Document de travail n°761 : Politiques monétaires non conventionnelles : un bilan

Cet article présente un bilan des travaux sur les politiques monétaires non conventionnelles, depuis leur mise en œuvre jusqu’à leur impact sur l’économie. En particulier, nous discutons en détail les deux principales mesures adoptées dans la plupart des économies développées, à savoir le guidage des taux d’intérêt et les achats massifs d’actifs. Dans l’ensemble, il y a un quasi-consensus sur le fait que ces mesures ont été utiles, malgré quelques vues dissonantes. Parce que ces politiques ont laissé leurs marques sur les économies et sur les bilans des banques centrales, nous offrons des éclairages sur leur héritage et nous demandons si elles ont conduit à un changement des « règles du jeu » pour la fixation des taux d’intérêt et le choix de la taille et de la composition des bilans des banques centrales. Finalement, nous nous interrogeons sur l’opportunité de modifier les objectifs et les instruments de la politique monétaire dans le futur, en comparaison de la situation qui prévalait avant la crise.

La crise financière de 2007-2008, également connue sous le nom de crise financière mondiale (Global Financial Crisis - GFC), a eu un impact très fort sur les marchés financiers et l'économie réelle. Dans l'ensemble des économies développées, la production et l'inflation ont fortement chuté. Les banques centrales ont réagi en augmentant massivement leur apport de liquidités au secteur bancaire et en abaissant les taux d'intérêt de manière agressive. Une fois les taux d'intérêt proches de zéro, elles ont eu recours à des politiques monétaires non conventionnelles (PMNC), face à une croissance économique anémique et à des risques de déflation (Drumetz et al., 2015). Ces mesures étaient essentiellement de deux types. Tout d'abord, les banques centrales ont guidé les taux d’intérêt (Forward Guidance - FG), c'est-à-dire qu'elles ont fourni des informations sur leurs intentions futures en matière de politique monétaire, sur la base de leur évaluation des perspectives de stabilité des prix. Deuxièmement, les banques centrales ont acheté de grandes quantités d'actifs afin d'exercer une pression à la baisse sur les taux d'intérêt à long terme. En conséquence, leurs bilans se sont considérablement étoffés. La pandémie de Covid-19 a aussi récemment suscité des interventions des prêteurs en dernier ressort et des achats d'actifs par les banques centrales, afin d'alléger les contraintes financières.
Ce document examine trois grands types de questions, selon qu'elles concernent le passé, le présent ou l'avenir.
En ce qui concerne le passé, outre à la FG et les achats d'actifs à grande échelle (Large Scale Asset Purchases - LSAP), nous consacrons une section spécifique aux réponses de la BCE à la crise de la dette souveraine. Dans l'ensemble, il y a un quasi consensus sur le fait que ces mesures ont été efficaces pour influencer à la fois les marchés financiers et l'économie en général.
En ce qui concerne le présent, les PMNC ont laissé leur marque sur les économies et sur les bilans des banques centrales. À cet égard, les banques centrales qui ont eu recours aux PMNC peuvent souhaiter entrer, ou sont déjà entrées dans le cas de la Fed, dans un processus de "normalisation" de la politique monétaire. Une raison fondamentale de la normalisation réside dans le désir des banques centrales de se donner une marge de manœuvre avant une future récession probable. En outre, les effets des PMNC sur l'économie sont beaucoup moins bien compris, donc plus incertains et plus difficiles à prévoir, que les effets des changements de taux d'intérêt classiques. Dans ce contexte, nous nous demandons si les "règles du jeu" pour fixer les taux d'intérêt et choisir la taille et la composition des bilans des banques centrales ont changé en raison de la mise en œuvre des PMNC. Nous concluons que les politiques de taux d'intérêt très bas n'ont pas fondamentalement modifié les canaux de transmission monétaire, bien qu'il y ait des signes d'une rigidité à la baisse accrue des taux débiteurs des banques dans la zone euro lorsque les taux directeurs sont maintenus à leur limite effective à la baisse. En outre, en l'absence d'une taille optimale pour le bilan de la banque centrale, les banques centrales pourraient le réduire si elles souhaitent pas peser sur les primes de risque ou aider activement les banques à remplir leurs exigences de liquidités.
En ce qui concerne l'avenir, nous discutons de l'opportunité de modifier les objectifs de la politique monétaire. Il semble que le relèvement de l'objectif d'inflation serait un instrument trop grossier pour réduire efficacement les coûts importants des épisodes de taux zéro. D'un point de vue plus pratique, un objectif d'inflation plus élevé peut être difficile à communiquer pour les banques centrales, qui insistent depuis longtemps sur leur rôle dans la préservation de la stabilité des prix et ont gagné le soutien du public dans la poursuite de cette mission. Un autre changement de stratégie pourrait consister à utiliser la politique monétaire pour "aller contre le courant" (Leaning Against the Wind - LAW). Cependant, l'opinion dominante dans la période post-GFC prescrit toujours que la politique monétaire ne doit pas répondre aux préoccupations de stabilité financière. En outre, le nouveau cadre macroprudentiel semble représenter l'outil le plus efficace pour assurer la stabilité financière, car il peut directement s’opposer au recours à l'endettement ou à la prise de risques excessifs. Nous discutons également une éventuelle modification des instruments de politique monétaire par rapport à la période d'avant la crise. Nous soulignons qu'il y a à la fois des avantages et des coûts pour les LSAP, tant en temps normal qu'en temps de crise, bien que les avantages soient davantage susceptibles de l'emporter sur les coûts en temps de crise. Enfin, nous discutons de deux instruments de politique monétaire inutilisés jusqu'à présent : la "monnaie hélicoptère" et l'élimination de la limite inférieure des taux d’intérêt à la baisse.
 

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Document de travail n°761 : Politiques monétaires non conventionnelles : un bilan
  • Publié le 08/04/2020
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Mis à jour le : 08/04/2020 12:46