Après plusieurs trimestres de croissance supérieure aux prévisions, les informations disponibles depuis la réunion du Conseil des gouverneurs de début mars indiquent une certaine modération, tout en demeurant compatibles avec une expansion robuste et généralisée de l’économie de la zone euro1. Les risques pesant sur les perspectives de croissance de la zone euro demeurent globalement équilibrés, mais les risques liés à des facteurs mondiaux, notamment la menace d’un protectionnisme accru, deviennent plus importants. Dans l’ensemble, la vigueur sous-jacente de l’activité continue d’étayer la confiance du Conseil des gouverneurs en une convergence de l’inflation vers l’objectif de taux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme. Dans le même temps, les mesures de l’inflation sous-jacente restent contenues et doivent encore montrer des signes convaincants d’une tendance à la hausse durable. Le Conseil des gouverneurs continuera, dans ce contexte, de suivre les évolutions du taux de change et des autres conditions financières, en lien avec leurs éventuelles implications pour les perspectives d’inflation. Globalement, un degré élevé de relance monétaire demeure indispensable pour continuer d’aviver les pressions inflationnistes sous-jacentes et soutenir l’inflation totale à moyen terme.
Au niveau mondial, les indicateurs tirés d’enquêtes continuent généralement d’aller dans le sens d’une expansion économique régulière. Toutefois, les annonces de ces dernières semaines relatives aux droits de douane représentent un risque pour la dynamique mondiale. Les indicateurs relatifs au commerce mondial, bien que contrastés, font état dans l’ensemble d’un certain ralentissement au début de l’année. En outre, les risques géopolitiques ont entraîné une remontée des prix du pétrole.
Les rendements des obligations souveraines de la zone euro ont diminué et les écarts de rendement souverains se sont resserrés ; ce resserrement, à la lumière de l’expansion économique en cours, reflète une amélioration des fondamentaux macroéconomiques des pays. De même, les cours boursiers de la zone euro ont augmenté malgré des épisodes de volatilité accrue. Sur les marchés des changes, l’euro est resté pratiquement inchangé en termes effectifs nominaux.
L’analyse des données économiques et des résultats d’enquêtes les plus récents suggère une certaine modération du rythme de la croissance depuis le début de l’année. Cette évolution peut traduire en partie un recul par rapport au rythme soutenu de croissance observé à la fin de l’année dernière, alors que des facteurs temporaires peuvent également jouer un rôle. Dans l’ensemble, la croissance devrait toutefois rester solide et généralisée. La consommation privée est confortée par la poursuite des créations d’emplois, qui, pour leur part, reflètent partiellement les réformes passées des marchés du travail, ainsi que par l’augmentation de la richesse des ménages. Le renforcement de l’investissement des entreprises se confirme sous l’effet de conditions de financement très favorables, de la hausse de leur rentabilité et d’une forte demande. La progression de l’investissement immobilier résidentiel persiste. De plus, la croissance mondiale généralisée favorise les exportations de la zone euro.
La hausse annuelle de l’IPCH dans la zone euro s’est accélérée, s’établissant à 1,3 % en mars 2018, contre 1,1 % en février, essentiellement en raison de l’augmentation des prix des produits alimentaires. Sur la base des prix actuels des contrats à terme sur le pétrole, les taux annuels d’inflation devraient fluctuer autour de 1,5 % jusqu’à la fin de l’année. Les mesures de l’inflation sous-jacente restent modérées dans l’ensemble. Elles devraient augmenter progressivement à moyen terme, soutenues par les mesures de politique monétaire de la BCE, la poursuite de la croissance économique, la résorption correspondante de la sous-utilisation des capacités productives et l’accélération de la hausse des salaires.
L’analyse monétaire montre que l’expansion de la monnaie au sens large (M3) se maintient à un rythme vigoureux, seulement légèrement inférieur à la fourchette étroite observée depuis mi-2015. La croissance annuelle de M3 est ressortie à 4,2 % en février, reflétant l’incidence des mesures de politique monétaire de la BCE et le faible coût d’opportunité de la détention des dépôts les plus liquides. L’agrégat monétaire étroit M1 apporte donc toujours la principale contribution à la croissance de la monnaie au sens large, sa progression se maintenant à un rythme annuel soutenu. La reprise de la croissance des prêts accordés au secteur privé constatée depuis le début de 2014 se poursuit également. L’enquête sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro au premier trimestre 2018 montre que la croissance des prêts continue de bénéficier de la hausse de la demande pour l’ensemble des catégories de prêts, ainsi que de l’assouplissement persistant des conditions globales du crédit bancaire.
Sur la base de l’analyse économique et des signaux provenant de l’analyse monétaire, le Conseil des gouverneurs a confirmé la nécessité d’un degré élevé de soutien monétaire afin d’assurer un retour durable des taux d’inflation vers des niveaux inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme. Ce soutien monétaire persistant tient aux achats nets d’actifs, au volume considérable de titres acquis et aux réinvestissements en cours et à venir ainsi qu’aux indications sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs (forward guidance).
En conséquence, le Conseil des gouverneurs a décidé de laisser les taux d’intérêt directeurs de la BCE inchangés et continue de prévoir leur maintien à leurs niveaux actuels sur une période prolongée, et bien au-delà de l’horizon fixé pour les achats nets d’actifs. En ce qui concerne les mesures non conventionnelles de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs a confirmé que les achats nets d’actifs, au rythme mensuel actuel de 30 milliards d’euros, devraient être réalisés jusque fin septembre 2018 ou au-delà, si nécessaire, et, en tout cas, jusqu’à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de la trajectoire de l’inflation conforme à son objectif. Enfin, le Conseil des gouverneurs a réaffirmé que l’Eurosystème continuera de procéder au réinvestissement des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d’achats d’actifs pendant une période prolongée après la fin de ses achats nets d’actifs et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire.
1. En tenant compte des informations disponibles au moment de la réunion du Conseil des gouverneurs du 26 avril 2018.
Mis à jour le : 10/05/2018 10:04