La création d’un système d’assurance chômage européen est souvent évoquée comme un facteur de lissage macroéconomique et d’approfondissement de l’intégration européenne. Selon les caractéristiques envisagées, ce système pourrait s’avérer efficace sans nécessairement impliquer de transferts permanents. Ce Bulletin mesure les effets potentiels de la mise en place d’un fonds d’assurance chômage européen de 10 milliards d’euros par an en moyenne (soit l’équivalent d’un plan SURE par décennie) venant s’ajouter aux systèmes nationaux sans s’y substituer. Les auteurs simulent dans leur scénario central un système d’assurance chômage complémentaire européen sans transferts permanents entre États, mais doté d’une capacité d’endettement commune temporaire. Un tel système aurait pu atténuer les chocs de 2009 et 2013, en lissant dans le temps la consommation et le PIB tout en améliorant la synchronisation des cycles européens et en allégeant la charge de la dette nationale.
Un mécanisme communautaire d’assurance chômage permettrait de matérialiser concrètement la solidarité entre États en contribuant à lisser l’impact des chocs économiques. Dès 1975, le rapport Marjolin soulignait l’intérêt de ce dispositif afin de réduire les déséquilibres intrarégionaux. En réponse aux forts chocs asymétriques observés depuis le début des années 2000, le rapport des cinq présidents (2015) insistait lui aussi sur l’importance d’un « mécanisme commun de stabilisation macroéconomique dans les Unions monétaires pour absorber certains chocs sévères ».
D’un point de vue théorique, la présence de défaillances de marché justifie également la création d’un mécanisme de ce type. Dans un contexte de changes fixes, la présence de rigidités nominales et de frictions à la libre mobilité des facteurs empêche l’absorption de chocs asymétriques par les mécanismes de marché. Au-delà des mesures visant à modifier les incitations des agents économiques privés, le recours à une intervention publique apparaît nécessaire. Toutefois, la mise en place de mécanismes publics de partage du risque au niveau de l’Union économique et monétaire (UEM) pose de nombreuses interrogations sur leurs modalités d’application et leur faisabilité politique. En particulier, l’absence de consensus sur d’éventuels transferts entre pays a pu en ralentir la concrétisation.
Un mécanisme européen d’indemnisation du chômage constituerait un premier pas vers le partage du risque au sein de l’UEM (Bilbiie et al., 2021), offrant des caractéristiques à première vue évidentes de subsidiarité entre niveaux de gouvernement. Dans cette perspective, quatorze économistes français et allemands (Bénassy‑Quéré et al., 2018) proposent la mise en place d’une assurance chômage européenne tout en proscrivant des transferts budgétaires permanents au sein de l’UEM. La déclaration franco‑allemande de Meseberg (2018) invitait pour sa part à poursuivre la réflexion quant à « la création d’un fonds européen de stabilisation de l’assurance chômage, pour l’éventualité de graves crises économiques, sans transferts ».
Ce Bulletin estime le gain de lissage et d’harmonisation du cycle économique intra-européen d’un système d’assurance chômage européen. L’analyse se concentre sur un système d’assurance sans transferts permanents, mais avec une capacité d’endettement commune, qui se superposerait aux transferts d’assurance chômage nationaux, en se fondant partiellement sur le modèle de l’assurance chômage fédérale américain. La simulation est calibrée de sorte à impliquer une dépense supplémentaire de 10 milliards d’euros par an en moyenne, l’équivalent d’un plan SURE par décennie.
Un tel système pourrait jouer un rôle important de stabilisation contracyclique sans effets redistributifs permanents entre États. D’après les simulations réalisées…
Mis à jour le : 15/06/2022 10:06