Sur la base d’un panel de 126 pays à revenu faible ou intermédiaire sur 1960-2017, nous trouvons que des écarts de température positifs et durables par rapport à leur norme historique ont un effet négatif non linéaire sur la croissance économique et par habitant. Dans le pays médian, une augmentation soutenue de la température de 1°C réduit la croissance annuelle du PIB réel par habitant de 0,74 à 1,52 point de pourcentage. Nous constatons aussi que la montée des températures affecte l'arbitrage intertemporel des ménages entre consommation et investissement, la part de la consommation privée dans la valeur ajoutée totale augmentant au détriment de l'investissement. Une décomposition sectorielle montre que la part de la valeur ajoutée industrielle diminue également. Alors que la part de la valeur ajoutée agricole augmente, la production et la productivité agricoles diminuent. Dans l'ensemble, nos résultats suggèrent que le réchauffement climatique constitue un piège à pauvreté, compliquant l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement, particulièrement dans les pays aux niveaux de revenus les plus faibles en raison de leur faible résilience et de leur forte vulnérabilité socioéconomique.
Le changement climatique est l'un des grands défis de notre époque au niveau mondial. Ses répercussions environnementales et socio-économiques sont croissantes et pèsent lourdement sur l'agenda international actuel et sur l'élaboration des politiques publiques nationales. Ses effets peuvent toutefois varier considérablement en fonction du niveau de développement économique, les pays à revenu faible ou intermédiaire supportant un coût disproportionné car ils sont touchés par un rythme plus rapide du changement climatique, et notamment par la hausse des températures, malgré leur contribution marginale aux flux et surtout au stock de gaz à effet de serre émis. Ils doivent donc faire des efforts d’adaptation importants tout en contribuant à l’atténuation. Cela peut impliquer des priorités différentes entre les politiques d'atténuation et d'adaptation, notamment en mettant en œuvre des politiques qui favorisent une croissance économique rapide. Il s'agit en effet à la fois d'assurer la convergence économique avec les pays développés et de contribuer à la réalisation des objectifs du développement durable. Ces dilemmes politiques et le risque d'échec de l'action collective en découlant ont été reconnus par l'Accord de Paris sur le climat de 2015, qui prévoit des engagements de transfert annuel des économies avancées vers les pays en développement à hauteur de 100 milliards de dollars US.
La littérature récente, en plein essor, qui relie les températures et les précipitations à la croissance de la production indique déjà un effet négatif sur la croissance économique dans la grande majorité des pays développés et en développement (Dell et al., 2012, 2014, Acevedo et al., 2020, Kahn et al., 2019), avec de possibles effets non linéaires d’accélération et cumulatifs (Burke et al., 2015b). En raison des caractéristiques distinctes des pays à revenu faible et intermédiaire (croissance démographique plus élevée, niveaux de développement et de résilience plus faibles, qualité institutionnelle moindre), l'impact du climat sur la croissance économique (ou sur le développement, en considérant le PIB par habitant) peut toutefois différer sensiblement de ce qui est observé dans les pays à revenu élevé, tant en termes de portée que de mécanismes de transmission.
À l'aide de données de panel couvrant 126 pays à revenu faible et intermédiaire sur la période 1960-2017, nous constatons que des écarts de température positifs et durables par rapport à leurs normes historiques ont un effet négatif sur la croissance économique et la croissance du PIB par habitant, et que cet effet est non linéaire et tend ainsi à s’accélérer avec la hausse des températures. Une augmentation prolongée de la température de 1°C fait baisser la croissance annuelle du PIB réel par habitant de 0,74 à 1,52 point de pourcentage, quel que soit le niveau de développement.
Nous constatons également que le réchauffement climatique augmente la part relative de la consommation privée au détriment de celle de l'investissement, reflétant potentiellement des contraintes de subsistance plus strictes dans un contexte de baisse de la production et de la croissance potentielle, conduisant à accroitre les retards en termes de développement. La part de la valeur ajoutée agricole dans le PIB augmente au détriment de la valeur ajoutée industrielle, malgré une baisse du rythme de la production agricole, ce qui conduit à un renforcement potentiel du "problème alimentaire" : les pays à faible revenu doivent consacrer une part plus importante de leurs ressources à la production alimentaire afin de répondre à leurs besoins de subsistance. La décomposition du PIB par secteurs et par composantes de la demande indique une évolution vers des gains à court terme au détriment de la diversification économique et de la prospérité future.
Le réchauffement climatique constitue un piège à pauvreté qui menace les gains de niveau de vie, en particulier depuis le début du 21e siècle. Il contraint à des efforts encore plus grands en termes d'adaptation au changement climatique dans les pays en développement, particulièrement dans les pays aux niveaux de revenus les plus faibles en raison de leur faible résilience et de leur forte vulnérabilité socioéconomique.
Mis à jour le : 15/07/2021 09:25