La Chine émet un tiers du CO2 de la planète. Bien que les émissions par personne y restent inférieures à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la question de la transition énergétique y est cruciale pour les enjeux climatiques à l’échelle mondiale. Elle l’est également pour la soutenabilité du modèle économique chinois, parmi les plus exposés aux risques physiques du changement climatique.
Les autorités chinoises se sont formellement engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, et ont clairement initié cette transition. Cependant, l’objectif de neutralité carbone ne pourra être atteint qu’avec des politiques et des moyens bien plus ambitieux que ceux annoncés.
La Chine pourrait transformer le défi climatique en opportunité, en fournissant des capacités de production d’énergie renouvelable pour lesquelles elle est aujourd’hui bien positionnée, trouvant ainsi de nouveaux relais de croissance. Mais là encore, les défis seront nombreux.
Depuis le début des réformes économiques en 1978, la Chine a connu une phase de développement et de forte croissance. Entre 2001 et 2021, sa population a progressé d’environ 200 millions d’habitants, et son PIB a été multiplié par près de 15. Ce développement rapide a reposé en grande partie sur un niveau exceptionnellement élevé d’investissements, qui ont représenté en moyenne 41 % du PIB sur la période. Cette part est deux fois plus élevée qu’en Union européenne ou aux États‑Unis, notamment dans la construction et l’industrie manufacturière. La forte allocation aux secteurs d’activité les plus consommateurs d’énergie, associée à un appareil industriel moins efficient que dans les pays développés, s’est traduite par une forte intensité énergétique de la croissance économique. Dans ce contexte de croissance soutenue, plutôt extensive, et d’intensité énergétique élevée du PIB, la consommation d’énergie de la Chine a considérablement progressé au cours des deux dernières décennies (cf. graphique 1).
L’impact sur les émissions de gaz à effet de serre s’évalue au regard de la source d’énergie utilisée. Or, face à cette demande, le mix énergétique de la Chine a été, et reste, très fortement dépendant du charbon (55% du total en 2021 – cf. graphique 2 – contre 11 % par exemple aux États‑Unis). La production de charbon a atteint un pic historique en 2022 à plus de 4,5 milliards de tonnes, multipliée par 4,5 depuis le début du siècle. L’extraction du charbon est donc, malgré les préoccupations liées à la qualité de l’air et les engagements de décarbonation, une activité dynamique qui continue de nourrir un écosystème industriel, concentré dans le nord‑est du pays et similaire à ceux des régions charbonnières des pays européens pendant le décollage industriel. La gestion du déclin du charbon sera d’autant plus complexe que l’idéologie productiviste du régime a, depuis les années 80, été associée à cet écosystème industriel et que l’indépendance énergétique plaide pour le maintien du charbon. Ainsi, les énergies non carbonées sont en progression dans le mix énergétique, mais restent minoritaires (16 % des sources d’énergie en 2021). Du fait de ce mix très carboné, associé à une forte intensité énergétique de la croissance, la Chine émet trois fois plus de CO2 pour chaque unité de PIB produite que les États‑Unis (et plus de six fois plus que la France).
Mis à jour le : 19/06/2023 10:00