Le Bulletin économique de la BCE Bulletin économique de la BCE n°5/2020

Évolutions économiques et monétaires récentes

 

Synthèse

 

Les informations disponibles depuis la dernière réunion de politique monétaire, début juin, signalent une reprise de l’activité économique dans la zone euro, qui reste cependant à un niveau bien inférieur aux niveaux d’avant la pandémie de coronavirus (COVID-19), tandis que les perspectives demeurent hautement incertaines. L’inflation totale est freinée par la baisse des prix de l’énergie, et les tensions sur les prix devraient demeurer très modérées en raison du ralentissement marqué de la croissance du PIB en volume et du renforcement significatif de la sous‑utilisation des capacités productives qui en résulte. Les mesures de politique monétaire de la BCE se répercutent progressivement sur l’économie de la zone euro, apportant un soutien crucial à la reprise et contribuant à compenser l’évolution à la baisse de la trajectoire projetée de l’inflation, en lien avec la pandémie. Dans le même temps, ces perspectives sont entourées d’une incertitude élevée et soumises à des risques à la baisse. Dans ce contexte, le Conseil des gouverneurs a décidé de maintenir inchangée l’orientation globale de la politique monétaire et de confirmer une nouvelle fois l’ensemble de ses mesures de politique monétaire existantes.

À l’échelle mondiale, bien que les politiques d’endiguement aient été assouplies, la reprise demeure inégale, incertaine et incomplète. Les données d’enquêtes indiquent que la contraction sans précédent de l’économie mondiale au premier semestre 2020 a atteint un plancher, tandis que le comportement prudent des consommateurs va dans le sens d’une dynamique de croissance atone au cours des prochains mois. La reprise est en cours en Chine, mais les perspectives demeurent très incertaines aux États-Unis, même si certaines données ont surpris favorablement. Au Royaume-Uni et au Japon, les indicateurs signalent également que la contraction a atteint un plancher dans certains secteurs, mais les niveaux d’activité demeurent très faibles. Dans ce contexte, l’inflation mondiale reste modérée.

Au cours de la période sous revue, la courbe anticipée du taux moyen pondéré au jour le jour de l’euro (Eonia) s’est légèrement déplacée vers le bas, faisant apparaître une légère inversion sur les échéances courtes, en l’absence cependant d’anticipations d’une baisse imminente des taux directeurs. Les rendements des obligations souveraines à long terme de la zone euro ont également diminué en raison de la baisse des taux sans risque et les écarts de rendement des obligations souveraines ont enregistré une légère compression. Les actions ont continué de se redresser par rapport aux points bas atteints en mars et, en dépit d’une nouvelle compression, les écarts de rendement des obligations du secteur des entreprises demeurent plus larges que fin février. Sur les marchés des changes, l’euro s’est légèrement renforcé en termes pondérés des échanges commerciaux.

Les données disponibles et les résultats d’enquêtes indiquent que, après le point bas observé en avril, l’activité économique a enregistré une amélioration significative en mai et en juin, alors que le virus a commencé à être endigué et que les mesures de confinement ont, par conséquent, pu être assouplies. Dans le même temps, les indicateurs économiques restent à des niveaux bien inférieurs à ceux qui étaient observés avant la pandémie. La reprise ne fait que débuter et demeure inégale selon les secteurs et les juridictions. Après avoir reculé de 3,6 %, en glissement trimestriel, au premier trimestre 2020, le PIB en volume de la zone euro se serait, globalement, encore contracté au deuxième trimestre, de façon largement conforme aux projections macroéconomiques de juin 2020 établies par les services de l’Eurosystème. Des signes de reprise de la consommation sont apparus, et un rebond significatif de la production industrielle a également été enregistré. Cela étant, l’atonie des marchés du travail et l’épargne de précaution constituée par les ménages pèsent sur les dépenses de consommation. La faiblesse des perspectives d’activité et les fortes incertitudes freinent l’investissement, alors que la fragilité de l’économie mondiale entrave la demande extérieure de biens et services adressée à la zone euro.

Selon l’estimation rapide d’Eurostat, la hausse annuelle de l’IPCH dans la zone euro est passée de 0,1 % en mai à 0,3 % en juin, principalement en raison d’évolutions moins négatives des prix de l’énergie. Sur la base des prix actuels du pétrole et des prix des contrats à terme sur le pétrole, et compte tenu de la réduction temporaire de la TVA en Allemagne, l’inflation totale devrait à nouveau se ralentir au cours des prochains mois, avant de rebondir début 2021. À moyen terme, l’affaiblissement de la demande exercera des pressions à la baisse sur l’inflation, qui ne seront que partiellement compensées par des tensions à la hausse liées aux contraintes pesant sur l’offre. Les indicateurs des anticipations d’inflation à plus long terme extraits des instruments de marché sont demeurés à de faibles niveaux.

Depuis mars 2020, la pandémie de coronavirus a entraîné une forte accélération de la dynamique monétaire, en raison des besoins de liquidité élevés des entreprises pour financer les dépenses courantes et de la forte préférence des agents économiques pour les avoirs monétaires à titre de précaution. En mai, le crédit domestique est demeuré la principale source de création monétaire, notamment en raison des prêts aux sociétés non financières et des achats nets de titres d’État réalisés par l’Eurosystème dans le cadre des programmes d’achats d’actifs. L’enquête de juillet 2020 sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro montre un impact haussier persistant de la pandémie sur la demande de prêts des entreprises, reflétant en grande partie des besoins de liquidité d’urgence. Dans le même temps, les critères d’octroi des prêts aux entreprises sont restés favorables, soutenus par les mesures budgétaires et monétaires. En outre, les taux débiteurs très favorables, qui indiquent la poursuite d’une transmission robuste des mesures de politique monétaire, soutiennent la croissance économique dans la zone euro.

Dans ce contexte, une forte relance monétaire reste indispensable pour soutenir la reprise économique et préserver la stabilité des prix à moyen terme. C’est la raison pour laquelle le Conseil des gouverneurs a décidé de confirmer une nouvelle fois l’orientation très accommodante de sa politique monétaire.

Le Conseil des gouverneurs laissera inchangés les taux directeurs de la BCE. Il prévoit que ces taux resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’à ce que les perspectives d’inflation aient convergé durablement vers un niveau suffisamment proche de, mais inférieur à 2 % sur l’horizon de projection, et que cette convergence se soit reflétée de manière cohérente dans la dynamique d’inflation sous-jacente.

Le Conseil des gouverneurs poursuivra ses achats dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP), dont l’enveloppe totale est de 1 350 milliards d’euros. Ces achats contribuent à assouplir l’orientation globale de la politique monétaire et à compenser ainsi l’évolution à la baisse de la trajectoire projetée de l’inflation, en lien avec la pandémie. Les achats vont se poursuivre dans le temps, de façon souple, entre les différentes catégories d’actifs et juridictions. Le Conseil des gouverneurs pourra ainsi contrecarrer efficacement les risques pesant sur une transmission harmonieuse de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs effectuera des achats nets d’actifs au titre du PEPP au moins jusqu’à fin juin 2021 et, dans tous les cas, jusqu’à ce qu’il juge que la crise du coronavirus est terminée. Le Conseil des gouverneurs réinvestira les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP au moins jusqu’à la fin de 2022. Dans tous les cas, le futur dénouement du portefeuille PEPP sera géré de façon à éviter toute interférence avec l’orientation adéquate de la politique monétaire.

Les achats nets en vertu du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) vont continuer à un rythme mensuel de 20 milliards d’euros, ainsi que les achats au titre de l’enveloppe supplémentaire temporaire à hauteur de 120 milliards, jusqu’à la fin de l’année. Le Conseil des gouverneurs continue de prévoir d’avoir recours aux achats nets mensuels d’actifs au titre de l’APP aussi longtemps que nécessaire pour renforcer les effets accommodants des taux d’intérêt directeurs, et d’y mettre fin peu avant de commencer à relever ces taux. Le Conseil des gouverneurs entend poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire.

Le Conseil des gouverneurs continuera également à fournir une liquidité abondante par le biais de ses opérations de refinancement. En particulier, les volumes souscrits lors de la dernière opération de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) ont été très élevés, ce qui soutient l’octroi, par les banques, de prêts aux entreprises et aux ménages.

Les mesures de politique monétaire que le Conseil des gouverneurs a prises depuis début mars appuient de manière cruciale la reprise économique de la zone euro et le maintien de la stabilité des prix à moyen terme. En particulier, elles favorisent la liquidité et les conditions de financement dans l’économie et contribuent à soutenir le flux de crédit aux ménages et aux entreprises tout en préservant des conditions de financement favorables pour tous les secteurs et dans toutes les juridictions. En outre, la Commission européenne a récemment publié des directives concernant les dispositifs de garantie de l’État afin d’éviter de potentiels effets de seuil lors de leur suppression progressive. Cela étant, face à l’actuel environnement d’incertitude élevée et de sous-utilisation importante des capacités productives, le Conseil des gouverneurs reste pleinement engagé à tout mettre en œuvre, dans le cadre de son mandat, pour soutenir tous les citoyens de la zone euro dans cette période extrêmement difficile. Cela s’applique avant tout à son rôle consistant à garantir que sa politique monétaire soit transmise à toutes les composantes de l’économie et à toutes les juridictions en vue de l’accomplissement de son mandat de maintien de la stabilité des prix. Le Conseil des gouverneurs reste donc prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments, de façon adéquate, pour assurer le rapprochement durable de l’inflation par rapport à son objectif, conformément à son engagement en faveur de la symétrie.

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Le Bulletin économique de la BCE Bulletin économique de la BCE n°5/2020
  • Publié le 30/07/2020
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Mis à jour le : 30/07/2020 10:00