Document de travail n°851 : Chocs d'activité et liquidité des entreprises : le rôle du crédit inter-entreprises

Nous montrons théoriquement et empiriquement comment le crédit inter-entreprises peut amplifier l'impact de chocs d'activité sur la liquidité des entreprises. En utilisant des données journalières uniques sur les défauts de paiement aux fournisseurs en France, nous quantifions l'ampleur du stress de liquidité cyclique à court terme induit par les obligations de paiement commercial, en exploitant la crise de la Covid-19 comme choc exogène. Une augmentation d'un écart-type de la position nette de crédit inter-entreprises augmente la probabilité de défaut de l'entreprise de 10 % pendant la période de confinement. Nous constatons des impacts plus importants pour les secteurs en aval - jusqu'à 30 % d'augmentation dans le commerce de détail - pour les entreprises soumises à des contraintes financières, et une contraction de l'investissement.

Le financement à court terme des entreprises non financières provient essentiellement de leurs fournisseurs. En 2019, le montant des dettes commerciales des entreprises françaises a dépassé 520 milliards d'euros, soit plus de sept fois celui du financement bancaire à court terme. Ces chiffres soulignent à quel point le recours au crédit interentreprises est important pour la liquidité des entreprises. Malgré son importance économique, le crédit interentreprises a étonnamment reçu peu d'attention dans la littérature foisonnante analysant l'impact de la crise Covid-19. Cet article est ainsi le premier à mettre en lumière le canal du crédit interentreprises lors de la crise sanitaire, lequel va à l'encontre du rôle contracyclique attribué au crédit interentreprises. Traditionnellement pensé comme alternative au financement bancaire en période de crise bancaire. Nous montrons au contraire comment, en présence d’un choc de demande généralisé, le fait de dépendre du financement par crédit interentreprises (c'est-à-dire le fait d'être un emprunteur net auprès de ses fournisseurs) s'est transformé en une source de tensions sur la liquidité au cours des premiers mois de la crise Covid.

Tout d'abord, nous montrons que la position nette de crédit interentreprises d'une entreprise avant la crise amplifie le stress de liquidité causé par le confinement et augmente significativement la probabilité que l'entreprise ne puisse honorer ses règlements fournisseurs. Cet impact sur les défauts de paiement est généralement plus fort dans les secteurs les plus en aval de la chaîne de valeur, par exemple dans le commerce de détail dont la position nette de crédit interentreprises est structurellement débitrice. Cet effet du canal du crédit interentreprises est cyclique et de courte durée. Après avoir atteint un pic en avril, l’effet s'estompe lorsque l'activité reprend après le confinement, et s'inverse même en juin, bien que dans une moindre mesure car la reprise est progressive.

Deuxièmement, nous constatons que l’effet du canal du crédit interentreprises est plus prononcé pour les entreprises les plus contraintes financièrement : les entreprises plus petites, plus risquées, plus contraintes en capital et moins rentables et emprunteurs nets de crédit interentreprises, font beaucoup plus défaut que les entreprises plus solides.

Troisièmement, nous montrons que certaines entreprises parviennent à couvrir ce risque : comme on pouvait s'y attendre, les entreprises disposant de réserves de liquidités importantes avant la crise sont capables de contrebalancer le stress de liquidité induit par le canal du crédit interentreprises pendant le confinement. Nos résultats vont également dans le sens d’une réduction des défauts de paiement par le recours au financement des comptes clients (affacturage, escompte), mais seulement pour les plus grandes entreprises.

Ces résultats permettent aux lecteurs de mieux comprendre l'un des canaux critiques affectant la transmission du choc le long de la chaîne d'approvisionnement. Ils mettent en lumière la nature cyclique et court terme du crédit interentreprises. Cet effet d’amplification puis d’atténuation sur le défaut des règlements fournisseurs est simple mais essentiel pour évaluer correctement l'intensité du choc de liquidité et pour quantifier avec précision les besoins de liquidité rencontrés par les entreprises lors du confinement. Ces besoins ne doivent pas être négligés pour calibrer les dispositifs de soutien à la liquidité en temps de crise, essentiels pour éviter de potentiels effets de contagion le long de la chaîne d'approvisionnement.

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Document de travail n°851 : Chocs d'activité et liquidité des entreprises : le rôle du crédit inter-entreprises
  • Publié le 08/12/2021
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Mis à jour le : 26/10/2023 13:30