Les émissions de polluants ont tendance à être procycliques car elles augmentent généralement avec la croissance économique. Cependant, comme les politiques publiques jouent un rôle dans l'atténuation des conséquences environnementales de l'activité économique, la qualité des institutions peut influencer la procyclicité de la pollution et réduire le coût environnemental de la croissance. En partant de l'hypothèse que les variations des émissions sont plus fortes aux premiers stades de développement, nous élaborons un cadre non linéaire et confirmons d'abord la présence d'effets de seuil liés aux niveaux de revenu dans la relation entre pollution (émissions de CO2 et de gaz à effet de serre) et croissance, pour un panel de 142 pays sur une période allant de 1960 à 2017. Nous constatons également que la qualité des institutions influence cette relation, abaissant à la fois la valeur du seuil et le degré de procyclicité des émissions. Ces résultats montrent donc qu'une meilleure qualité des institutions peut atténuer les externalités environnementales de la croissance économique.
Les émissions de polluants ont tendance à être procycliques car elles augmentent généralement avec la croissance économique. En même temps, l'intensité des émissions le long de la trajectoire de développement n'est pas linéaire, car elle est relativement plus élevée pour les pays à revenu moyen par rapport aux pays à faible revenu et aux pays à revenu élevé, ce qui donne lieu à une possible courbe en U inversé dans la relation entre le développement économique et la dégradation de l'environnement.
La politique des gouvernements a un rôle à jouer dans l'atténuation des conséquences environnementales de la croissance. Tout d'abord, une bonne politique environnementale pourrait avancer le point d’inflexion de la courbe et réduire la taille des émissions maximales lorsqu'on atteint ce seuil de développement. Deuxièmement, des politiques environnementales actives sont justifiées même aux premiers stades du développement, étant donné que l'accumulation des dommages environnementaux peut être bien plus importante que la valeur actuelle de revenus futurs plus élevés. Troisièmement, si la dégradation de l'environnement dépend d'une croissance plus élevée aux premiers stades du développement, l'ampleur de la procyclicité des émissions dépend largement de l'efficacité des marchés et des politiques économiques. Dans ce contexte, la qualité des institutions peut influencer la procyclicité de la pollution et réduire les externalités environnementales de la croissance économique.
Cette étude empirique se concentre sur la procyclicité des émissions et le rôle des institutions dans leur modération. L’originalité du travail est triple. Tout d'abord, il s'appuie sur une base de données mis à jour incluant un très grand nombre de pays sur une longue période (142 pays sur la période 1960-2017), ce qui permet de rendre compte de l'hétérogénéité des niveaux et des vitesses de développement économique ainsi que des différentes qualités de cadres institutionnels. Deuxièmement, l’étude fournit une vérification empirique du rôle des institutions dans la modération des externalités environnementales de la croissance économique, en soutien des travaux théoriques récents sur la nécessité pour les gouvernements de concevoir une politique environnementale qui réponde aux conditions du cycle économique. Troisièmement, l'approche empirique est conçue pour aborder tous les problèmes habituellement rencontrés lors de la vérification empirique du lien entre pollution et revenu avec une approche empirique non linéaire, tout en tenant compte des diverses critiques formulées à l'égard des travaux empiriques précédents. Plus précisément, l'approche est exempte de problème lié à l'ordre d'intégration des variables et tient compte des questions d'endogénéité, de causalité bidirectionnelle, d'hétérogénéité entre les pays et de dépendance transversale.
Les résultats empiriques confirment d'abord la présence d'effets de seuil dans la relation entre pollution et croissance. Dans le cas des émissions de CO2, nous trouvons un point d'inflexion dans l’augmentation moyenne des émissions pour les pays dont le revenu par habitant est supérieur à 18 500 dollars. Nos résultats confirment également un degré significatif de procyclicité des émissions. Pour une augmentation d'un point de pourcentage de la croissance réelle du PIB par habitant, les émissions de CO2 augmentent de 0,5 point de pourcentage. Nous testons ensuite le rôle de la qualité des institutions dans la relation entre pollution et croissance. Notre analyse empirique montre que les pays ayant des institutions de meilleure qualité connaissent des points d’inflexion à des niveaux de revenu par habitant plus faibles. De plus, une fois que ces seuils de développement sont franchis, la croissance des émissions de CO2 est beaucoup plus faible pour les pays dotés d'institutions de qualité. La procyclicité de ces émissions est également réduite pour les pays ayant les meilleurs scores institutionnels. En réduisant la procyclicité de la pollution, l'amélioration de la qualité des institutions est donc un facteur clé pour atténuer les externalités environnementales de la croissance économique.
Mis à jour le : 19/06/2020 13:06