Document de travail n°789 : Une réduction des exigences de fonds propres des banques comme outil politique pour soutenir le crédit aux PME

Depuis 2014, avec la mise en œuvre de la directive de la Commission européenne sur les fonds propres, les banques européennes bénéficient d'une réduction de 25 % (Facteur de Soutien ou "FS" ci-après) de leurs exigences en fonds propres associées aux prêts aux petites et moyennes entreprises ("PME" ci-après). Nous vérifions empiriquement si cette réduction a soutenu le financement des PME et dans quelle mesure elle est cohérente avec le risque de crédit des PME. Les estimations de capital économique basées sur des modèles multifactoriels confirment que les exigences de fonds propres doivent être moins élevées pour les PME. En considérant l'incertitude entourant ces estimations et en adoptant une approche conservatrice, nous montrons que le niveau du FS est cohérent avec la différence de capital économique entre les PME et les grandes entreprises. Quant à l'impact sur la distribution du crédit, notre spécification en différence-de-différences nous permet de d’établir un impact positif et significatif du FS sur l'offre de crédit.

Si les petites et moyennes entreprises constituent un moteur essentiel de la croissance en Europe, elles dépendent largement du crédit bancaire pour leur financement externe et sont plus susceptibles de rencontrer des problèmes de financement bancaire que les grandes entreprises. Or, dans un contexte de renforcement de la réglementation bancaire et d’augmentation des exigences de fonds propres ("EFP" ci-après) des banques, les décisions d’octroi de prêt des banques sont également devenues plus sensibles au cadre réglementaire. Ainsi, en 2014, la transposition des règles de Bâle III dans le droit européen a introduit une réduction de 24% des EFP pour les expositions sur les PME, appelée facteur de soutien ("FS" ci-après). Ce nouvel outil réglementaire suppose qu’une telle réduction des EFP devrait permettre de stimuler l’offre de crédit à ces entreprises. Néanmoins, une condition nécessaire pour que le FS soit considéré comme efficace d’un point de vue réglementaire est que les EFP soient cohérentes avec le risque de crédit sous-jacent des PME.

La première partie de cet article est donc dédiée à la cohérence de cette réforme concernant le risque intrinsèque des PME, évaluée par le calcul des EFP économiques des banques en adaptant la formule du cadre structurel du risque de crédit de Bâle II/III qui ne reconnait qu’un facteur de risque unique (ASRF) à un cadre multifactoriel qui considère plusieurs facteurs de risque, en fonction de la taille de l’entreprise. Les résultats relatifs au calcul des EFP économiques sur la base de ce cadre multifactoriel et sa comparaison avec les EFP réglementaires de Bâle III indiquent que les EFP devraient être plus faibles pour les PME que pour les grandes entreprises. D’une part, les plus grandes entreprises sont les plus exposées au risque systématique, donc aux conditions économiques générales, même si leurs taux de défaut sont faibles. D’autre part, les résultats confirment le potentiel de diversification offert par la présence d’expositions sur les PME dans le portefeuille total des prêts bancaires. Alors que les classes de moyennes et grandes entreprises sont fortement corrélées entre elles, les corrélations sont négatives ou très faibles entre les classes des petites et moyennes/grandes entreprises. Plus spécifiquement, après avoir pris en compte l’incertitude entourant ces estimations et adopté une approche conservatrice, l’amplitude de la réduction des EFP induite par le FS est effectivement cohérente avec la différence d’EFP économiques entre les PME et les grandes entreprises.

La seconde partie de l’article est consacrée à l’évaluation de l’efficacité de la réforme sur l’offre de crédit aux PME, estimée par la méthode des différence de différences. Nous exploitons une condition d’éligibilité au FS pour définir un groupe de traitement composé des expositions éligibles de paires de banque-PME dont l’encours total est inférieur à 1,5 million d’euros et un groupe de contrôle composé des expositions (inéligibles) des autres paires de banque-PME. Nos résultats révèlent que les expositions éligibles ont augmenté de 5 à 10% en moyenne par rapport aux expositions non éligibles après la mise en œuvre du FS (par rapport à avant la réforme). Nous constatons également que l’ampleur de l’effet du FS a augmenté avec le temps pour atteindre une amplitude de 8 à 10% deux ans après son entrée en vigueur. Concernant l’hétérogénéité de l’impact, l’effet du FS semble beaucoup plus important sur les expositions éligibles des petites entreprises et, plus particulièrement des micro-entreprises, sur les expositions des PME sans notation de crédit, ainsi que sur les expositions éligibles classées de petite taille. En effet, étant donné que l’encours total de prêts est soumis à la réduction du FS, mais détermine aussi l’éligibilité au FS, les banques peuvent être incitées à limiter la croissance des expositions qui se situent à proximité du seuil d’éligibilité

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Document de travail n°789 : Une réduction des exigences de fonds propres des banques comme outil politique pour soutenir le crédit aux PME
  • Publié le 14/12/2020
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Mis à jour le : 15/12/2020 18:11