Document de travail n°900 : Encourager et rediriger l’effort de recherche des demandeurs d’emploi : effets directs et indirects d’une expérience à grande échelle

Cet article présente les résultats obtenus lors d'une évaluation d'un outil numérique d'aide à la recherche d'emploi, « La Bonne Boîte », proposant aux demandeurs d'emploi de déposer des candidatures spontanées auprès d'entreprises n'ayant pas nécessairement déposé une offre à Pôle emploi. Les conseils de candidature spontanée prodigués par « La Bonne Boîte » reposent sur des prédictions de recrutement au niveau de l'ensemble des établissements français. L'objectif affiché par « La Bonne Boîte » est de permettre aux demandeurs d'emplois inscrits à Pôle emploi de réintégrer le circuit « caché » des recrutements ne passant pas par le dépôt d'une offre auprès des services de Pôle emploi en anticipant sur les besoins de recrutements futurs des entreprises. Cette évaluation menée conjointement avec l'équipe de « La Bonne Boîte » et les services de Pôle emploi prend la forme d'une expérience aléatoire contrôlée de grande échelle qui a impliqué près d'un quart des bassins d'emploi de France métropolitaine (soit 1,2 million de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi).

Dans le but d'évaluer l'intérêt global, aussi bien en termes de retour à l'emploi du côté des demandeurs d'emploi, qu'en termes d'aide au recrutement pour les firmes mises en avant par la plateforme « La Bonne Boîte », l'expérience que nous avons menée présente de plus l'originalité de réaliser un appariement doublement aléatoire entre firmes et demandeurs d'emploi. En plus de pouvoir comparer l'évolution du taux de retour à l'emploi des demandeurs tests encouragés à utiliser la plateforme avec ce même taux de retour à l'emploi chez les demandeurs témoins non inclus dans l'expérience, nous pouvons évaluer l'effet de la mise en avant systématique dans les résultats de recherches d'un ensemble de firmes tests elles aussi aléatoirement sélectionnées. Le caractère doublement aléatoire de cet appariement nous permet de mettre en évidence l'importance des frictions informationnelles qui grèvent le retour à l'emploi des chômeurs et le processus de recrutement des entreprises, mais aussi l'influence que les écarts de compétences inter-métier, où les contraintes de recherches liés au genre peuvent avoir dans le processus d'appariement sur le marché du travail. Malgré la faible ampleur de l'intervention mise en place nous mettons en évidence (1) un effet d’activation lié à une augmentation de l’effort de recherche homogène chez les demandeurs d’emploi test, particulièrement important chez les femmes, et (2) un effet de ciblage associé à une concentration de l’effort de recherche sur les entreprises recommandées, particulièrement important chez les hommes. La combinaison de ces deux effets conduit à un effet net nul sur le taux de retour à l’emploi des hommes et un effet net positif sur le taux de retour à l’emploi chez les femmes. De manière remarquable l’effet de ciblage de l’effort de recherche semble concentré sur les recommandations proposant des entreprises qui recrutent en dehors du métier d’origine du demandeur d’emploi. Nous montrons dans une dernière partie que cette redirection de l’effort de recherche des demandeurs d’emploi test en dehors de leur métier d’origine conduit à une relative décongestion de ces marchés sans effet négatif direct sur les demandeurs redirigés. C’est particulièrement le cas lorsque le métier d’origine du demandeur d’emploi se caractérise par un faible niveau de la demande de travail. Bien utilisées, les recommandations algorithmiques pourraient donc à l'avenir contribuer à l'amélioration du processus d'appariement sur le marché du travail..