Document de travail n°816 : Investissements directs de l’étranger et investissement privés domestiques : effets d’éviction ou d’entrainement ?

Cet article examine la relation entre les IDE et l'investissement privé en Afrique subsaharienne (ASS) sur la base d’un échantillon de 40 pays sur la période 1980-2017. Pour distinguer les dynamiques de court et long terme, notre analyse empirique se fonds sur les modèles à correction d’erreur fondé sur le groupe moyen groupé (PMG), le groupe moyen (MG) et les effets dynamiques complets (DFE). Nos résultats suggèrent que les IDE ont peu d'effet à court terme mais stimulent l’investissement privé sur le long terme: une hausse d'un point de pourcentage de la part des IDE dans le PIB entraîne alors une augmentation de 0,29 % de l'investissement privé. Nos résultats montrent également que les IDE interagissent avec les investissements publics nationaux pour renforcer ces effets positifs. Enfin, nous montrons que l'impact de l'IED sur l'investissement privé intérieur est plus fort dans les pays diversifiés non exportateurs de ressources naturelles que dans les pays essentiellement exportateurs de matières premières.

L'impact des IDE sur l'investissement privé national est à double tranchant. D'une part, l'investissement direct étranger (IDE) est reconnu comme une source de capital et d'investissement à long terme favorisant le développement économique par l'agglomération des activités économiques. D'autre part, l'IDE peut entraîner une hausse des prix et une appréciation du taux de change, ce qui réduit la compétitivité et entraîne une éviction de l'investissement privé national. Dans le cas des pays d'Afrique sub-saharienne (ASS), l'impact bénéfique des IDE sur l'investissement domestique privé peut également dépendre de manière cruciale des caractéristiques spécifiques des pays en développement, par exemple la faible qualité des institutions ou le développement financier.

Notre article vise à clarifier cette ambiguïté et à démêler les dynamiques, éventuellement contradictoires, en jeu entre les IDE (exprimé en % au PIB) et d'autres déterminants de l'investissement domestique privé en ASS : effet d'éviction de l'investissement public, stabilité macroéconomique (inflation, dette publique et taux de change), productivité totale des facteurs, développement financier, qualité des institutions et diversification économique. Nous nous appuyons sur un modèle dynamique à correction d'erreurs pour aborder une possible endogenéité dans la relation entre les IDE et l'investissement domestique privé et pour capturer des effets distincts à court et à long terme.

Sur la base d'un panel de 40 pays d'Afrique subsaharienne sur la période 1980-2017, nous constatons que les flux d'IDE ont des effets d’incitation (crowding-in) importants à long terme : une augmentation de 1 % du ratio IDE/PIB est associée à une augmentation de 0,3 % du taux d'investissement intérieur privé. Cependant, à court terme, les effets de concurrence dominent (faibles effets d'éviction). Les effets positifs des IDE sur l'investissement privé prennent du temps à se concrétiser en raison de la faible capacité d'absorption et des retards à profiter pleinement des effets positifs des IDE dans les économies en développement.

Des déficits et des dettes budgétaires élevés, ainsi que l'instabilité politique et la corruption, peuvent également compromettre les effets d'entraînement à long terme des IDE sur les investissements intérieurs privés. La diversification économique dans les secteurs secondaire et tertiaire a un effet positif sur les investissements privés. Nos résultats sont en accord avec la littérature actuelle qui montre un impact réduit des IDE dans les secteurs enclavés (activités extractives) sur le développement économique.

Pour être efficaces, les politiques de promotion des investissements en Afrique subsaharienne devraient viser à renforcer la diversification économique et être adaptées aux caractéristiques spécifiques des pays (ressources naturelles, dotations en main-d'œuvre et en capital, structure économique et besoins d'investissement). Il est également essentiel de réaffecter les dépenses publiques à des investissements publics à haut rendement et de favoriser les partenariats entre investisseurs privés et internationaux.

Il convient de poursuivre les recherches sur la dynamique entre les IDE et les investissements publics et privés. Il serait également utile de prendre en compte les éventuels changements structurels des modèles d'IDE et d'investissement privé dans le sillage de l'augmentation des IDE en provenance de la Chine et d'autres pays émergents en ASS, ainsi que sur les défis posés au processus de mondialisation lui-même, la délocalisation des échanges et la régionalisation stimulée par la numérisation, ainsi que l’impact de la crise économique actuelle.

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Document de travail n°816 : Investissements directs de l’étranger et investissement privés domestiques : effets d’éviction ou d’entrainement ?
  • Publié le 09/06/2021
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Mis à jour le : 09/06/2021 09:11