Document de travail n°691 : Cotation externe de crédit et financement bancaire

Christophe Cahn, Mattia Girotti et Federica Salvadè étudient comment l'information sur l’analyse de risque-crédit produite par une tierce partie influence l'accès des entreprises au financement bancaire et leurs décisions. Ils exploitent un raffinement de l'échelle de cotation produite par la Banque de France qui s’est tenu en France en 2004. En conséquence des nouvelles règles mises en place, certaines entreprises ont bénéficié d’une revalorisation fortuite de leur cote. Les auteurs constatent que ces entreprises profitent d'un accès plus large et moins cher au crédit bancaire. En particulier, elles obtiennent plus de crédit auprès des prêteurs moins bien informés et démarrent plus facilement de nouvelles relations bancaires. Par conséquent, ces entreprises réduisent leur dépendance à l'égard du financement en fonds propres et investissent davantage. Ces résultats suggèrent que les cotations de crédit contribuent à réduire le problème de captation bancaire et à accroître la concurrence entre établissements de crédits.

Une source potentielle d'information pour les établissements de crédit réside dans la cote de crédit, qui représente les opinions sur la solvabilité des emprunteurs produites par des agences tierces. Il n'est pas évident que les banques se fient aux notations de tiers pour leurs décisions de crédit : étant donnée la supériorité de leurs technologies d’audit et de surveillance, les établissements de crédit peuvent préférer produire eux-mêmes l'évaluation de la qualité de crédit des emprunteurs. La littérature existante se concentre généralement sur l'utilisation des notations de crédit par les investisseurs des marchés des capitaux, alors qu'il existe peu de preuves empiriques sur l'utilisation des cotes de crédit par les banques et leurs implications pour les petites et moyennes entreprises qui obtiennent du financement principalement par le biais de la dette bancaire.

Le présent document examine si et comment l'information sur la notation influence l'accès des entreprises au financement bancaire et leurs politiques d'entreprise. Pour ce faire, nous considérons un cadre unique dans lequel un grand nombre de petites et moyennes entreprises disposent d'une cote de crédit, produite par la Banque de France, et qui est mise à la disposition principalement des banques. Nous exploitons ensuite les conséquences d’une réforme de 2004 qui augmente la granularité de l'échelle de cotation, ce qui rend la classification des entreprises plus pertinente et plus précise. Il en résulte qu'au sein d'une même classe de cotation, certaines entreprises reçoivent une revalorisation fortuite, ce qui implique une augmentation de leur cote, bien qu'elle ne soit pas due à des changements dans les fondamentaux de l'entreprise.

Notre première hypothèse est que si les établissements de crédit s'appuient sur la cote de crédit pour leurs décisions de crédit, un tel changement exogène dans l'information contenue dans la cotation influence l’offre de crédit aux entreprises. Pour répondre à cette question, nous exploitons l'information au niveau des entreprises sur l'exposition trimestrielle à la dette bancaire d'un panel d'entreprises pour lesquelles les analystes de la Banque de France ne font état d'aucun changement de jugement au cours de l’année précédant la réforme. Lorsque la réforme est mise en œuvre, certaines entreprises font l’objet d’une revalorisation fortuite alors que d'autres ne le font pas. Nous testons notre hypothèse à l'aide d'une méthodologie de différence en différences et comparons les trajectoires des entreprises qui reçoivent la surprise et des entreprises qui n'en reçoivent pas, avant et après la réforme, en supprimant toute caractéristique invariante de l'entreprise, tout cycle économique propre au secteur et toute dynamique inhérente à la cote de crédit. Nous constatons que, exactement au moment où elles reçoivent cette revalorisation exogène, les entreprises impactées bénéficient d’une offre de crédit plus importante (voir la figure suivante), ce qui équivaut à une expansion du flux annuel des prêts bancaires de 1,2 en pourcentage du total de l'actif. Cette constatation est conforme à l'idée que les banques utilisent la certification par un tiers dans leurs décisions de prêt.

Nous vérifions également si cet effet de surprise est d’autant plus fort qu’une banque connait déjà l'emprunteur. En particulier, en utilisant une version du panel au niveau des banques, des succursales, des entreprises et des trimestres, nous distinguons les relations entre les banques et les entreprises selon deux dimensions. La première dimension fait référence au coût de la banque pour la collecte d'informations et le suivi de l'emprunteur. La deuxième dimension se réfère aux incitations dont dispose la banque pour recueillir des informations et surveiller l'emprunteur. Dans l'ensemble, nous constatons que les prêteurs les moins informés (c.-à-d. les banques situées plus loin de l'emprunteur, les banques ayant un nombre inférieur de produits avec l'entreprise, les banques non principales et les banques ayant moins d’intérêts en jeu) réagissent plus fortement à une revalorisation fortuite de la cote et ajustent davantage leur offre de prêts. Ces résultats indiquent qu'à mesure que l'information des tiers se précise, l'écart d'information entre les prêteurs qui recueillent directement l'information et ceux qui ne l'ont pas fait se réduit. En améliorant globalement les connaissances des banques sur les entreprises emprunteuses, la réforme améliore la capacité des emprunteurs à choisir leurs créanciers et accroît ainsi la concurrence entre les banques.

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Document de travail n°691 : Cotation externe de crédit et financement bancaire
  • Publié le 28/08/2018
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Mis à jour le : 30/08/2018 08:58