Nous étudions le rôle de la sous-évaluation des monnaies africaines dans les poussées d'exportations de certains produits primaires et manufacturés. Nous calculons les désalignements spécifiques aux pays et aux produits sur la base du principe de parité de pouvoir d'achat absolu ajusté pour le niveau de productivité. En utilisant un panel de 41 pays africains et un panier de 149 produits primaires et manufacturés exportés (code HS à 4 chiffres), nous identifions 96 poussées d'exportation sur la période 1995-2017. Le modèle cloglog, plus approprié pour traiter des événements rares, met en évidence la sous-évaluation comme un déterminant significatif pour déclencher et maintenir une poussée d’exportations. Cet effet est contrôlé pour les covariables pertinentes. Les résultats s'avèrent robustes aux calculs alternatifs des poussées d'exportation et aux différents estimateurs utilisés dans les analyses de régression.
La croissance des exportations a été un facteur clé du développement durable pour de nombreux pays émergents et en développement, notamment en Asie du Sud et de l'Est. Ces effets à long terme dépendent de la croissance d'un secteur d'exportation et d'un portefeuille de produits solides, qui assurent une intégration réussie dans le commerce international. La croissance des exportations peut elle-même entraîner une spécialisation économique et des changements structurels dans les secteurs non exportateurs, avec des effets de rétroaction indirects et sectoriels favorisant l'émergence économique. Question clé dans les stratégies de croissance tirée par les exportations, la compétitivité est un objectif à multiples facettes, qui reflète à la fois l’efficacité productive spécifique au produit, les choix de prix et des composantes structurelles plus larges, telles que le climat des affaires ou la qualité de la gestion macroéconomique.
Pour les petites économies ouvertes d'Afrique, la compétitivité représente un défi majeur dans la mesure où, dans ces pays, la combinaison d’entreprises moins performantes, d'une concurrence imparfaite ou de faiblesses logistiques ou dans le marché du travail, peut remettre en cause la capacité d'exportation. Les pays africains dépendent également des biens intermédiaires jusqu'à 60 % de la valeur des exportations et peuvent être soumis à des coûts de transaction élevés. Dans les pays à faible revenu dont les infrastructures de transport et de logistique sont plus faibles et moins compétitives, ces coûts peuvent atteindre 15 à 20 % du coût d'un conteneur importé. L'alignement des coûts de production sur ceux des concurrents étrangers est enfin primordial pour les pays dont la capacité à influencer les prix sur les marchés internationaux de produits primaires ou manufacturés est dans la plupart des cas limitée.
La littérature récente a montré que la sous-évaluation du taux de change est un moteur de la performance économique, soit au niveau agrégé pour l'accélération du PIB, soit au niveau sectoriel pour les exportations. Dans ce contexte, une question importante concerne les déterminants des « poussées » d’exportations, c'est-à-dire les épisodes au cours desquels les exportations d'un pays africain donné ont dépassé les tendances passées et se sont traduites par des gains de parts du marché mondial. À notre connaissance, la recherche sur la relation entre les poussées d'exportation et le désalignement du taux de change par produit n'a pas été explorée jusqu'à présent. Ces poussées d'exportations peuvent être particulièrement importantes pour la croissance globale des exportations et du PIB, si elles se maintiennent dans le temps. Elles sont plus susceptibles d'entraîner des changements structurels que des performances d'exportation temporaires liées à des variations de parts de marché dues au cycle économique ou à des changements de prix sur les marchés internationaux.
Alors que la recherche empirique a déjà mis en évidence la relation entre la croissance des exportations et les désalignements des taux de change, nous nous concentrons sur la façon dont ce déterminant particulier de la compétitivité des produits peut affecter les poussées d'exportation et si ces effets sont durables au-delà de la phase de décollage. À l'aide d'un panel de 41 pays africains et d'un panier de 149 produits primaires et manufacturés exportés (code SH à 4 chiffres), nous identifions 96 épisodes de poussée des exportations avec une période de 7 ans sur la période 1995-2017. L'analyse empirique est basée sur le modèle log-log complémentaire (cloglog) pour une variable dépendante binaire. Il se distingue des modèles logit et probit par sa transformation non symétrique permettant un traitement approprié des événements rares. Nos résultats montrent que la sous-évaluation du taux de change peut être un déterminant influent de déclenchement et de maintien des poussées d'exportation en Afrique
Mis à jour le : 12/07/2022 10:27