Nous évaluons les retombées internationales de la politique monétaire des Etats-Unis à l'aide d'un GVAR qui modélise l'économie mondiale comme un réseau de pays interdépendants. Un choc expansionniste de la politique monétaire américaine contribue à l'émergence d'un cycle financier mondial, qui stimule l'activité macroéconomique mondiale. Nous constatons également que les économies à régime de changes flottants ne sont pas entièrement à l'abri des chocs de politique monétaire aux États-Unis et que, même si elles semblent relativement moins touchées par ces chocs, les différences de réaction entre les régimes de changes ne sont pas statistiquement significatives. Le rôle de la politique monétaire américaine dans ces retombées macrofinancières est encore renforcé par le réseau complexe d'interactions entre les pays, à tel point que les effets de réseau doublent à peu près les effets directs des surprises de la politique monétaire américaine sur les cours des actions internationales, les flux de capitaux et la croissance mondiale.
La littérature a toujours insisté sur le fait que les économies dotées d'un régime de changes flottants sont plus isolées que celles dont la politique monétaire est contrainte par l'arrimage de leur taux de change à une monnaie de référence. Cela reflète le trilemme mondial classique selon lequel un pays ne peut atteindre que deux des trois objectifs suivants : stabilité du taux de change, libre circulation des capitaux et politique monétaire indépendante. Le trilemme a récemment été remis en question, car un choc de politique monétaire américain déclenche un comovement extraordinairement élevé des variables financières internationales - un cycle financier mondial - qui affecte les conditions monétaires de toute économie indépendamment de son régime de change.
Le présent document vise à quantifier les effets des chocs de politique monétaire des États-Unis sur le reste du monde. En particulier, il mesure dans quelle mesure le rôle de la politique monétaire américaine dans la conduite du cycle financier mondial est amplifié par le réseau complexe d'interactions entre pays qui se forment dans une économie mondiale hautement intégrée. Nous abordons cette question en évaluant les retombées internationales de la politique monétaire américaine à l'aide de l’estimation d'un Global VAR (GVAR), un cadre empirique multipays qui modélise l'économie mondiale comme un réseau de pays interdépendants qui représentent au total plus de 90% du PIB mondial. Chaque économie du GVAR est représentée par un modèle VAR qui comprend à la fois des variables nationales et des variables externes propres à chaque économie, ces dernières étant censées refléter l'importance relative des autres pays dans l'économie donnée. En tenant compte de l'hétérogénéité entre les économies, nous pouvons obtenir la distribution complète des effets de retombées propres à chaque pays plutôt qu'un point unique pour l'agrégat.
Le modèle permet d'examiner si les effets des chocs de politique monétaire aux États-Unis sont amplifiés par le réseau complexe d'interactions entre les pays tiers, ainsi que par les effets de retour en provenance des pays du reste du monde vers les États-Unis. Nous identifions les chocs de politique monétaire aux États-Unis à l'aide de restrictions de signes théoriques sur certaines réponses de variables américaines, tout en laissant libres les réponses de toutes les variables dans le reste des pays afin de permettre une stratégie d'identification agnostique quant à l'ampleur et au signe des retombées internationales. Nous considérons explicitement les mesures de politique monétaire conventionnelles et non conventionnelles afin de brosser un tableau complet des mesures de politique monétaire prises par les États-Unis.
Nous montrons que les surprises inattendues et expansionnistes de la politique monétaire américaine contribuent à l'émergence d'un cycle financier mondial qui stimule l'activité macroéconomique à l'échelle mondiale, que l'assouplissement monétaire soit obtenu par une baisse classique du taux directeur ou par une compression de l'écart de rendement. Il est important de noter que les retombées macrofinancières sont significatives tant d’un point de vue économique que statistique, même dans les économies à régime de changes flottants, et le fait d'avoir un taux de change flottant ne constitue qu'une isolation partielle aux chocs étrangers.
Nos résultats sont conformes à l'idée que les changements de politique monétaire de l'économie hégémonique, les États-Unis, génèrent une synchronisation mondiale des variables financières qui touche tous les pays. Nous montrons aussi, et c'est important, que le rôle de la politique monétaire américaine dans ces retombées macrofinancières est encore renforcé par les effets de réseau, qui doublent à peu près l'impact direct des surprises de la politique monétaire américaine sur les cours des actions internationales, les flux de capitaux et la croissance mondiale. Nous documentons également que cette amplification augmente à mesure que le degré d’intégration internationale des pays augmente avec le temps, ce qui donne à penser que l'évolution du réseau est un facteur important du rôle croissant de la politique monétaire américaine dans la formation du cycle financier mondial.
Mis à jour le : 17/12/2019 17:30