Les réponses d’urgence apportées par les autorités budgétaires, monétaires et de supervision ont permis d’endiguer les effets sur la stabilité financière du choc économique induit par la pandémie de la Covid19 et les mesures de confinement mises en oeuvre au printemps. La reprise de l’activité intervenue en juillet a été interrompue par la mise en place de nouvelles restrictions à l’automne dans la majeure partie de l'Europe, sans provoquer toutefois de hausse de la volatilité de marché ni de difficultés de financement, en contraste avec l’épisode de mars dernier. Les différents acteurs du système financier – investisseurs, emprunteurs et émetteurs – semblent bénéficier d’une diminution – à partir d’un niveau élevé – des facteurs d’incertitude qui ont prévalu jusqu’à présent, notamment grâce aux perspectives d’amélioration de la situation sanitaire, mais également du fait de l’engagement des banques centrales et des États à maintenir des conditions de financement et de soutien budgétaire expansionniste, au-delà de la fin de la crise.
Dans ce contexte, le financement sur les marchés financiers pour les émetteurs privés (sociétés non financières et banques) a retrouvé des taux et une liquidité, proches des conditions prévalant avant crise, les entreprises moins bien notées subissant toutefois la persistance d’une prime de risque de crédit plus élevée. De la même façon, les taux sur la dette des États souverains se situent à des niveaux historiquement très faibles. Cette dynamique a permis d’effacer les pertes subies en première partie d’année sur les marchés actions pour revenir récemment sur des niveaux de valorisation dépassant même, pour certains indices notamment américains, les records antérieurs. Ces évolutions peuvent paraître en contradiction avec les niveaux actuels d’activité économique et constituer une source de vulnérabilité - se matérialisant par une dépréciation brutale des actifs, en cas de nouveau choc adverse. Deux chapitres thématiques reviennent plus particulièrement pour l’un sur l’explication de ces niveaux de valorisation et pour l’autre sur les fragilités observées en mars et avril sur le marché de financement de court terme en euro des sociétés non financières, du fait notamment de la dépendance vis-à-vis des fonds monétaires.
Les évolutions intervenues depuis le mois de mars ont par ailleurs aggravé des vulnérabilités préexistantes qui sont de nature potentiellement systémique pour le système financier français.
Au premier rang de ces vulnérabilités, figure la dégradation de la situation financière des entreprises non financières. Si la deuxième vague et les mesures nécessaires à son endiguement ont un effet global moins important sur les entreprises, elles accentuent encore l’hétérogénéité et les divergences de trajectoire, en matière d’endettement net individuel, avec des perspectives de croissance très variables d’un secteur d’activité à l’autre. En compliquant le remboursement des dettes contractées au printemps pour faire face au choc de trésorerie associé au premier confinement, une reprise lente est de nature à dégrader fortement la situation financière des entreprises les plus fragiles (les plus endettées et/ou les plus affectées par le choc). Si un scénario de reprise lente devait se confirmer, une augmentation importante des défauts des sociétés non financières serait de nature à peser sur les résultats des banques, via une augmentation des pertes et provisions associées au risque de crédit des entreprises. Une consolidation du passif des sociétés non financières, par une augmentation des fonds propres apparaît nécessaire pour favoriser le rebond macroéconomique. Un chapitre thématique est consacré aux enjeux de la dette des sociétés non financières.
La forte augmentation de la dette publique, liée à la nécessaire prolongation des mesures de soutien, pourrait réduire à terme les marges de manoeuvre budgétaires notamment en cas de croissance durablement faible, et potentiellement détériorer la confiance dans la signature de l’État. La confiance des investisseurs comme en témoigne la capacité de l’État français à s’endetter à un taux moyen négatif en 2020, ainsi que les programmes d’achat de titres par l’Eurosystème, sont toutefois de nature à atténuer cette préoccupation à court terme.
La diminution de la rentabilité des intermédiaires financiers constitue un autre point d’attention majeur. Cette érosion, déjà observée depuis quelques années, se poursuit du fait de la conjugaison de facteurs structurels et conjoncturels : les banques font face à une diminution structurelle de la marge nette d’intérêt dans l’environnement de taux bas – qui se généralise et semble se pérenniser – et à une augmentation conjoncturelle du coût du risque lié à l’augmentation du risque de crédit des entreprises. La persistance de l’environnement de taux bas fragilise également la rentabilité des organismes d’assurance. Il reste néanmoins que la solidité financière des banques et organismes d’assurance français constitue un facteur de résilience : les ratios de solvabilité sont très stables pour les banques même s’ils ont connu une inflexion notable pour les assurances, à partir toutefois d’un niveau historiquement élevé dans les deux cas. Cette résistance soutient la reprise économique via le maintien d’une dynamique de crédit aux entreprises solide.
Compte tenu de l’ampleur du soutien public, la situation des ménages n’appelle pas, à ce stade, d’inquiétudes majeures pour la stabilité du système financier. La dérive des conditions d’octroi des crédits immobiliers observée ces dernières années a contribué à fragiliser les ménages, mais les mesures prises par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) en décembre 2019 puis 2020 visent à arrêter cette dérive.
Enfin, la crise renforce encore davantage le besoin d’une transformation numérique des institutions financières tout en constituant une nouvelle source de risques. La transformation des modèles d’affaires en la matière doit être accélérée, sous la double contrainte d’une forte concurrence et d’une faible profitabilité. La présente évaluation revient plus particulièrement sur deux risques associés à la digitalisation, le risque cyber pesant directement sur les institutions financières, mais également – au travers d’un chapitre dédié –, en lien avec l’instauration de pratiques de télétravail plus généralisées et d’une montée en charge du commerce électronique de détail, les conséquences d’une dépréciation marquée de l’immobilier commercial sur la stabilité financière.
Les enjeux liés au changement climatique font peser des risques majeurs sur le système financier, diagnostic désormais consensuel au niveau international. Ces risques appellent à des actions rapides de la part de l’écosystème financier, qui doivent notamment reposer sur le développement des capacités de mesure harmonisée des risques, s’appuyant sur une standardisation des données extra-financières, et la conduite d’exercices de stress tests.
Mis à jour le : 15/01/2021 11:22