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Document de travail n°566 : Expliquer et prévoir les crédits bancaires en période de croissance et de crise (en anglais)

Cet article propose un modèle parcimonieux pour expliquer et prévoir les crédits bancaires aux entreprises non financières en France, en régime de croissance, ainsi qu’en situation de crise. Ce faisant, nous sommes amenés à évaluer le contenu en information d’indicateurs simples et étudions la dynamique potentiellement non-linéaire du crédit. Nous trouvons que le taux de croissance des cours boursiers est un des indicateurs avancés les plus performants. Ceci s’explique théoriquement par des effets de bilan. De plus, nous trouvons que les cours boursiers constituent une variable de seuil pertinente pour expliquer des changements de régime dans l’évolution du crédit. Cependant, il s’avère difficile de les prévoir avec précision. C’est pourquoi un simple modèle VAR linéaire présente somme toute de meilleures performances prédictives.

Les crises financière, bancaire et de la dette souveraine qui se sont succédé ont eu un impact considérable sur le crédit bancaire, en particulier dans les économies européennes où le financement intermédié est prépondérant. Cet effondrement inattendu du crédit a eu ensuite un fort impact négatif sur l’activité économique. Cela a motivé une mise à jour des méthodes empiriques et des principaux déterminants à prendre en considération pour expliquer et mieux prévoir l’évolution du crédit bancaire.

Expliquer puis prévoir l’évolution du crédit est primordial pour les responsables de la politique économique

Tout d’abord, l’anticipation des cycles d’activité est généralement primordiale pour les responsables de la politique économique car elle conditionne le bon timing pour la mise en œuvre des politiques. Par ailleurs, un modèle fiable de prévision de crédit permettrait d’affiner les prévisions d’investissement et de consommation. Aussi, il permettrait de mieux anticiper la gravité des récessions à venir. En effet, les récessions qui suivent les phases de croissance économique soutenues par le crédit sont relativement plus graves et les reprises plus lentes. Ensuite, la compréhension et l’anticipation de la dynamique du crédit sont essentielles pour évaluer le risque de crises financières. De nombreuses études ont déjà mis en lumière le lien entre évolutions sur le marché du crédit et perturbations financières. Par conséquent, une meilleure compréhension du crédit permettrait d’évaluer la possibilité d’un rationnement. Cela nécessite peut-être de faire appel à un modèle différent de ceux qui s’appliquent en « temps normal ». Enfin, la mise à jour de nos connaissances sur la dynamique du crédit se justifie aussi par l’instauration d’un nouveau cadre réglementaire pour les banques, et par la mise en œuvre de politiques monétaires non conventionnelles et macroprudentielles dont les objectifs sont, au moins en partie, liés aux évolutions du crédit.

Expliquer et prévoir l’évolution du crédit bancaire en France à l’aide d’un modèle parcimonieux

L’objectif de Grégory Levieuge consiste à développer un modèle parcimonieux pour expliquer et prévoir l’évolution du crédit et évaluer le contenu informatif marginal de nombreux indicateurs avancés potentiels. En outre, il étudie la non-linéarité de la dynamique du crédit, avec l’idée que l’activité de prêt bancaire peut évoluer en fonction du contexte financier. Par conséquent, son analyse porte sur une période qui recouvre à la fois une conjoncture favorable et des crises – financière, bancaire et de la dette souveraine. Enfin, sa contribution est originale car elle concerne le contexte français, qui n’a guère été étudié jusqu’à présent dans la littérature.

Grégory Levieuge constate qu’un modèle vectoriel auto-régressif (VAR) simple est acceptable pour expliquer et prévoir la dynamique du crédit en France pour des horizons allant de 1 à 4 trimestres. En outre, il analyse le pouvoir prédictif marginal d’un large éventail de plus de 40 variables, tels que les indicateurs de l’enquête sur la distribution du crédit (bank lending survey – BLS), des prix d’actifs, des spreads de taux d’intérêt, des indicateurs de risque, des ratios de bilans bancaires, des variables liées à  la politique économique, etc. Il évalue si ces variables permettent d’améliorer la précision des prévisions issues d’un modèle VAR.

Le taux de croissance de l’indice CAC40 est un indicateur avancé de l’évolution du crédit bancaire

Grégory Levieuge constate que le taux de croissance de l’indice CAC40 est un des meilleurs indicateurs avancés de l’évolution du crédit bancaire. Cela peut se justifier sur le plan théorique. D’après la littérature sur l’accélérateur financier, les prix des actions représentent, du point de vue des flux de trésorerie futurs, une approximation de la qualité des bilans des emprunteurs. Plus le prix des actions est bas, plus la prime de financement externe que les entreprises doivent supporter est élevée et, donc, plus leur capacité d’emprunt est faible. En outre, les variations des prix des actions touchent aussi bien l’actif que le passif des bilans bancaires. D’après la théorie du canal du capital bancaire, la baisse des prix des actifs déprécie la valeur des portefeuilles de titres des banques et réduit les dividendes non distribués. La diminution des fonds propres qui en résulte amène les banques à durcir les conditions de distribution des crédits et/ou à réduire l’offre de crédit.

Ces théories décrivent des mécanismes non linéaires. Grégory Levieuge a donc construit et estimé un modèle à changement de régime pour la dynamique du crédit, qui dépend de la variation des prix des actions. Les résultats empiriques confirment que le taux de croissance du CAC40 constitue une variable seuil significative pour expliquer les changements de régime dans la dynamique du crédit. Toutefois, du point de vue du pouvoir prédictif, ces modèles non linéaires ne sont pas significativement meilleurs que les modèles linéaires. En effet, il leur est difficile de prévoir le bon régime (c’est-à-dire de prévoir la variable seuil). Or, en cas d’erreur dans la prévision du régime, les erreurs de prévision peuvent être très importantes.

L’hypothèse non linéaire, au demeurant prometteuse, devrait faire l’objet de recherches plus approfondies permettant d’identifier d’autres variables seuils et/ou d’imaginer un autre modèle spécifiquement conçu pour prévoir les changements de régime.

G. Levieuge (2017). “Explaining and forecasting bank loans. Good times and crisis”, Applied Economics, Vol. 49, Issue 8 Pages 823-843

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Document de travail n°566 : Expliquer et prévoir les crédits bancaires en période de croissance et de crise (en anglais)
  • Publié le 31/08/2015
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Mis à jour le : 12/06/2018 10:55