La Banque de France publie deux fois par an son Évaluation des risques du système financier français qui rassemble les analyses des équipes de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). La Banque de France partage ainsi son appréciation de la situation courante sur la stabilité financière en France. Ce document permet également d’étayer toute mesure macroprudentielle contraignante dont le gouverneur de la Banque de France pourrait recommander l’adoption au HCSF.
Depuis le printemps dernier, les perspectives de croissance mondiale ont été revues à la baisse ; les facteurs d’incertitude restent nombreux : tensions commerciales (bien que l’achèvement de la première phase des négociations commerciales entre États-Unis et Chine écarte l’entrée en vigueur de droits de douane supplémentaires à court terme), Brexit (dont la perspective est confirmée par le résultat des élections législatives du 12 décembre au Royaume-Uni), tensions politiques et sociales dans de nombreux pays. La croissance française résiste néanmoins.
Parallèlement, les taux d’intérêt ont sensiblement baissé, entraînant un fort aplatissement des courbes de rendement sur les marchés obligataires et une hausse marquée des encours de titres assortis de taux négatifs. Le fort repli intervenu durant l’été n’a été que partiellement compensé par la légère correction intervenue par la suite. En conséquence, les actifs financiers et réels se sont nettement appréciés, ce qui peut correspondre, sur certains segments de marché, à une rémunération du risque insuffisante.
Ce contexte accroit les risques auxquels les institutions financières françaises sont exposées, ce d’autant plus que ces risques sont largement interdépendants.
Au premier rang et équivalents, les risques liés à l'endettement des agents non financiers et ceux relatifs à l’impact des taux d'intérêt sur les activités d’intermédiation, devraient s’accentuer au cours des prochains trimestres.
L’endettement des agents non financiers (sociétés non financières, ménages) conserve en effet une dynamique plus soutenue que la croissance économique, dans un contexte où le faible niveau des taux d’intérêt favorise le recours à l’emprunt. Le taux d’endettement de l’ensemble du secteur privé non financier continue ainsi de progresser, atteignant plus de 133% du PIB au premier trimestre 2019. Ce taux d’endettement a progressé de plus de 45 points depuis la fin 2000. D’éventuels chocs – tels une contraction de l’activité économique ou une hausse des taux d’intérêt – pourraient fragiliser la solvabilité des entreprises, les ménages et les institutions financières qui les financent, d’autant que le niveau élevé de la dette publique limite les marges de manœuvre budgétaires des administrations publiques françaises. Le Haut Conseil de stabilité financière maintient sa vigilance sur les caractéristiques de l’endettement des ménages et des entreprises et, après avoir recommandé aux banques de maintenir un politique d’octroi prudente, il pourrait envisager des mesures macroprudentielles contraignantes si la dérive des conditions d’octroi des crédits immobiliers se poursuivait.
L’environnement de taux d’intérêt durablement bas voire négatifs, justifié au regard de la situation économique, affecte les intermédiaires financiers. La baisse des taux d’intérêt et l’aplatissement des courbes de taux pèsent sur la marge nette d’intermédiation des banques. À cette tendance, s’ajoute une compression de la marge brute des crédits, sur certains segments où la concurrence est vive. Les sociétés d’assurance sont, quant à elles, doublement affectées par la baisse des taux d’intérêt : à la baisse tendancielle du rendement de leur portefeuilles d’actifs s’est ajouté, avec le recul des taux longs intervenu au cours de l’été, un effet de revalorisation de leurs engagements long terme (en particulier, dans l’assurance-vie). Face aux risques induits par le bas niveau des taux d’intérêt sur la profitabilité des banques et des organismes d’assurance, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a renforcé son suivi des situations individuelles. S’agissant plus particulièrement des conséquences sur les organismes assurances, un appel a été lancé en faveur de la baisse des taux servis et de la diversification des produits.
Au troisième rang des risques pour le système financier, figurent ceux liés aux marchés financiers. La hausse de la valorisation des actifs financiers observée depuis juin dernier n’apparait pas systématiquement excessive au regard de la baisse des taux observée. La rémunération de certains risques semble toutefois insuffisante et, en raison du rôle des évolutions de taux d’intérêt sur les valorisation, l’éventualité d’une correction touchant simultanément plusieurs classes d’actifs apparait en hausse. Dans ce contexte, l’appétit des investisseurs institutionnels français pour les classes d’actifs alternatives et moins liquides se renforce, même si la structure de leurs portefeuilles n’a pour le moment pas été significativement modifiée. Cette diversification, a priori bienvenue, doit toutefois être maitrisée pour éviter une prise de risque excessive.
Enfin, les risques liés aux changements structurels sont classés au quatrième rang. Ces changements reflètent des tendances de fond, encore diffuses, mais dont l’importance croît : développement de l’intermédiation non bancaire, révolution digitale, émergence de nouveaux risques (cyber-risque, risques financiers liés au changement climatique). Leur appréhension s’effectue progressivement mais demeure incomplète et leur prise en compte insuffisante est un facteur de fragilisation.
Mis à jour le : 19/12/2019 14:00