Nous étudions les multiplicateurs de dépenses publiques au Royaume-Uni en utilisant un modèle autorégressive à facteurs FAVAR à coefficients variables dans le temps. Nous montrons que les multiplicateurs de dépenses publiques varient dans le temps et que la plupart de cette variation est cyclique : les multiplicateurs sont typiquement supérieurs à un dans les périodes de récession est inférieures à un dans les périodes d’expansion. En ce qui concerne les moteurs des variations cycliques, nos résultats sont en accord avec les théories économiques qui mettent l’accent sur le rôle des frictions financières et des capacités excédentaires dans l’économie. Nous ne trouvons pas d’éléments de preuve à l’appui de l’hypothèse que les multiplicateurs soient plus élevés quand les taux d’intérêts sont proches de la borne du zéro. Certains facteurs structurels semblent joueur un moindre rôle dans l’évolution des multiplicateurs budgétaires dans le temps, ces derniers ne présentant pas de tendance claire. A la lumière de ces résultats, nous concluons que les recommandations de politique économique basées sur des valeurs moyennes des multiplicateurs, devraient prendre en compte la position de l’économie dans le cycle. Par ailleurs, l’effet sur les variables macroéconomiques de chocs de dépenses publiques semblerait plutôt limité au Royaume-Uni dans des périodes non récessives.
Dans cet article, nous étudions si l'effet des stimuli budgétaires sur l'activité économique - ce qu'on appelle le multiplicateur des dépenses publiques - varie au fil du temps, en prenant l'exemple du Royaume-Uni au cours des cinquante dernières années. Le choix du Royaume-Uni est intéressant car, dans son histoire récente, il y a eu plusieurs périodes caractérisées par des débats intenses sur l’efficacité de la politique budgétaire sur l’activité économique. En 2008, le Royaume-Uni a été l'un des principaux pays avancés, avec les États-Unis, qui a mis en place une manœuvre budgétaire fortement anticyclique en réponse à la crise financière. L'inversion des mesures de relance budgétaire, entamée en 2010, a donné lieu à un vif débat sur les effets potentiellement négatifs sur l’économie de cette politique d’austérité.
La théorie économique offre un certain nombre d’explications justifiant une possible variation des multiplicateurs dans le temps. D'une part, il y a des théories dites cycliques qui prédisent que le multiplicateur de dépenses est plus élevé en période de récession, lorsque le taux d’utilisation des capacités de production dans l'économie est bas, ou quand il y a des frictions financières, ou encore en présence d'un plancher égal à zéro pour les taux d'intérêt nominaux. D'autre part, il y a des théories dites structurelles, liant par exemple la taille du multiplicateur au degré d'ouverture commerciale ou à la marge budgétaire existante.
Cet article contribue à la littérature sur les effets non linéaires de la politique budgétaire en utilisant un cadre économétrique (un modèle à facteurs et à paramètres variables dans le temps, TVP-FAVAR) suffisamment souple pour distinguer les variations cycliques des facteurs structurels et suffisamment riche pour pouvoir tester différents mécanismes de transmission théoriques.
Nos résultats montrent que les multiplicateurs de dépenses publiques varient dans le temps au Royaume-Uni et que ces variations sont pour la plupart cycliques. Les multiplicateurs sont généralement supérieurs à un dans les récessions et inférieurs à un dans les périodes d'expansion. En revanche, ils ne présentent pas de tendance structurelle claire. Lorsque nous creusons davantage pour comprendre quels facteurs sont à l'origine de cette variation cyclique, nos résultats indiquent que les contraintes de crédit et l’écart de production jouent un rôle important. Généralement, l'impact positif d’une relance budgétaire sur la production en période récessive s'accompagne d'effets significatifs sur l’octroi de crédit dans le secteur privé, ce qui suggère qu’une hausse de dépenses publiques aide à alléger les contraintes de crédit. Nos résultats, en revanche, ne corroborent pas l'hypothèse que le multiplicateur de dépenses publiques soit systématiquement plus élevé quand le taux d’intérêt est au voisinage de la borne du zéro.
Compte tenu des résultats de notre modèle, nous concluons que les recommandations fondées sur des multiplicateurs budgétaires moyens peuvent être trompeuses, car plusieurs facteurs devraient être pris en compte pour évaluer les effets des stimuli budgétaires sur l'économie. En particulier, nous constatons qu’au Royaume-Uni, dans les périodes non récessives, l'impact des chocs de dépenses budgétaires est limité, alors qu'il est beaucoup plus important en période de récession, ce qui suggère une mise en garde pour la mise en œuvre de politiques budgétaires expansives en temps normaux.
Mis à jour le : 08/02/2019 14:42