Document de travail n°707 : Effet de l’héritage sur le départ à la retraite : hétérogénéité et aversion au risque

Nous analysons l'effet d’une hausse de la richesse privée sur le départ en retraite en exploitant la réception d'un héritage comme un choc de patrimoine. Nous trouvons qu’entre 55 et 65 ans les chances de sortie du marché du travail sont environ 40 % plus élevées chez les personnes qui héritent à un âge donné que chez celles qui hériteront au cours des années suivantes, ce qui correspond à un impact important du patrimoine privé sur les décisions de départ en retraite (Graphique 1).

Nous montrons également que cet effet présente une forte hétérogénéité entre les groupes sociodémographiques. L'effet de la réception de l'héritage sur le départ en retraite est plus marqué chez les personnes peu scolarisées, chez celles qui ne sont ni cadres ni dirigeants d’entreprise, et chez les travailleurs à temps partiel. Ceci laisse supposer des effets plus marqués chez les personnes dont les transitions vers le non-emploi seraient plus fréquentes. Pour les personnes vivant en couple, les effets ne sont significatifs que pour celles dont le conjoint est déjà retraité, ce qui correspond à l'existence de complémentarités des temps de loisirs entre conjoints. Nous étudions également comment l'effet de la réception de l'héritage sur les décisions de départ en retraite varie en fonction des droits à pension des individus. Comme dans de nombreux pays, les retraites publiques constituent l'essentiel des ressources financières des retraités en France, leur assurant en moyenne 75 % de leur revenu préretraite. Une question importante est de savoir si l'effet de la réception de l'héritage sur les taux de retraite est concentré sur les individus qui peuvent déjà encaisser leur pension complète, ou au contraire si le patrimoine privé peut servir de substitut à un patrimoine de retraite inférieur. Nous trouvons que l'effet de la réception de l'héritage sur le départ en retraite l’année de réception s’avère plus fort pour les personnes qui ne peuvent pas encore débloquer leur pension. Nous constatons également des effets importants et significatifs chez les personnes qui héritent alors qu’elles n'ont pas encore travaillé assez longtemps pour avoir droit à la totalité de leur pension. Ceci suggère que la réception d'un héritage augmente les taux de départ en retraite, y compris pour les personnes dont la sortie du marché du travail est coûteuse.

Enfin, nous interprétons nos résultats à l'aide d'un modèle simple de choix de retraite dans lequel les agents qui ont une aversion pour le risque reçoivent un héritage, mais qui ne savent pas précisément quand et combien ils hériteront. Ce modèle nous permet d'explorer les rôles respectifs de l'aversion au risque et des contraintes de crédit dans l'explication de nos résultats. Nous montrons que, lorsque les agents ont une aversion pour le risque, ou sont contraints dans leur accès au crédit, ils avancent la date de leur départ en retraite après avoir reçu un héritage, même lorsqu'ils reçoivent exactement le montant qu'ils attendaient. Nous montrons que cet effet peut être d'autant plus important que les individus ont une aversion pour le risque prononcée, mais que cela dépend du caractère contraignant ou non des contraintes de crédit. En utilisant plusieurs mesures de l’aversion au risque, nous sommes en mesure de confronter ce modèle aux données. Conformément aux prévisions du modèle, nous constatons que la probabilité de quitter la population active dès la réception d'un héritage augmente avec l'aversion au risque des individus. Ceci est cohérent avec l'idée que la perception du risque lié au système de retraite peut jouer un rôle important sur l'âge de départ en retraite.