Document de travail n°891 : Prédictibilité des rendements boursiers : une comparaison des approches micros et macros

La théorie économique identifie deux sources de prédictibilité: la variation dans le temps des rendements anticipés, la prédictibilité-bêta, ou les inefficiences de marché, la prédictibilité-alpha. Pour cette dernière, Samuelson avançait l'idée que les rendements macros étaient plus inefficients que les rendements micros. En effet, si les facteurs efficients affectant les rendements micros de manière idiosyncratique ne se transposent pas au niveau indiciel en raison de processus de diversification, alors les rendements macros sont essentiellement influencés par des inefficiences de marché. Pour évaluer cette hypothèse, nous comparons les prédictibilités micros et macros sur données américaines afin d'identifier si, effectivement, la prédictibilité micro s'avère moins présente que la prédictibilité macro. De plus, nous reprenons la méthodologie de Rapach et al. (2011) en l'étendant à un cadre non-constant dans le temps afin de dénouer, au cours du temps, les deux sources de prédictibilité. Pour ce qui est des résultats, nous montrons que notre interprétation de l'intuition de Samuelson n'est pas valide puisque la prédictibilité micro n'est pas plus faible que la prédictibilité macro. Toutefois, nous montrons également que des phénomènes de diversification sont bien à l'œuvre dans la mesure où l'agrégation des séries de prédictibilité micro au cours du temps donne un indice qui est très proche de notre série de prédictibilité macro. Deuxièmement, nous montrons que nos estimations des prédictibilités-alpha et -bêta sont cohérentes avec leurs implications théoriques (la prédictibilité-alpha étant élevée en périodes de marchés haussiers et la prédictibilité-bêta lors de récessions). Cela suggère notamment que les deux phénomènes jouent un rôle dans notre base de données.

Les rendements macros des actions sont-ils plus faciles à prévoir que ceux au niveau micro ? En d'autres termes, peut-on prévoir avec plus de précision les futurs rendements au niveau indiciel par rapport au niveau individuel ou sectoriel (surtout si l'on considère le faible niveau de prédictibilité généralement constaté dans la littérature) ?
Pour guider notre analyse, Samuelson (Jung et Shiller, 2005) avait l'intuition que les rendements macros présentaient plus d'inefficiences que les rendements micros. Son raisonnement était que les composantes individuelles efficientes du prix des actions (par exemple liées à la rentabilité future des entreprises) ne se transposaient pas au niveau agrégé en raison de processus de diversification, ne laissant que des inefficiences macros au niveau indiciel. Par conséquent, si la prédictibilité des rendements découle des inefficiences de marché, par exemple de bulles spéculatives ou de frictions financières, nous devrions observer une prédictibilité plus élevée au niveau macroéconomique qu'au niveau microéconomique.
Cependant, il existe également plusieurs interprétations de la prédictibilité des rendements. Un niveau élevé de prédictibilité peut en effet refléter des inefficiences du marché (ce que l'on appelle la "prédictibilité alpha"), mais il peut aussi refléter les variations dans le temps de l'aversion au risque au niveau global ("prédictibilité bêta"). Plus précisément, Cochrane (2008) soutient que, lorsque l'aversion au risque des investisseurs varie dans le temps, leurs anticipations de rendement varient également. La prise en compte de la variation temporelle des anticipations de rendement le long du cycle économique peut donc générer de la prédictibilité des rendements même en l'absence d'inefficiences de marché. Par conséquent, la prédictibilité alpha devrait être particulièrement présente en période de fortes inefficiences de marché (par exemple lors d'épisodes spéculatifs), tandis que différents articles empiriques ont souligné que la prédictibilité bêta devrait être surtout perceptible lors des récessions économiques (Henkel et al., 2011, Dangl et Halling, 2012).

Pour évaluer ces différentes hypothèses, nous comparons, au cours du temps, la prédictibilité macro et la prédictibilité micro sur données américaines afin de déterminer si la première s'avère supérieure à la seconde. En outre, nous étendons dans le temps la méthodologie de Rapach et al. (2011) pour distinguer les deux sources de prédictibilité susmentionnées. Nous constatons tout d'abord, comme l'indique le graphique ci-dessous, que « l’intuition » de Samuelson semble incorrect, puisque la prédictibilité micro (en bleu) n'est pas structurellement inférieure à la prédictibilité macro (en rouge). Deuxièmement, nous constatons que nos indices alpha et bêta, qui sont censés refléter les deux sources de prédictibilité, sont cohérents avec leurs implications théoriques correspondantes (la prédictibilité alpha étant élevée en période de marchés haussiers, et la prédictibilité bêta en période récessive), ce qui suggère que les deux mécanismes jouent un rôle dans notre échantillon. Enfin, d'un point de vue institutionnel, l'indice de prédictibilité alpha peut être une métrique utile dans la boîte à outils de la stabilité financière pour repérer les périodes d'exubérance irrationnelle sur les marchés.
 

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Document de travail n°891 : Prédictibilité des rendements boursiers : une comparaison des approches micros et macros
  • Publié le 10/11/2022
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Mis à jour le : 10/11/2022 14:46