Document de travail n°845 : Présentation et recensement des outils de gestion de la liquidité des fonds français : vision dynamique depuis 2017 et actualisation à mi-2021

Cet article présente une mise à jour de l’analyse de la base de prospectus des fonds de droit français menée conjointement par l’Autorité des marchés financiers et la Banque de France (Darpeix, LeMoign, Même, Novakovic, 2020). Le premier apport de cette étude est d’introduire une dimension temporelle à l’étude du déploiement des outils de gestion de liquidité dans les fonds d’investissement depuis la mise en place des recommandations du Conseil de Stabilité Financière (2017) et de l’Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (2018). Ces outils, introduits dans le cadre réglementaire français, sont une réponse aux enjeux de stabilité financière qui ont été identifiés concernant la liquidité dans les fonds d’investissement dans le monde.
Le second apport de cet article est de pouvoir étudier ce déploiement de manière granulaire, par catégorie et caractéristiques des fonds (fonds plus ou moins dédié à la gestion de produits en unité de compte, fonds d’épargne salariale, ETF, nature règlementaire -OPCVM ou FIA-) via des recoupements avec d’autres bases de données.
Il faut retenir de cet article que même si une progression du déploiement s’observe effectivement dans certaines catégories de fonds, il reste encore à ce jour une marge de progression importante pour que les outils de gestion de liquidité deviennent un standard de marché pour les fonds d’investissement français.

La Banque de France et l’AMF ont publié en juillet 2020 une étude conjointe sur les outils de gestion de la liquidité (Liquidity Management Tools, LMT) des fonds français. Il s’agissait tout d’abord de décrire aussi précisément que possible le cadre réglementaire applicable aux différents LMT et d’expliquer leur fonctionnement. Dans un second temps, l’étude présentait une méthode originale de lecture automatisée des prospectus des fonds visant à identifier, via une recherche textuelle, les fonds qui s’étaient dotés de ces LMT. Le programme avait été appliqué sur une base exhaustive des prospectus des fonds de droit français en vie au 31 décembre 2019. Une extraction des données de classification et d’actif net à partir des reportings réglementaires avait permis d’affiner l’analyse (i.e. fournir une analyse en volume et détaillée selon les grandes classes d’actifs en portefeuille). En juin 2021, une nouvelle étude croisait les résultats de l’identification des LMT avec des données du superviseur français du secteur de l’assurance pour documenter l’existence d’une potentielle moindre adoption des LMT dans les fonds servant essentiellement d’unités de comptes (UC) pour l’assurance vie.

L’apport de cette mise à jour est d’offrir une vision dynamique de l’adoption des LMT par les gérants de fonds : après un gros travail d’industrialisation du code informatique, permettant de réduire significativement les temps de calcul, le programme a été appliqué aux bases de prospectus historicisés correspondant aux dates du 31/12/2017, du 31/12/2018, du 31/12/2019 (cette date correspond à l’échéance de l’article de juillet 2020), ainsi que du 30/06/2020, du 31/12/2020 et du 30/06/2021. L’échéance à mi année pour 2020 vise à identifier un éventuel sursaut d’adoption après la crise financière de mars. Les résultats obtenus ont été croisés avec une nouvelle extraction des reportings réglementaires à l’AMF (selon une méthode homogène entre les six échéances). Cette nouvelle étude complète la précédente de plusieurs manières. Tout d’abord, d’un point de vue dynamique, elle met en évidence le fait que, malgré la poursuite de l’adoption des LMT par les gérants, des efforts substantiels restent nécessaires. Elle permet en outre d’affiner les constats initiaux, en comparant le degré d’adoption des différents LMT selon certaines caractéristiques des fonds (ETF, fonds d’épargne salariale, fonds servant de support aux unités de compte, nature juridique).

On met ainsi en évidence les résultats suivants :

  1. Les anti-dilution levies (ADL, en français les droits d’entrée/sortie ajustables acquis au fonds) sont surtout utilisés dans les fonds actions et « autres », alors que le swing-pricing (ajustement de la valeur liquidative pour refléter le coût de la liquidité) se retrouve principalement dans les fonds obligataires (et dans une moindre mesure dans les fonds actions et diversifiés). Les gates (plafonnements des rachats) sont quant à elles surtout prévues dans les fonds alternatifs (31 % des classes de parts et 60 % de l’actif net à fin juin 2021) et immobiliers (31 % des classes de parts et 25 % de l’actif net à fin juin 2021). Elles concernent toutefois autour de 10 % des classes de parts de fonds actions, obligations et diversifiés.
  2. Les fonds actions, obligations et diversifiés avec la plus forte détention par les assureurs au titre des UC sont généralement caractérisés par une moindre adoption des ADL, du swing-pricing et des gates que les fonds chez qui les UC sont moins prédominantes.
  3. Les fonds d’épargne salariale bénéficient d’un passif moins liquide, dans la mesure où ces produits sont commercialisés via des plans d’épargne entreprise (PEE) ou des plans d’épargne retraite en entreprise (PERCO), bloqué théoriquement respectivement pour cinq ans (sauf cas de déblocage anticipé) et jusqu’au départ en retraite L’adoption des différents LMT (y compris la suspension totale) y est très nettement inférieure.
  4. Inversement, les ETF actions sont beaucoup mieux dotés d’ADL et de gates que les autres fonds actions, mais prévoient moins souvent le remboursement en nature. Ils n’utilisent pas le swing-pricing.
  5. Enfin, l’adoption des différents LMT diffère en fonction de la nature des fonds. Les OPCVM (et plus encore les OPCVM en VaR) sont en effet généralement mieux équipés de swing-pricing et de gates que les FIA.

À court-terme, le reporting national BIO sera enrichi afin de collecter directement auprès des gérants l’information relative à l’introduction des outils de gestion de la liquidité dans la documentation réglementaire de leurs fonds, ce qui permettra de ne plus avoir recours à l’analyse textuelle. Le nouveau reporting permettra en outre de suivre précisément l’activation et la désactivation effectives des différents LMT. Par essence, la lecture automatisée à partir de prospectus non standardisés donne valeur d’estimation aux résultats de cette étude. L’application d’une même méthode à différentes dates permet toutefois de bien considérer l’évolution du déploiement à travers le temps.

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Document de travail n°845 : Présentation et recensement des outils de gestion de la liquidité des fonds français : vision dynamique depuis 2017 et actualisation à mi-2021
  • Publié le 09/11/2021
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Mis à jour le : 09/11/2021 15:03