emploi et du degré de dégradation permanente des capacités de l’offre et de la demande intérieure. Dans l’ensemble, le Conseil des gouverneurs juge que la balance des risques entourant la projection de référence est orientée à la baisse.

Selon l’estimation rapide d’Eurostat, la hausse annuelle de l’IPCH dans la zone euro est revenue de 0,3 % en avril à 0,1 % en mai, principalement en raison du fléchissement des prix de l’énergie. Sur la base des prix actuels du pétrole et des prix des contrats à terme sur le pétrole, l’inflation totale devrait se ralentir encore légèrement au cours des prochains mois, puis rester modérée jusqu’à la fin de l’année. À moyen terme, l’affaiblissement de la demande exercera des pressions à la baisse sur l’inflation, qui ne seront que partiellement compensées par des tensions à la hausse liées aux contraintes pesant sur l’offre. Les indicateurs de marché des anticipations d’inflation à plus long terme sont demeurés à de très faibles niveaux. Si les indicateurs des anticipations d’inflation tirés des enquêtes se sont détériorés à court et moyen terme, les anticipations à plus long terme ont varié moins fortement.

Cette évaluation ressort également des projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro, dont le scénario de référence laisse entrevoir une hausse annuelle de l’IPCH de 0,3 % en 2020, de 0,8 % en 2021 et de 1,3 % en 2022. Par rapport aux projections macroéconomiques de mars 2020 établies par les services de la BCE, les perspectives d’évolution de l’IPCH ont été révisées à la baisse de 0,8 point de pourcentage pour 2020, de 0,6 point de pourcentage pour 2021 et de 0,3 point de pourcentage pour 2022. La hausse annuelle de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait s’établir à 0,8 % en 2020, à 0,7 % en 2021 et à 0,9 % en 2022.

La pandémie de COVID-19 a causé une forte accélération de la dynamique monétaire, en raison des besoins de liquidité élevés des entreprises pour financer les paiements en cours et de la forte préférence des agents économiques pour les avoirs monétaires à titre de précaution. La croissance de la monnaie au sens large (M3) s’est accentuée, s’établissant à 8,3 % en avril 2020, après 7,5 % en mars. La forte croissance de la monnaie traduit la création de crédit bancaire, qui résulte largement des besoins de liquidité élevés de l’économie. En outre, la forte incertitude économique entraîne un mouvement de précaution vers les avoirs monétaires. Dans ce contexte, l’agrégat monétaire étroit M1, qui englobe les formes de monnaie les plus liquides, continue d’apporter la principale contribution à la croissance monétaire au sens large. Les évolutions des prêts au secteur privé ont continué d’être déterminées par les effets du coronavirus sur l’activité économique. Le taux de croissance annuel des prêts aux sociétés non financières a encore augmenté pour ressortir à 6,6 % en avril 2020, après 5,5 % en mars, reflétant la nécessité, pour les entreprises, de financer leurs dépenses courantes et leurs besoins en fonds de roulement dans un contexte de baisse rapide des recettes. Parallèlement, le taux de croissance annuel des prêts aux ménages s’est ralenti à 3,0 % en avril, contre 3,4 % en mars, en raison de contraintes pesant sur la consommation dues aux mesures d’endiguement, à la détérioration de la confiance et à la dégradation de la situation sur le marché du travail. Les mesures de politique monétaire du Conseil des gouverneurs, plus particulièrement les conditions très favorables des opérations de refinancement à plus long terme ciblées (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO III), devraient inciter les banques à consentir des prêts à l’ensemble des entités du secteur privé. Combinées aux mesures adoptées par les gouvernements nationaux et par les institutions européennes, les mesures du Conseil des gouverneurs favorisent un accès continu au financement, y compris pour ceux qui sont les plus éprouvés par les conséquences de la pandémie de coronavirus.

La pandémie de COVID-19 a un impact significatif sur les politiques budgétaires dans la zone euro. Les mesures d’endiguement ont également donné lieu à des programmes de relance budgétaire sans précédent afin d’amortir les retombées économiques et de préparer un redressement rapide. Par conséquent, le déficit budgétaire des administrations publiques de la zone euro devrait fortement augmenter pour atteindre 8,5 % du PIB en 2020, après 0,6 % en 2019. Même s’il devrait revenir à 4,9 % en 2021, le ratio de déficit devrait s’établir à 3,8 % du PIB en 2022. Dans l’ensemble, l’orientation budgétaire globale dans la zone euro est jugée fortement expansionniste en 2020, mais restrictive en 2021, la plupart des mesures de soutien devant être progressivement supprimées d’ici là. En dépit de l’orientation budgétaire restrictive en 2021, le solde budgétaire global demeurera fortement négatif, les instruments budgétaires continuant de soutenir la reprise économique, notamment par le biais des stabilisateurs automatiques. Une orientation budgétaire ambitieuse et concertée est essentielle compte tenu de la forte contraction de l’économie de la zone euro, bien que les mesures doivent être ciblées et temporaires. À cet égard, les trois filets de sécurité adoptés par le Conseil européen pour un montant de 540 milliards d’euros et la proposition de la Commission européenne d’un plan de relance destiné à soutenir les régions et les secteurs les plus gravement touchés par la pandémie jouent un rôle primordial.

Le train de mesures de politique monétaire

La combinaison de deux facteurs principaux a nécessité des mesures de politique monétaire additionnelles. Premièrement, la révision à la baisse des perspectives d’inflation liée à la pandémie menace le mandat de maintien de la stabilité des prix à moyen terme du Conseil des gouverneurs. Deuxièmement, si les conditions sur les marchés financiers se sont nettement stabilisées depuis l’annonce du PEPP, les conditions financières dans l’ensemble de la zone euro demeurent aujourd’hui beaucoup plus restrictives que durant la période précédant la pandémie, alors que les perspectives concernant l’activité économique et l’inflation nécessitent des conditions financières plus souples.

Dans ce contexte, le 4 juin 2020, le Conseil des gouverneurs a décidé d’un ensemble de mesures de politique monétaire afin de maintenir l’actuel degré élevé de soutien monétaire nécessaire à la convergence durable de l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme, conformément à son mandat.

  1. Le Conseil des gouverneurs a décidé d’augmenter de 600 milliards d’euros l’enveloppe consacrée au PEPP, qui atteint ainsi un total de 1 350 milliards d’euros. En réaction à la révision à la baisse de l’inflation sur l’horizon de projection, liée à la pandémie, l’accroissement du PEPP permettra un nouvel assouplissement de l’orientation générale de la politique monétaire, soutenant les conditions de financement dans l’économie réelle, en particulier pour les entreprises et les ménages. Les achats vont se poursuivre dans le temps, de façon souple, entre les différentes catégories d’actifs et juridictions. Le Conseil des gouverneurs pourra ainsi contrecarrer efficacement les risques pesant sur une transmission harmonieuse de la politique monétaire.
  2. Le Conseil des gouverneurs a décidé d’étendre l’horizon fixé pour les achats nets au titre du PEPP au moins jusque fin juin 2021. L’horizon des achats est ainsi globalement aligné sur ceux des autres mesures de politique monétaire prises en réponse à la pandémie, telles que les TLTRO III et les opérations de refinancement à plus long terme d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency longer-term refinancing operations, PELTRO) Dans tous les cas, la BCE effectuera des achats nets d’actifs au titre du PEPP jusqu’à ce que le Conseil des gouverneurs juge que la crise du coronavirus est terminée.
  3. Le Conseil des gouverneurs a décidé de réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP au moins jusqu’à la fin de 2022. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire. Les réinvestissements permettront d’éviter le risque d’un durcissement injustifié des conditions financières alors que l’économie est encore en train de récupérer du choc causé par la pandémie. Dans le même temps, il convient que la stratégie de réinvestissement pour le PEPP reflète la nature temporaire du programme en lien avec l’urgence de la pandémie.
  4. En outre, les achats nets réalisés dans le cadre de l’APP se poursuivront à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros, tout comme les achats au titre de l’enveloppe supplémentaire temporaire de 120 milliards d’euros jusqu’à la fin de l’année. Le Conseil des gouverneurs continue de prévoir d’avoir recours aux achats mensuels nets d’actifs au titre de l’APP aussi longtemps que nécessaire pour renforcer les effets accommodants des taux directeurs de la BCE, et d’y mettre fin peu avant de commencer à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE.
  5. Le Conseil des gouverneurs entend poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire.
  6. Enfin, le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser inchangés les taux directeurs de la BCE. Il prévoit que ces taux resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’à ce que les perspectives d’inflation convergent durablement vers un niveau suffisamment proche de, mais inférieur à 2 % sur l’horizon de projection, et que cette convergence se reflète de manière cohérente dans la dynamique d’inflation sous-jacente.

Avec la forte relance monétaire déjà en place, les décisions du Conseil des gouverneurs soutiendront la liquidité et les conditions de financement dans l’économie et contribueront à maintenir le flux de crédit aux ménages et aux entreprises tout en préservant des conditions de financement favorables pour tous les secteurs et dans toutes les juridictions, en vue d’aider l’économie à se remettre des répercussions du coronavirus. Dans le même temps, face à l’actuel environnement économique en rapide évolution, le Conseil des gouverneurs reste pleinement engagé à tout mettre en œuvre, dans le cadre de son mandat, pour soutenir tous les citoyens de la zone euro dans cette période extrêmement difficile. Cela s’applique avant tout au rôle du Conseil des gouverneurs de garantir que sa politique monétaire soit transmise à toutes les composantes de l’économie et à toutes les juridictions en vue de l’accomplissement du mandat de maintien de la stabilité des prix de la BCE. Le Conseil des gouverneurs reste donc prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, de façon adéquate, pour assurer le rapprochement durable de l’inflation par rapport à son objectif, conformément à son engagement en faveur de la symétrie.

 

[1]     Cf. les « Projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème, juin 2020 », publiées sur le site internet de la BCE le 4 juin 2020.

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Bulletin économique de la BCE n°4/2020
  • Published on 06/18/2020
  • 172 pages
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Updated on: 06/18/2020 14:02