La forte inflation est un défi majeur pour chacun d’entre nous. Le Conseil des gouverneurs fera en sorte que l’inflation revienne au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme.
L’inflation s’est de nouveau nettement accélérée en mai, essentiellement en raison de la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires, due en partie aux retombées de la guerre en Ukraine. Mais les tensions sur les prix se sont généralisées et intensifiées, et de nombreux biens et services se sont considérablement renchéris. Les services de l’Eurosystème ont sensiblement révisé à la hausse leurs projections de référence concernant l’inflation. Ces projections indiquent que l’inflation demeurera un certain temps à un niveau élevé indésirable. Cela étant, le tassement des coûts de l’énergie, l’atténuation des perturbations de l’offre liées à la pandémie et la normalisation de la politique monétaire devraient se traduire par un ralentissement de l’inflation. Les projections macroéconomiques de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro tablent sur un taux annuel d’inflation de 6,8 % en 2022, avant une décrue à 3,5 % en 2023 et à 2,1 % en 2024, des chiffres en hausse par rapport aux projections de mars. L’inflation totale serait donc légèrement supérieure à la cible de la BCE à la fin de l’horizon de projection. L’inflation hors énergie et produits alimentaires devrait s’établir à 3,3 % en moyenne en 2022, 2,8 % en 2023 et 2,3 % en 2024, en hausse également par rapport aux projections de mars.
L’agression injustifiée de l’Ukraine par la Russie continue de peser sur l’économie en Europe et dans le monde. Elle déstabilise les échanges commerciaux, provoque des pénuries de matériaux et contribue au niveau élevé des prix de l’énergie et des matières premières. Ces facteurs vont continuer de peser sur la confiance et de freiner la croissance, particulièrement à court terme. Les conditions d’une poursuite de la croissance économique sont toutefois réunies, avec la réouverture en cours de l’économie, la vigueur du marché du travail, le soutien budgétaire et l’épargne accumulée pendant la pandémie. L’activité économique devrait à nouveau rebondir lorsque les vents contraires soufflant actuellement s’atténueront. Ces perspectives ressortent globalement des projections macroéconomiques des services de l’Eurosystème, qui tablent sur une croissance annuelle du PIB en volume de 2,8 % en 2022, 2,1 % en 2023 et 2,1 % en 2024. Par rapport aux projections de mars, ces perspectives ont été significativement révisées à la baisse pour 2022 et 2023, mais revues en hausse pour 2024.
Sur la base de son évaluation actualisée, le Conseil des gouverneurs a décidé d’adopter de nouvelles mesures de normalisation de sa politique monétaire. Tout au long de ce processus, le Conseil des gouverneurs n’écartera aucune option, s’appuiera sur les données et conservera progressivité et flexibilité dans la conduite de la politique monétaire.
Premièrement, le Conseil des gouverneurs a décidé de mettre un terme aux achats nets dans le cadre de son programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) à compter du 1er juillet 2022. Le Conseil des gouverneurs entend poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir les conditions d’une liquidité abondante et une orientation appropriée de la politique monétaire.
Deuxièmement, le Conseil des gouverneurs a mené une évaluation détaillée des conditions qui, conformément à ses indications sur l’orientation future de la politique monétaire (forward guidance), doivent être remplies avant qu’il ne commence à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE. Au terme de cette évaluation, le Conseil des gouverneurs a conclu que ces conditions étaient réunies. Par conséquent, et conformément au séquencement de sa politique, le Conseil des gouverneurs entend augmenter les taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base lors de sa réunion de politique monétaire de juillet. Il prévoit un nouveau relèvement des taux d’intérêt directeurs de la BCE en septembre, dont le calibrage dépendra des perspectives actualisées d’inflation à moyen terme. Si ces perspectives d’inflation à moyen terme se maintiennent ou se détériorent, une hausse plus importante sera appropriée lors de la réunion de septembre.
Troisièmement, au-delà de septembre, sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs anticipe qu’une séquence progressive mais durable de hausses supplémentaires des taux d’intérêt sera appropriée. Conformément à l’engagement du Conseil des gouverneurs en faveur de sa cible de 2 % à moyen terme, le rythme auquel il ajustera sa politique monétaire dépendra des données à venir et de son évaluation de la trajectoire d’inflation à moyen terme.
Dans le cadre du mandat du Conseil des gouverneurs, en période de tensions, la flexibilité demeurera un élément de la politique monétaire chaque fois que des menaces sur sa transmission compromettront la réalisation de la stabilité des prix.
Les retombées économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les nouveaux confinements en Chine constituent deux facteurs défavorables majeurs affectant la croissance mondiale à court terme. Les indicateurs tirés d’enquêtes confirment le ralentissement de l’activité mondiale. Les perturbations de l’activité économique en Asie et la guerre en Ukraine exercent des pressions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, après une brève période de détente plus tôt dans l’année. Les perturbations sur les chaînes d’approvisionnement et sur les marchés des matières premières alimentent l’inflation, dans un contexte où de plus en plus d’éléments montrent que les tensions inflationnistes s’intensifient et se généralisent. Les tensions inflationnistes croissantes se manifestent également au travers de la hausse des prix à l’exportation des concurrents de la zone euro. Les prix des matières premières demeurent volatils et soumis aux risques pesant sur l’offre, tandis que les conditions financières se sont durcies. Au niveau mondial, les conditions financières se sont durcies, reflétant la normalisation de la politique monétaire, la baisse des prix des actifs risqués et la hausse des rendements. Dans ce contexte, les projections macroéconomiques de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème indiquent que le PIB mondial en volume – hors zone euro – augmentera de 3,0 % en 2022, 3,4 % en 2023 et 3,6 % en 2024 – soit une trajectoire de croissance plus faible que ce qui était prévu dans les projections de mars. Les deux principaux facteurs défavorables devraient fortement peser sur les échanges commerciaux à court terme, mais leur impact devrait se dissiper par la suite. La croissance prévue pour la demande étrangère adressée à la zone euro est plus modérée et a subi des révisions à la baisse plus importantes que la croissance des importations mondiales, dans la mesure où les pays européens n’appartenant pas à la zone euro, qui ont des liens économiques plus étroits avec la Russie et l’Ukraine, sont davantage affectés par les chocs économiques provoqués par l’invasion. Dans un environnement d’incertitude élevée, la balance des risques entourant les projections de référence est fermement orientée à la baisse pour la croissance et à la hausse pour l’inflation.
La guerre entre la Russie et l’Ukraine a de sérieuses répercussions sur l’économie de la zone euro, et les perspectives demeurent très incertaines. Cependant, les conditions d’une poursuite de la croissance économique et de la reprise de l’activité à moyen terme sont réunies. À court terme, le Conseil des gouverneurs s’attend à ce que l’activité soit freinée par les coûts élevés de l’énergie, la détérioration des termes de l’échange, le regain des incertitudes et les effets défavorables de la forte inflation sur le revenu disponible. La guerre en Ukraine et les nouvelles restrictions imposées en Chine en lien avec la pandémie ont à nouveau aggravé les goulets d’étranglement au niveau de l’offre. Dès lors, les entreprises sont confrontées à une hausse de leurs coûts et à des perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement, et les perspectives pour la production future se sont détériorées.
En dépit d’un résultat meilleur que prévu en 2021, les perspectives relatives au solde budgétaire de la zone euro se sont significativement détériorées depuis la finalisation des projections macroéconomiques de mars 2022 établies par les services de la BCE. Les perspectives plus défavorables sont liées à une détérioration du cycle économique, à la hausse des paiements d’intérêts attendus et à des dépenses publiques discrétionnaires supplémentaires. Les mesures de soutien budgétaire ont notamment pour objectif de contrer la hausse du coût de la vie pour les consommateurs, mais également de financer les capacités de défense et de soutenir les réfugiés fuyant la guerre en Ukraine. Toutefois, selon les projections macroéconomiques de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème, le déficit budgétaire des administrations publiques de la zone euro devrait continuer de se réduire – revenant de 5,1 % du PIB en 2021 à 3,8 % en 2022 et à 2,4 % à la fin de l’horizon de projection. Après l’assouplissement marqué observé durant la crise liée au coronavirus en 2020, l’orientation budgétaire s’est resserrée l’année dernière et devrait continuer de se durcir progressivement en 2022 et 2023. Le léger resserrement prévu en 2022 est principalement dû à l’inversion d’une part significative du soutien d’urgence face à la pandémie, qui sera contrebalancée seulement en partie par les mesures de relance supplémentaires prises en réponse au choc sur les prix de l’énergie et par les autres dépenses liées à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Le resserrement budgétaire devrait être légèrement plus marqué en 2023, quand de nombreuses mesures de soutien prises récemment pour compenser l’impact des prix élevés de l’énergie arriveront à expiration. En 2024, une orientation plus neutre est attendue, même si, par rapport à la période qui a précédé la pandémie, un soutien budgétaire important à l’économie devrait être maintenu.
Dans un contexte d’incertitude accrue et de risques à la baisse pesant sur les perspectives économiques en raison de la guerre en Ukraine, ainsi que de hausses des prix de l’énergie et de perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement, la Commission européenne a recommandé, le 23 mai 2022, la prolongation de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) jusqu’à fin 2023. Cela permettrait aux politiques budgétaires de s’adapter aux circonstances changeantes si nécessaire. Dans le même temps, compte tenu des déséquilibres budgétaires dépassant encore leurs niveaux d’avant la pandémie et de l’inflation exceptionnellement élevée, la politique budgétaire doit être de plus en plus sélective et ciblée afin de ne pas aggraver les tensions inflationnistes à moyen terme, tout en assurant la soutenabilité budgétaire à moyen terme.
La politique budgétaire contribue à atténuer l’impact de la guerre. Des mesures budgétaires ciblées et temporaires protègent les concitoyens les plus affectés par la hausse des prix de l’énergie tout en limitant le risque d’alimenter les tensions inflationnistes. La mise en œuvre rapide des plans d’investissement et de réformes structurelles prévus dans le cadre du programme Next Generation EU, du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » et du plan REPowerEU favoriserait aussi un renforcement durable de la croissance dans la zone euro et consoliderait la capacité de l’économie à faire face aux chocs mondiaux.
D’autres facteurs soutiennent cependant l’activité économique et devraient se renforcer dans les mois à venir. La réouverture des secteurs ayant le plus pâti de la pandémie ainsi que le dynamisme du marché du travail, sur lequel un plus grand nombre de personnes disposent d’un emploi, continueront de favoriser les revenus et la consommation. Par ailleurs, l’épargne accumulée pendant la pandémie constitue un amortisseur. Les scénarios de référence des projections macroéconomiques de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème reposent sur les hypothèses suivantes : les sanctions actuelles contre la Russie resteront en vigueur sur la totalité de l’horizon de projection (y compris l’embargo de l’UE sur le pétrole) ; la phase intense de la guerre se poursuivra jusqu’à la fin de cette année sans escalade supplémentaire ; les perturbations des approvisionnements en énergie n’entraîneront pas de rationnement dans les pays de la zone euro ; et les goulets d’étranglement au niveau de l’offre seront progressivement résolus d’ici fin 2023. Tout ceci implique des perspectives de croissance à court terme beaucoup plus faibles (bien que toujours positives), avec des facteurs défavorables s’atténuant après 2022 et une croissance à moyen terme légèrement supérieure aux taux moyens historiques, reflétant une reprise progressive après les retombées économiques de la pandémie ainsi que la disparition des effets négatifs de la guerre, dans un contexte de marchés du travail globalement robustes. Selon les projections macroéconomiques de juin 2022 établies par les services de l’Eurosystème, le PIB en volume de la zone euro devrait croître de 2,8 % en moyenne en 2022 (dont 2,0 points de pourcentage sont liés à un effet de report de 2021) et de 2,1 % en 2023 et 2024. Par rapport aux projections de mars 2022 établis par les services de la BCE, les perspectives de croissance ont été révisées à la baisse de 0,9 point de pourcentage pour 2022 et de 0,7 point de pourcentage pour 2023, principalement en raison de l’impact économique de la guerre en Ukraine, tandis que la croissance en 2024 a été revue à la hausse de 0,5 point de pourcentage, reflétant un rebond de l’activité grâce à l’atténuation des facteurs défavorables.
L’inflation s’est encore accélérée, pour atteindre 8,1 % en mai. Même si les pouvoirs publics sont intervenus pour freiner la hausse des prix de l’énergie, ceux-ci ont augmenté de 39,2 % sur un an. Les indicateurs tirés d’instruments du marché suggèrent que les prix mondiaux de l’énergie demeureront élevés à court terme mais qu’ils se modéreront dans une certaine mesure ensuite. Les prix des produits alimentaires ont augmenté de 7,5 % en mai, reflétant en partie l’importance de l’Ukraine et de la Russie parmi les principaux producteurs mondiaux de biens agricoles. La hausse des prix s’est aussi accélérée du fait, d’une part, de la nouvelle aggravation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et, d’autre part, de la reprise de la demande intérieure, notamment dans le secteur des services, associée à la réouverture de l’économie de la zone euro. Les augmentations de prix se généralisent entre les différents secteurs. La hausse des mesures de l’inflation sous-jacente s’est par conséquent poursuivie. La situation sur le marché du travail continue de s’améliorer et le chômage est resté au niveau historiquement faible de 6,8 % en avril. Les offres d’emploi dans de nombreux secteurs attestent de la forte demande de main-d’œuvre. La croissance des salaires, telle qu’elle ressort notamment des indicateurs prospectifs, a commencé à s’accélérer. À terme, le renforcement de l’économie et certains effets de rattrapage devraient favoriser une croissance plus rapide des salaires. Si la plupart des mesures des anticipations d’inflation à plus long terme tirées des marchés financiers et d’enquêtes auprès d’experts ressortent à environ 2 %, les premiers signes de révision de ces mesures à un niveau supérieur à la cible doivent être surveillés de près.
Après la forte hausse de l’inflation début 2022, les perspectives sont celles d’une inflation plus élevée et plus persistante. L’inflation mesurée par l’IPCH total devrait demeurer très élevée pendant la majeure partie de 2022, s’établissant à 6,8 % en moyenne, avant de diminuer progressivement à compter de 2023 et de converger vers la cible d’inflation de la BCE au second semestre 2024. Les tensions sur les prix vont demeurer exceptionnellement élevées à court terme en raison du niveau élevé des prix du pétrole et du gaz et de l’augmentation des prix des matières premières alimentaires, qui ont été fortement impactés par la guerre en Ukraine, ainsi que des effets de la réouverture de l’économie et des pénuries d’offre au niveau mondial. Le recul attendu de l’inflation à 3,5 % en 2023 et 2,1 % en 2024 reflète principalement l’hypothèse de modération des prix des matières premières énergétiques et alimentaires en l’absence de choc supplémentaire, intégrée dans les prix des contrats à terme. En outre, la normalisation en cours de la politique monétaire, dans la mesure où elle se reflète dans les hypothèses de taux d’intérêt plus élevés (en phase avec les anticipations des marchés), contribuera à la modération de l’inflation, avec les délais de transmission habituels. L’inflation mesurée par l’IPCH hors énergie et produits alimentaires va demeurer très élevée jusqu’à fin 2022, mais elle devrait diminuer par la suite avec l’atténuation des tensions haussières liées à la réouverture de l’économie, des goulets d’étranglement et des tensions sur les coûts des intrants énergétiques. La reprise économique en cours, les tensions sur le marché du travail et certains effets de la compensation d’une inflation plus élevée sur les salaires – qui devraient augmenter à des taux bien supérieurs à leurs moyennes historiques – impliquent une inflation sous-jacente élevée jusqu’à la fin de l’horizon de projection, en dépit de l’hypothèse du scénario de référence que les anticipations d’inflation à plus long terme demeureront bien ancrées. En comparaison avec les projections de mars 2022 établies par les services de la BCE, l’inflation a été revue nettement à la hausse. Cette révision reflète des données récentes non anticipées, le renchérissement des matières premières énergétiques et alimentaires, des tensions à la hausse plus persistantes résultant des perturbations d’approvisionnement, une plus forte croissance des salaires et la dépréciation de l’euro. Ces effets ont plus que compensé l’impact baissier des hypothèses de relèvement des taux d’intérêt et des perspectives de croissance plus faible.
Le Conseil des gouverneurs estime que les risques liés à la pandémie ont diminué, mais la guerre en Ukraine demeure un important risque à la baisse pesant sur la croissance. La persistance de perturbations de l’approvisionnement de la zone euro en énergie constituerait notamment une menace majeure, comme l’indique le scénario à la baisse figurant dans les projections macroéconomiques établies par les services de l’Eurosystème. En outre, une éventuelle aggravation de la guerre pourrait entraîner une détérioration du climat économique et un accroissement des contraintes pesant sur l’offre, tandis que les coûts de l’énergie et des produits alimentaires pourraient rester durablement plus élevés que prévu. Les risques entourant l’inflation sont essentiellement orientés à la hausse. En ce qui concerne les perspectives d’inflation à moyen terme, ces risques comprennent une détérioration prolongée de la capacité de production de l’économie de la zone euro, la persistance de prix élevés de l’énergie et des produits alimentaires, une hausse des anticipations d’inflation au-dessus de la cible de la BCE et des augmentations salariales plus importantes qu’attendu. Toutefois, un éventuel affaiblissement de la demande à moyen terme atténuerait les tensions sur les prix.
Les taux d’intérêt de marché ont augmenté sous l’effet de l’évolution des perspectives concernant l’inflation et la politique monétaire. La hausse des taux d’intérêt de référence a entraîné un alourdissement des coûts de financement des banques, qui s’est lui-même traduit par une majoration des taux des prêts bancaires, notamment pour les ménages. Cela étant, les prêts aux entreprises ont augmenté en mars, en raison de la nécessité pour elles de continuer à financer leurs investissements et leur fonds de roulement, dans un contexte d’augmentation des coûts de production, de persistance des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et de diminution du recours au financement de marché. Les prêts aux ménages se sont également accrus du fait d’une demande de crédits hypothécaires toujours soutenue.
Conformément à sa stratégie de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs a procédé à son évaluation semestrielle approfondie de la relation entre politique monétaire et stabilité financière. Il en ressort que les conditions de la stabilité financière se sont détériorées, surtout à court terme, depuis sa dernière évaluation, menée en décembre 2021. Ainsi, le ralentissement de la croissance, l’accentuation des tensions sur les coûts et la hausse des taux sans risque et des rendements souverains pourraient se traduire par une nouvelle dégradation des conditions de financement pour les emprunteurs. En revanche, le durcissement des conditions de financement atténuerait, à moyen terme, certaines vulnérabilités pesant sur la stabilité financière. Les banques, dont les fonds propres étaient solides et la qualité des actifs en voie d’amélioration en début d’année, sont désormais confrontées à un risque de crédit plus élevé. Le Conseil des gouverneurs suivra de près l’évolution de ces facteurs. Quoi qu’il en soit, la politique macroprudentielle reste la première ligne de défense pour préserver la stabilité financière et faire face aux vulnérabilités à moyen terme.
Sur la base de son évaluation actualisée, le Conseil des gouverneurs a décidé de mettre un terme aux achats nets d’actifs dans le cadre de son programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) à compter du 1er juillet 2022. Le Conseil des gouverneurs entend poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir les conditions d’une liquidité abondante et une orientation appropriée de la politique monétaire.
S’agissant du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), le Conseil des gouverneurs entend réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme au moins jusqu’à la fin de 2024. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire.
En cas de nouvelle fragmentation des marchés due à la pandémie, les réinvestissements au titre du PEPP pourront à tout moment être ajustés de façon souple dans le temps, entre catégories d’actifs et entre les juridictions. Cela pourrait comprendre l’achat d’obligations émises par la République hellénique au-delà des montants provenant du renouvellement des remboursements afin d’éviter toute interruption des achats dans cette juridiction, qui pourrait nuire à la transmission de la politique monétaire dans l’économie grecque alors que celle-ci se remet encore des retombées de la pandémie. Les achats nets au titre du PEPP pourraient aussi reprendre, si nécessaire, pour contrer des chocs négatifs liés à la pandémie.
Le Conseil des gouverneurs a mené une évaluation détaillée des conditions qui, conformément à ses indications sur l’orientation future de la politique monétaire (forward guidance), doivent être remplies avant qu’il ne commence à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE. Au terme de cette évaluation, le Conseil des gouverneurs a conclu que ces conditions étaient réunies.
Par conséquent, et conformément au séquencement de sa politique, le Conseil des gouverneurs entend augmenter les taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base lors de sa réunion de politique monétaire de juillet. Au stade actuel, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de laisser le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement ainsi que ceux de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt inchangés, à respectivement 0,00 %, 0,25 % et – 0,50 %.
Pour l’avenir, le Conseil des gouverneurs prévoit un nouveau relèvement des taux d’intérêt directeurs de la BCE en septembre. Le calibrage de ce relèvement des taux dépendra des perspectives actualisées d’inflation à moyen terme. Si ces perspectives d’inflation à moyen terme se maintiennent ou se détériorent, une hausse plus importante sera appropriée lors de la réunion de septembre.
Au-delà de septembre, sur la base de son évaluation actuelle, le Conseil des gouverneurs anticipe qu’une séquence progressive mais durable de hausses supplémentaires des taux d’intérêt sera appropriée. Conformément à l’engagement du Conseil des gouverneurs en faveur de sa cible de 2 % à moyen terme, le rythme auquel il ajustera sa politique monétaire dépendra des données à venir et de son évaluation de la trajectoire d’inflation à moyen terme.
Le Conseil des gouverneurs continuera de surveiller les conditions de financement bancaire et de faire en sorte que l’arrivée à échéance des opérations effectuées dans le cadre de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) n’entrave pas la transmission harmonieuse de sa politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs évaluera en outre régulièrement la contribution des opérations de prêt ciblées à son orientation de politique monétaire. Comme annoncé précédemment, les conditions particulières applicables dans le cadre des opérations TLTRO III prendront fin le 23 juin 2022.
Le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, de façon souple si besoin, pour assurer que l’inflation se stabilise au niveau de sa cible de 2 % à moyen terme. La pandémie a montré que, en période de tensions, la flexibilité quant aux modalités et à la conduite des achats d’actifs a contribué à remédier à l’altération de la transmission de la politique monétaire et a renforcé l’efficacité des efforts déployés par le Conseil des gouverneurs pour atteindre son objectif. Dans le cadre du mandat de la BCE, en période de tensions, la flexibilité demeurera un élément de la politique monétaire chaque fois que des menaces sur sa transmission compromettront la réalisation de la stabilité des prix.
À la suite d’une réunion ad hoc le 15 juin, le Conseil des gouverneurs a réaffirmé qu’il ferait preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements arrivant à échéance au sein du portefeuille PEPP, en vue de préserver le fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire, condition préalable pour que la BCE soit en mesure de s’acquitter de son mandat de maintien de la stabilité des prix. En outre, le Conseil des gouverneurs a décidé de charger les comités compétents de l'Eurosystème ainsi que les services de la BCE d’accélérer la conception d'un nouvel instrument de lutte contre la fragmentation qui sera soumis à l’examen du Conseil des gouverneurs.
Mis à jour le : 16/09/2022 11:55