Depuis 2012, plusieurs banques centrales en Europe et la Banque du Japon ont introduit des taux d'intérêt directeurs négatifs. L'efficacité d'une telle politique dépend notamment de sa répercussion sur les taux débiteurs et créditeurs. Cependant, il semble que la transmission des taux d'intérêt négatifs aux taux de dépôt ne soit pas parfaite en raison de leur rigidité à la baisse. Au moins deux raisons peuvent expliquer la réticence des banques à introduire un taux de dépôt négatif : (i) certaines contraintes juridiques et (ii) la crainte d'une « fuite des dépôts ». Par conséquent, les politiques de taux d'intérêt négatifs pourraient affecter négativement la rentabilité des banques en comprimant les marges d'intérêt nettes en raison de la limite inférieure des taux de dépôt.
Afin de préserver leur rentabilité et de compenser la baisse des marges nettes d'intérêts, les banques commerciales sont confrontées à différentes options : (i) favoriser l'offre de crédit pour atténuer la baisse des marges avec une augmentation des volumes, (ii) réorienter leurs revenus des produits d'intérêts vers d’autres sources de revenu (telles que les frais et commissions), (iii) réduire leurs coûts d'exploitation (tels que les salaires), en se concentrant davantage sur la banque en ligne par exemple, ou (iv) réduire le taux d'intérêt payé sur les comptes de dépôts des entreprises.
L'analyse s'appuie sur des données annuelles pour 3637 banques dans 59 pays entre 2011 et 2018. Notre identification repose sur la comparaison entre les banques des 25 pays qui ont adopté des taux d'intérêt négatifs et celles des autres pays qui ne l'ont pas fait. Nous constatons que les taux d'intérêt négatifs réduisent le revenu net d'intérêt des banques d'environ 0,2 point de pourcentage. Nos résultats confirment l'existence d'une borne inférieure sur le taux d'intérêt des dépôts : les banques situées dans les pays qui ont adopté des taux négatifs sont réticentes à appliquer un taux d'intérêt négatif sur les dépôts. Nous constatons également que les banques augmentent leurs revenus hors intérêts pour compenser les effets des taux d'intérêt négatifs sur leurs revenus d'intérêts. Nos résultats indiquent que l'augmentation des revenus hors intérêts nets des banques est liée à une réduction de ces dépenses hors intérêts plutôt qu'à une augmentation des frais et commissions. Nous constatons une réduction de 0.1 point de pourcentage des dépenses de personnel suite à la mise en œuvre des taux d’intérêts négatifs.