L’entrée de la zone euro en régime de taux d’intérêt durablement bas au cours de la décennie 2008-2019 a affecté les comptes des intermédiaires financiers. En effet, les mesures de politique monétaire ont soutenu la demande de crédit et se sont traduites par une augmentation de la taille de bilan, aussi bien des banques commerciales que de la Banque de France. L’augmentation du volume des crédits ne compense toutefois pas la baisse des taux d’intérêt, ces deux évolutions en sens inverse conduisant à une compression des marges. L’intermédiation bancaire est ainsi devenue moins rémunératrice et le secteur bancaire crée moins de valeur ajoutée aujourd’hui. Mais le tassement des marges d’intermédiation ne s’est pas reflété dans le résultat net comptable du secteur bancaire, stable sur la période 2015-2019, en raison notamment des effets de la baisse des provisions et de la revalorisation des actifs à laquelle a contribué la politique monétaire très accommodante.
La baisse du taux d’intérêt naturel
Le mandat confié par les gouvernements européens à l’Eurosystème (cf. définitions en annexe 1) lui assigne comme objectif principal la stabilité des prix, entendue comme un niveau d’inflation à moyen terme inférieur à, mais proche de 2 % dans l’ensemble de la zone euro. Afin d’atteindre son objectif d’inflation, l’Eurosystème veille au maintien de conditions financières favorables, ce qui peut amener la banque centrale à maintenir ses taux directeurs à des niveaux durablement bas. Pour comprendre l’origine de la faiblesse des taux d’intérêt réels, il faut toutefois passer par le concept de taux d’intérêt naturel ou « neutre » : c’est le taux d’intérêt réel qui équilibrerait l’épargne et l’investissement dans un environnement de plein emploi et de stabilité des prix. Or, les différentes estimations des taux naturels montrent qu’ils ont régulièrement baissé depuis les années 1980 dans le monde entier, pour atteindre aujourd’hui un niveau historiquement bas. Sur le long terme, la dynamique du taux naturel suit celle de facteurs structurels tels que la croissance de la population active ou encore l’évolution de la productivité globale des facteurs. Ces facteurs ne résultent pas des actions des banques centrales, mais affectent la conduite de la politique monétaire. En effet, un taux naturel bas limite la capacité des banques centrales à baisser encore plus bas leurs taux directeurs. C’est pourquoi les autorités monétaires sont intervenues à la suite de la crise de 2008 et du ralentissement de l’économie réelle en utilisant à la fois les taux directeurs et des outils non conventionnels de politique monétaire (cf. annexe 2).
Forte baisse des taux directeurs et fort excédent de liquidité
Le taux des opérations principales de refinancement des banques est passé de 4,25 % à l’été 2008 à 1 % en mai 2009, puis à 0 % en 2016, niveau auquel il se situe toujours aujourd’hui. Le taux d’intérêt de la facilité de dépôt, qui rémunère les réserves des banques en banque centrale, baisse en parallèle pour devenir négatif depuis juin 2014 et s’établir à – 0,5% dès janvier 2019. Les taux de long terme sont également plus bas : alors que le taux des swaps sur Eonia (Euro OverNight Index Average, ou moyenne des taux d’intérêt des prêts interbancaires au jour le jour) à 10 ans était supérieur à 4,5 % à l’été 2008, il est légèrement négatif en janvier 2020. Les taux d’intérêt de court terme et les taux d’intérêt de long terme ont donc baissé de concert (cf. graphique 1).
Mis à jour le : 18/12/2020 15:11