L’agression de l’Ukraine par la Russie est source de terribles souffrances. Elle a également des répercussions sur l’économie, en Europe et au-delà. Le conflit, ainsi que l’incertitude qui l’entoure, pèsent lourdement sur la confiance des entreprises et des consommateurs. Les perturbations des échanges commerciaux causent de nouvelles pénuries de matériaux et d’intrants. La flambée des prix de l’énergie et des matières premières réduit la demande et freine la production. L’évolution de l’économie dépendra fondamentalement de la suite du conflit, des retombées des sanctions en vigueur et d’éventuelles mesures supplémentaires. Cela étant, l’activité économique reste soutenue par la réouverture de l’économie après la crise de la COVID-19. L’inflation s’est fortement accélérée et restera élevée au cours des prochains mois, principalement en raison de la vive hausse des coûts de l’énergie. Les tensions inflationnistes se sont intensifiées dans de nombreux secteurs.
Lors de sa réunion du 14 avril 2022, le Conseil des gouverneurs a estimé que les informations disponibles depuis sa réunion de mars avaient renforcé son anticipation selon laquelle les achats nets d’actifs au titre de son programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) devraient prendre fin au troisième trimestre. Dans la période à venir, la politique monétaire de la BCE dépendra des données disponibles et de l’évolution de l’évaluation des perspectives. Dans le contexte actuel de forte incertitude, le Conseil des gouverneurs n’écartera aucune option et conservera progressivité et flexibilité dans la conduite de la politique monétaire. Il prendra toute mesure nécessaire afin de remplir le mandat de la BCE de maintien de la stabilité des prix et de contribuer à la sauvegarde de la stabilité financière.
L’activité économique mondiale a continué de bien résister début 2022, les données d’enquêtes indiquant que le variant Omicron du coronavirus (COVID-19) pourrait n’avoir qu’un impact de courte durée sur les économies avancées. Toutefois, la guerre entre la Russie et l’Ukraine ainsi que les nouvelles mesures liées à la pandémie en Asie devraient peser sur l’économie mondiale et entraînent de nouvelles pénuries de matériaux et d’intrants. La situation géopolitique et la pandémie exercent également un frein aux échanges commerciaux. Dans le même temps, l’atténuation différée des perturbations des chaînes d’approvisionnement et l’impact économique de la guerre devraient accentuer les tensions inflationnistes au niveau mondial. Étant donné le poids plus élevé des matières premières dans les paniers de consommation des économies de marché émergentes (EME), l’impact sur l’inflation devrait être plus significatif dans ces économies que dans les économies avancées.
L’économie de la zone euro a enregistré une croissance de 0,3 % au dernier trimestre 2021. Selon les estimations, la croissance est demeurée faible au premier trimestre 2022, en raison principalement des restrictions liées à la pandémie.
Plusieurs facteurs suggèrent une prolongation de l’atonie de la croissance au cours de la période à venir. La guerre en Ukraine pèse déjà sur la confiance des entreprises et des consommateurs, notamment du fait de l’incertitude qu’elle suscite. La forte augmentation des prix de l’énergie et des matières premières accroît le coût de la vie pour les ménages et les coûts de production pour les entreprises. La guerre a entraîné de nouveaux goulets d’étranglement, tandis que de nouvelles mesures contre la pandémie prises en Asie contribuent aux difficultés observées dans la chaîne d’approvisionnement. Certains secteurs peinent de plus en plus à se procurer les intrants nécessaires, ce qui perturbe la production. Cela étant, des facteurs agissant en sens inverse, comme les mesures budgétaires destinées à compenser ces difficultés et la possibilité, pour les ménages, de recourir à l’épargne accumulée pendant la pandémie, soutiennent la reprise en cours. En outre, la réouverture des secteurs ayant le plus pâti de la pandémie ainsi que le dynamisme du marché du travail, avec un plus grand nombre de personnes disposant d’un emploi, continueront de favoriser les revenus et les dépenses.
Un soutien budgétaire et monétaire reste crucial, en particulier dans cet environnement géopolitique difficile. Par ailleurs, une mise en œuvre réussie des plans d’investissement et de réforme prévus dans le cadre du programme « Next Generation EU » accélérera les transitions énergétique et écologique, ce qui devrait renforcer la croissance et la capacité de résistance à long terme de la zone euro.
L’inflation a augmenté, ressortant à 7,5 % en mars, après 5,9 % en février. Les prix de l’énergie ont augmenté depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et sont aujourd’hui supérieurs de 45 % à leur niveau d’il y a un an. Ils restent la principale raison du fort taux d’inflation. Les indicateurs tirés d’instruments de marché suggèrent que les prix de l’énergie demeureront élevés à court terme, mais qu’ils se modéreront dans une certaine mesure ensuite. Les prix des produits alimentaires ont aussi nettement progressé, sous l’effet d’importants coûts de transport et de production, en particulier le renchérissement des engrais, liés en partie à la guerre en Ukraine.
Les hausses de prix sont désormais plus généralisées. Les coûts de l’énergie accroissent les prix dans de nombreux secteurs. Les goulets d’étranglement au niveau de l’offre et la normalisation de la demande à mesure de la réouverture de l’économie continuent également d’exercer des tensions haussières sur les prix. Les mesures de l’inflation sous-jacente ont atteint des niveaux supérieurs à 2 % au cours des derniers mois. Étant donné le rôle joué par des facteurs temporaires liés à la pandémie et les effets indirects du renchérissement de l’énergie, il est difficile de savoir combien de temps l’augmentation de ces indicateurs persistera.
La situation sur le marché du travail continue de s’améliorer et le chômage a reculé en février à un point bas historique de 6,8 %. Les offres d’emploi dans de nombreux secteurs signalent toujours une forte demande de main-d’œuvre, alors que la progression des salaires reste globalement modérée. À terme, le retour de l’économie à son plein potentiel devrait favoriser une hausse plus rapide des salaires. Si diverses mesures des anticipations d’inflation à plus long terme tirées des marchés financiers et d’enquêtes auprès d’experts ressortent, pour la plupart, à environ 2 %, les premiers signes de révision de ces mesures à un niveau supérieur à l’objectif doivent être surveillés de près.
Les risques à la baisse pesant sur les perspectives de croissance se sont nettement accrus en raison de la guerre en Ukraine. Les risques liés à la pandémie ont diminué, mais la guerre pourrait avoir une incidence encore plus marquée sur le climat économique et accentuer davantage les contraintes d’offre. La persistance de coûts élevés de l’énergie ainsi qu’une perte de confiance pourraient ralentir la demande et freiner la consommation et l’investissement plus fortement que prévu.
Les risques à la hausse entourant les perspectives d’inflation se sont également exacerbés, à court terme en particulier. Les risques entourant les perspectives d’inflation à moyen terme comprennent des révisions des anticipations à un niveau supérieur à l’objectif, des hausses de salaire plus prononcées qu’attendu et une dégradation durable des conditions de l’offre. Toutefois, un éventuel affaiblissement de la demande à moyen terme atténuerait les tensions sur les prix.
Les marchés financiers ont été très volatils depuis le début de la guerre et l’adoption de sanctions financières. Les taux d’intérêt de marché ont augmenté sous l’effet des variations des perspectives concernant la politique monétaire, l’environnement macroéconomique et la dynamique d’inflation. La hausse des coûts de financement des banques s’est poursuivie. À ce stade, cependant, les marchés monétaires n’ont pas subi de tensions graves, et le système bancaire de la zone euro n’a souffert d’aucune pénurie de liquidité.
S’ils restent à de bas niveaux, les taux d’intérêt des prêts bancaires accordés aux entreprises et aux ménages commencent à refléter la remontée des taux de marché. L’activité de prêt aux ménages se maintient, particulièrement pour l’achat de logements. Les flux de financements aux entreprises se sont stabilisés.
La dernière enquête sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro signale, globalement, un durcissement des critères d’octroi des prêts aux entreprises et des crédits au logement au premier trimestre de l’année, les prêteurs s’inquiétant davantage des risques auxquels leurs clients sont confrontés dans un environnement incertain. Le durcissement des critères d’octroi devrait se prolonger dans les mois à venir, sous l’effet de la prise en compte par les banques des retombées économiques négatives de l’agression de l’Ukraine par la Russie et du renchérissement de l’énergie.
En résumé, la guerre en Ukraine a de sérieuses répercussions sur l’économie de la zone euro et a notablement accru l’incertitude. Les effets économiques de la guerre dépendront de la suite du conflit, des retombées des sanctions en vigueur et d’éventuelles mesures supplémentaires. L’inflation s’est fortement accélérée et restera élevée au cours des prochains mois, principalement en raison de la vive hausse des coûts de l’énergie. Le Conseil des gouverneurs suit de très près les incertitudes actuelles et les données qui lui parviennent en ce qui concerne leurs implications pour les perspectives d’inflation à moyen terme. Le calibrage de la politique de la BCE continuera de tenir compte des données et de refléter l’évolution de l’évaluation par le Conseil des gouverneurs des perspectives. Le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat et de façon souple si besoin, pour assurer que l’inflation se stabilise au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme.
Lors de sa réunion de politique monétaire du 14 avril 2022, le Conseil des gouverneurs a confirmé que les achats nets mensuels dans le cadre de l’APP s’élèveraient à 40 milliards d’euros en avril, à 30 milliards en mai et à 20 milliards en juin. Le Conseil des gouverneurs a estimé que les informations disponibles depuis sa dernière réunion renforçaient son anticipation selon laquelle les achats nets d’actifs au titre de l’APP devraient prendre fin au troisième trimestre. Le calibrage des achats nets qui seront effectués au troisième trimestre tiendra compte des données et de l’évolution de l’évaluation des perspectives par le Conseil des gouverneurs.
Le Conseil des gouverneurs entend également poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire.
Le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement ainsi que ceux de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt sont demeurés inchangés, à respectivement 0,00 %, 0,25 % et – 0,50 %.
Toute modification des taux d’intérêt directeurs de la BCE se produira quelque temps après la fin des achats nets du Conseil des gouverneurs au titre de l’APP et sera progressive. L’évolution des taux directeurs de la BCE restera déterminée par la forward guidance du Conseil des gouverneurs et par son engagement stratégique à stabiliser l’inflation à 2 % à moyen terme. Par conséquent, le Conseil des gouverneurs prévoit que les taux d’intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels jusqu’à ce qu’il constate que l’inflation atteint 2 % bien avant la fin de son horizon de projection et durablement sur le reste de son horizon de projection, et qu’il juge les progrès de l’inflation sous-jacente suffisants pour être compatibles avec une stabilisation de l’inflation à 2 % à moyen terme.
Le Conseil des gouverneurs entend réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP) au moins jusqu’à la fin de 2024. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire.
En cas de nouvelle fragmentation des marchés due à la pandémie, les réinvestissements au titre du PEPP pourront à tout moment être ajustés de façon souple dans le temps, entre catégories d’actifs et entre juridictions. Cela pourrait comprendre l’achat d’obligations émises par la République hellénique au-delà des montants provenant du renouvellement des remboursements afin d’éviter toute interruption des achats dans cette juridiction, qui pourrait nuire à la transmission de la politique monétaire dans l’économie grecque alors que celle-ci se remet encore des retombées de la pandémie. Les achats nets au titre du PEPP pourraient aussi reprendre, si nécessaire, pour contrer des chocs négatifs liés à la pandémie.
Le Conseil des gouverneurs continuera de surveiller les conditions de financement bancaire et de faire en sorte que l’arrivée à échéance des opérations effectuées dans le cadre de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) n’entrave pas la transmission harmonieuse de sa politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs évaluera en outre régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées à son orientation de politique monétaire. Comme annoncé, il s’attend à ce que les conditions particulières applicables dans le cadre des opérations TLTRO III prennent fin en juin de cette année. Le Conseil des gouverneurs va également évaluer le caractère approprié du calibrage de son système à deux paliers pour la rémunération des réserves, afin que la politique de taux d’intérêt négatifs ne limite pas la capacité d’intermédiation des banques dans un environnement d’excédents de liquidité abondants.
Le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, dans le cadre de son mandat et de façon souple si besoin, pour assurer que l’inflation se stabilise au niveau de son objectif de 2 % à moyen terme. La pandémie a montré que, en période de tensions, la flexibilité quant aux modalités et à la conduite des achats d’actifs a contribué à remédier à l’altération de la transmission de la politique monétaire et a renforcé l’efficacité des efforts déployés par le Conseil des gouverneurs pour atteindre son objectif. Dans le cadre du mandat du Conseil des gouverneurs, en période de tensions, la flexibilité demeurera un élément de la politique monétaire chaque fois que des menaces sur sa transmission compromettront la réalisation de la stabilité des prix.
Mis à jour le : 28/04/2022 10:00