Le mandat de stabilité financière des banques centrales commence à être affecté par les risques liés au changement climatique. La prise en compte des risques extrêmes (physiques et de transition), qualifiés de « Cygnes Verts », dans la supervision de la stabilité financière est rendue particulièrement difficile par l’incertitude radicale, la non-linéarité et les effets de cascade qui leur sont associés. Les banques centrales peuvent contribuer à prévenir ces risques et à en atténuer les conséquences, notamment en développant des analyses de scénarios, mais celles ci ne suffiront pas. Le changement climatique nécessite une action collective et des efforts de coordination sans précédent entre divers acteurs, comme l’exige actuellement la crise du Covid-19. L’article explore ainsi comment les banques centrales peuvent favoriser une telle coordination, et ce dans le cadre de leur mandat, en vue de réduire ces nouveaux risques écologiques et sanitaires.
Depuis quelques années, la communauté des banques centrales, régulateurs et superviseurs financiers reconnaît la nécessité de faire face à un nouveau type de risque financier : les risques climatiques (Carney, 2015 ; NGFS, 2018, 2019). Alors que le réchauffement climatique s’accélère (IPCC, 2018) et que ses impacts sur les écosystèmes et les sociétés humaines augmentent (Masson‑Delmotte et Moufouma‑Okia, 2019), le pire est encore à venir, selon la communauté scientifique. Le changement climatique pourrait, par exemple, provoquer des conflits, générer des centaines de millions de réfugiés (Abel et al., 2019), ainsi que des pandémies (Legendre et al., 2015) potentiellement encore plus graves que celle du Covid‑19. De tels événements pourraient anéantir les progrès réalisés en matière de réduction de la pauvreté (Conseil des droits de l’homme des Nations unies – Human Rights Council, 2019) et causer des « souffrances sans précédent », selon les termes utilisés par plus de 11 000 scientifiques (Ripple et al., 2020).
Les risques physiques et de transition peuvent donner lieu à des « Cygnes Verts »
Ces impacts climatiques mettent en péril la stabilité de nos systèmes socioéconomiques et financiers, et peuvent influer sur le mandat de stabilité financière des banques centrales (NGFS, 2018). Deux grands types de risques financiers ont été identifiés : les risques physiques et les risques de transition.
Les risques physiques incluent les pertes économiques et financières liées à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes (tels que les ouragans ou les inondations) ainsi qu’aux changements de long terme des tendances climatiques (telles que l’augmentation du niveau de la mer). Par exemple, les pertes non assurées, qui représentent 70 % du total des pertes liées aux catastrophes naturelles depuis 1980 (IAIS, 2018), pourraient fragiliser la solvabilité des ménages, des entreprises et des gouvernements, et donc des institutions financières qui y sont exposées. Les risques physiques pourraient par ailleurs donner lieu à des catastrophes extrêmes (Weitzman, 2011), qui dégraderaient durement le bilan des acteurs économiques et financiers.
Une transition rapide et ambitieuse vers une économie bas‑carbone permettrait d’écarter les pires risques physiques, mais en introduirait d’autres : les risques de transition. Ceux‑ci découlent des conséquences financières des politiques publiques, des ruptures ou freins technologiques, ou encore des modifications des normes sociales et préférences individuelles liées à des activités carbonées.
Mis à jour le : 29/06/2020 15:53