Document de travail n°720 : Les salaires minima rendent-ils les salaires plus rigides? Résultats à partir de salaires individuels en France

Les salaires minima (SMIC et minima de branche) affectent-ils la dynamique agrégée des salaires dont les changements individuels sont irréguliers ? Dans cette étude, nous documentons de nouveaux résultats empiriques sur les effets des salaires minima sur la rigidité des salaires. Pour cela, nous utilisons des données individuelles de salaire appariées avec les salaires minima de branche. Un modèle micro économétrique de rigidité des salaires est estimé prenant en compte la dynamique des salaires minima, nous utilisons ensuite des simulations pour dériver les implications macroéconomiques de la rigidité nominale au niveau individuel. Nos principales conclusions sont les suivantes. Les salaires minima (SMIC ou minima de branche) ont un impact sur le calendrier et l'ampleur des relèvements salariaux. Au niveau agrégé, les salaires minima contribuent à amplifier, par un facteur de 1,7, la réponse des salaires à l'inflation passée. Ignorer les salaires minima conduit à sous-estimer la vitesse de l'ajustement des salaires agrégés d'environ un an. Les élasticités des salaires par rapport à l'inflation passée, au SMIC et aux minima de branche sont respectivement de 0,42, 0,17 et 0,16. Enfin, une hausse du SMIC se diffuse aux salaires plus élevés via les minima de branche.

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Dans les modèles macroéconomiques standard, la rigidité des salaires est l'un des principaux ingrédients qui génèrent des fluctuations de l'emploi ou des effets réels de la politique monétaire. Une littérature récente mais limitée a documenté de nouveaux faits stylisés sur la rigidité des salaires. Cependant, cette littérature néglige souvent le salaire minimum en tant que source potentielle explicite de rigidité des salaires, alors qu'en Europe, une grande partie des travailleurs peut être affectée par les politiques de salaire minimum. Ce document de travail vise à combler cette lacune et fournit de nouveaux résultats empiriques sur la façon dont les salaires minima (fixés par la loi ou négociés avec les syndicats) peuvent modifier la dynamique globale des salaires
 

Pour répondre à cette question, nous proposons une nouvelle méthodologie empirique pour étudier les implications du caractère irrégulier de l'ajustement des salaires au niveau individuel sur la dynamique agrégée des salaires. Nous estimons tout d'abord un modèle standard de rigidité microéconométrique des salaires dans lequel le calendrier et l'ampleur des ajustements de salaire dépendent de l'inflation ou du chômage, mais aussi du SMIC ou des minima de branche. Nous simulons ensuite des salaires et des salaires minima (à partir des estimations paramétriques de nos modèles microéconomiques) et nous agrégeons les trajectoires simulées pour décrire comment les salaires réagissent à un choc macroéconomique. Cet exercice de simulation nous permet de: (i) évaluer la persistance des salaires agrégés due aux rigidités salariales micro ; (ii) étudier comment les salaires minima modifient mais aussi amplifient la transmission d'un choc aux salaires agrégés. Pour mettre en œuvre cet exercice empirique, nous avons apparié une base de données de millions de salaires de base trimestriels en France avec les salaires minima négociés dans les branches pour plus de 350 branches différentes et des milliers d'accords salariaux au niveau des entreprises sur la période 2005-2015.  Nos principales conclusions sont les suivantes.
 

Premièrement, les institutions de négociation salariale ont un impact sur le degré de rigidité des salaires au niveau individuel. Le calendrier des accords de salaire et les changements de salaire effectifs sont fortement synchronisés : la plupart des changements de salaire sont observés au cours du premier trimestre de l'année, lorsque la majorité des accords salariaux, tant sectoriels que d'entreprise, sont signés. La durée typique entre deux changements de salaire est d'un an, ce qui correspond à la durée habituelle de l'accord salarial. Nous montrons également que l'ampleur des ajustements salariaux dépend non seulement de l'inflation et du chômage, mais aussi de l'augmentation du SMIC et des salaires minima de branche.
 

Deuxièmement, la rigidité des micro-salaires se traduit par un retard dans la réaction des salaires agrégés à un choc. Une hausse de 1 % de l'inflation prend entre 4 et 5 ans pour être complètement incorporée à l'ensemble des salaires. Ignorer le salaire minimum conduirait à sous-estimer d'environ un an la durée de l'ajustement des salaires agrégés.
 

Troisièmement, nous estimons les effets directs des principaux déterminants des salaires. Les salaires minima ont un effet important sur la dynamique agrégée des salaires : une augmentation de 1 % du SMIC ou des minima de branche a un effet cumulé (sur un horizon de 5 ans) de respectivement 0,13 pp et 0,16 pp, soit plus de la moitié de l'effet direct de l'inflation. En outre, les salaires minima amplifient l'effet de l'inflation sur les salaires agrégés. Une fois que nous autorisons le SMIC et les minima de branche réagir aux chocs, l'effet global de l'inflation sur les salaires agrégés passe à 0,42 pp et l'effet du SMIC à 0,17 pp. Cet effet d'amplification n'est pas homogène le long de la distribution des salaires : pour les déciles les plus élevés de la distribution des salaires, la diffusion des hausses de SMIC aux salaires plus élevés est principalement due aux minima de branche tandis que les effets de second tour du SMIC jouent un rôle majeur pour les déciles les plus bas de la distribution des salaires.
 

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Document de travail n°720 : Les salaires minima rendent-ils les salaires plus rigides? Résultats à partir de salaires individuels en France
  • Publié le 23/05/2019
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Mis à jour le : 23/05/2019 15:12