Lors de sa réunion de politique monétaire du 13 décembre, le Conseil des gouverneurs a décidé de mettre fin aux achats nets d’actifs en décembre 2018, tout en laissant les taux directeurs de la BCE inchangés et en approfondissant ses indications prospectives sur les réinvestissements. Alors que les données disponibles sont en retrait des anticipations, en raison du fléchissement de la demande extérieure mais aussi de certains facteurs spécifiques à des pays et des secteurs, la vigueur sous-jacente de la demande intérieure continue de soutenir l’expansion de la zone euro et la hausse progressive des tensions inflationnistes. Ces évolutions confortent la confiance du Conseil des gouverneurs dans la poursuite de la convergence durable de l’inflation vers son objectif, au-delà même de l’arrêt des achats nets d’actifs. Cela étant, les incertitudes liées à des facteurs géopolitiques, à la menace protectionniste, aux vulnérabilités des marchés émergents et à la volatilité des marchés financiers demeurent fortes. Par conséquent, un niveau significatif de relance monétaire reste nécessaire pour appuyer la poursuite du renforcement des tensions domestiques sur les prix et de l’inflation totale à moyen terme. Les indications du Conseil des gouverneurs sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs (forward guidance), associées aux réinvestissements du volume considérable de titres acquis, continuent d’apporter le degré nécessaire de soutien monétaire en vue d’une convergence durable de l’inflation vers son objectif. En tout état de cause, le Conseil des gouverneurs se tient prêt à ajuster l’ensemble de ses instruments de façon adéquate pour assurer le rapprochement durable de l’inflation par rapport à son objectif.
Si l’activité économique mondiale demeure vigoureuse, elle est devenue plus inégale et des signes de ralentissement de la dynamique apparaissent. L’arrivée à maturité du cycle économique mondial, l’essoufflement du soutien apporté par les politiques publiques dans les économies avancées et l’impact des droits de douane appliqués entre les États-Unis et la Chine pèsent sur l’activité mondiale. La croissance du commerce mondial s’est légèrement ralentie et les incertitudes entourant l’avenir des relations commerciales se sont accrues. Dans le même temps, les conditions financières demeurent accommodantes dans les économies avancées, tandis qu’elles se sont durcies pour certaines économies de marché émergentes. À plus long terme, l’activité économique mondiale devrait se ralentir en 2019 et demeurer stable par la suite. Les tensions inflationnistes mondiales devraient lentement se renforcer parallèlement à la diminution des capacités inutilisées.
Les taux sans risque à long terme ont baissé dans un contexte d’incertitude géopolitique accrue et de perception d’une détérioration des perspectives macroéconomiques depuis la réunion du Conseil des gouverneurs de septembre 2018. Les écarts de rendement des obligations souveraines de la zone euro ont été globalement stables, à l’exception de ceux de l’Italie, qui ont affiché une forte volatilité. Même si les anticipations de bénéfices des entreprises demeurent robustes, des révisions à la baisse, qui s’ajoutent à une réévaluation du risque, ont entraîné une baisse des prix des actions et des obligations des entreprises de la zone euro. Sur les marchés des changes, l’euro s’est globalement affaibli en termes pondérés des échanges commerciaux.
En glissement trimestriel, le PIB en volume de la zone euro a augmenté de 0,2 % au troisième trimestre 2018, après une hausse de 0,4 % au cours des deux trimestres précédents. Les données et résultats d’enquête les plus récents ont été plus faibles qu’attendu, sous l’effet d’une diminution de la contribution de la demande extérieure et de certains facteurs spécifiques à des pays et des secteurs. Si certains de ces facteurs devraient s’estomper, ces évolutions n’en suggèrent pas moins un léger ralentissement à venir de la croissance. Dans le même temps, la demande intérieure, également soutenue par l’orientation accommodante de la politique monétaire du Conseil des gouverneurs, continue d’étayer l’expansion économique au sein de la zone euro. Le dynamisme des marchés du travail, qui se reflète dans la poursuite des créations d’emplois et de la hausse des salaires, continue de favoriser la consommation privée. L’investissement des entreprises, par ailleurs, bénéficie de la demande intérieure, des conditions de financement favorables et de l’amélioration des bilans. L’investissement immobilier résidentiel reste robuste. De plus, la croissance de l’activité mondiale devrait encore se poursuivre et soutenir les exportations de la zone euro, à un rythme réduit cependant.
Cette évaluation se reflète largement dans les projections macroéconomiques de décembre 2018 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro. Ces projections tablent sur une croissance annuelle du PIB en volume de 1,9 % en 2018, 1,7 % en 2019, 1,7 % en 2020 et 1,5 % en 2021. Par rapport aux projections macroéconomiques de septembre 2018 réalisées par les services de la BCE, les perspectives de croissance du PIB en volume ont été légèrement révisées à la baisse pour 2018 et 2019. Les risques pesant sur les perspectives de croissance de la zone euro peuvent encore être considérés comme globalement équilibrés. La balance des risques, toutefois, évolue à la baisse, en raison de la persistance des incertitudes liées aux facteurs géopolitiques, de la menace protectionniste, des vulnérabilités des marchés émergents et de la volatilité des marchés financiers.
Selon l’estimation rapide d’Eurostat, la hausse annuelle de l’IPCH dans la zone euro s’est ralentie à 2,0 % en novembre 2018, après 2,2 % en octobre. Sur la base des prix actuels des contrats à terme sur le pétrole, l’inflation totale devrait diminuer au cours des prochains mois. Les mesures de l’inflation sous-jacente restent globalement modérées, mais les tensions d’origine interne sur les coûts continuent de s’accentuer et de se généraliser dans un contexte de niveaux élevés d’utilisation des capacités de production et de tensions sur les marchés du travail alimentant la hausse des salaires. L’inflation sous-jacente devrait s’accélérer à moyen terme, soutenue par les mesures de politique monétaire de la BCE, la croissance économique en cours et l’accélération de la hausse des salaires.
Cette évaluation ressort également globalement des projections macroéconomiques de décembre 2018 établies par les services de l’Eurosystème pour la zone euro, qui tablent sur une hausse annuelle de l’IPCH de 1,8 % en 2018, 1,6 % en 2019, 1,7 % en 2020 et 1,8 % en 2021. Par comparaison avec les projections de septembre 2018 réalisées par les services de la BCE, les perspectives de l’inflation mesurée par l’IPCH ont été revues légèrement à la hausse pour 2018 et à la baisse pour 2019. L’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait passer de 1,0 % en 2018 à 1,4 % en 2019, 1,6 % en 2020 et 1,8 % en 2021.
La croissance de l’agrégat large (M3) s’est accélérée en octobre 2018, dans un contexte de poursuite des arbitrages en faveur de sources de création monétaire plus auto-entretenues, en liaison avec la réduction des achats nets mensuels d’actifs effectués dans le cadre du programme d’achats d’actifs. La croissance des prêts au secteur privé s’est poursuivie et est demeurée le principal moteur de la croissance de la monnaie au sens large, en dépit de signes de ralentissement, principalement en ce qui concerne les prêts aux sociétés non financières. Dans le même temps, les conditions de financement et du crédit bancaire sont restées très favorables. Les effets des mesures de politique monétaire en place depuis juin 2014 continuent de soutenir fortement les conditions d’emprunt des entreprises et des ménages, l’accès au financement – en particulier pour les petites et moyennes entreprises – et les flux de crédits dans la zone euro.
Le déficit budgétaire des administrations publiques de la zone euro devrait s’être sensiblement réduit en 2018 mais devrait légèrement se creuser l’année prochaine. La réduction enregistrée en 2018 a principalement résulté de conditions conjoncturelles propices et d’une diminution des paiements d’intérêts. L’orientation budgétaire au niveau agrégé pour la zone euro devrait être globalement neutre en 2018, plus souple en 2019 et 2020 et redevenir neutre en 2021.
Au terme de l’examen régulier de la situation économique et monétaire, le Conseil des gouverneurs a pris les décisions suivantes. Le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser les taux d’intérêt directeurs de la BCE inchangés et continue de prévoir qu’ils resteront à leurs niveaux actuels au moins jusqu’à l’été 2019 et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme. S’agissant des mesures non conventionnelles de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs a décidé que les achats nets dans le cadre du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme – APP) cesseront en décembre 2018. Dans le même temps, le Conseil des gouverneurs a approfondi ses indications prospectives sur les réinvestissements. Le Conseil des gouverneurs entend ainsi poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il commencera à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir des conditions de liquidité favorables et un degré élevé de soutien monétaire.
Mis à jour le : 27/12/2018 10:32