Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Décembre 2019

▪ La croissance du PIB en France serait confirmée à 1,3 % en 2019. Elle se tasserait temporairement, à 1,1 % en 2020, avant de revenir à 1,3 % en 2021 et 2022. Dans ce contexte, le taux de chômage poursuivrait sa baisse, pour passer en dessous de 8 % fin 2022.
▪ En 2019 et 2020, la nette dégradation de l'environnement international se traduirait par un ralentissement marqué des exportations.
▪ Néanmoins, la croissance résisterait en France, soutenue par le dynamisme de la demande intérieure. L'investissement des entreprises resterait porté par des conditions financières favorables. Les gains de pouvoir d'achat significatifs depuis fin 2018 favoriseraient une accélération progressive de la consommation des ménages qui atteindrait un pic en 2020.
▪ En 2021 et 2022, la composition de la croissance se rééquilibrerait. La demande extérieure et les exportations françaises devraient progressivement se redresser. À l'inverse, la consommation des ménages et l'investissement retrouveraient des rythmes de croissance plus proches de celui du PIB.
▪ L'inflation totale (IPCH) atteindrait un creux à 1,1 % en moyenne annuelle en 2020, en lien avec un ralentissement des prix de l'alimentation et une baisse des prix de l'énergie. Elle se raffermirait par la suite et atteindrait 1,3 % en 2021, puis 1,4 % en 2022 sous l'effet du redressement de sa composante hors énergie et alimentation.
▪ Cette projection reste sujette à des risques importants en termes d'évolution de la conjoncture internationale. Les aléas autour de notre prévision de la croissance française semblent néanmoins désormais symétriques.

Du fait d’une conjoncture internationale dégradée, la croissance française devrait se tasser en 2020 à 1,1 %, mais elle retrouverait un rythme de 1,3 % en 2021 et 2022

Face à l’affaiblissement de l’activité mondiale depuis début 2018 (cf. graphique 2), l’économie française a fait preuve de plus de résilience que certains de ses partenaires européens. La croissance de l’activité en glissement sur un an s’établit ainsi à 1,3 % au troisième trimestre 2019 alors qu’elle n’est que de 0,5 % en Allemagne et 0,3 % en Italie. Toutefois, sur la base des enquêtes de conjoncture de la Banque de France publiées le 9 décembre, la progression du PIB en France ralentirait à 0,2 % au quatrième trimestre, après 0,3 % le trimestre précédent. Cette période de modération se poursuivrait encore début 2020 et le rythme de progression du PIB en France se redresserait à partir de mi-2020 (cf. graphique 1).
 

Ce profil de léger creux puis de rebond de l’activité suit celui du commerce extérieur mais avec une atténuation importante en 2019 et 2020 grâce à la résistance de la demande interne (cf. graphique 3). L’investissement des entreprises serait ainsi très soutenu en 2019. En outre, les gains de pouvoir d’achat importants depuis le dernier trimestre 2018 se traduiraient progressivement par une consommation des ménages plus dynamique, en particulier en 2020. Cela permettrait de maintenir une croissance annuelle du PIB à 1,3 % en 2019 et à 1,1 % en 2020, malgré une contribution nettement négative des exportations nettes.

La composition de la croissance française se rééquilibrerait en 2021 et 2022. Les exportations se rétabliraient progressivement tandis que la demande intérieure ralentirait, dès lors que la consommation des ménages et l’investissement retrouveraient des niveaux de croissance proches de celui de l’activité.

Cette projection s’appuie sur la première estimation des comptes trimestriels jusqu’au troisième trimestre 2019, publiés par l’Insee le 30 octobre. Elle repose sur les hypothèses techniques de l’environnement international (cf. tableau A en annexe) de l’exercice de projection de décembre de l’Eurosystème, arrêtées le 19 novembre.

Par rapport à notre projection de septembre, la croissance du PIB est légèrement révisée à la baisse. Pour le second semestre 2019, la révision vient d’une surprise un peu négative sur la croissance au troisième trimestre et d’une révision en baisse de notre anticipation pour la croissance du quatrième trimestre. Pour 2020 (– 0,2 point) et 2021 (– 0,1 point), le principal affaiblissement depuis septembre est lié au commerce extérieur et à la révision en baisse de la demande adressée par nos partenaires, notamment en provenance des pays hors de la zone euro. Cet affaiblissement se diffuse ensuite à l’ensemble des composantes de la demande ainsi qu’au marché du travail et à l’inflation. Notre prévision de septembre incorporait déjà la baisse de l’impôt sur le revenu et le gel du point d’indice pour 2020, ainsi que la réforme de l’assurance chômage et les nouvelles baisses de la taxe d’habitation pour 2021 et 2022. De ce fait, les mesures budgétaires prises en loi de finances pour 2020 ont peu d’impact sur les révisions depuis septembre.

Les gains de pouvoir d’achat élevés en 2019 et en 2020 ont plusieurs sources

Après des années 2017 et 2018 où il a progressé sur un rythme inférieur à celui du PIB par habitant, le pouvoir d’achat du revenu disponible par habitant accélèrerait notablement en 2019 (cf. graphique 4), atteignant son rythme de croissance le plus élevé depuis 2007, à 2,0 % en moyenne. Il se maintiendrait à un rythme encore élevé en 2020 (1,3 %) avant de retrouver ensuite un rythme proche de celui du PIB par habitant (0,8 % en 2021 et 1,0 % en 2022, le PIB par habitant progressant de 1,0 % en 2021 et en 2022). Cette évolution en moyenne sur l’ensemble de la population recouvre bien sûr des situations différentes selon les catégories de ménages. Cette progression du pouvoir d’achat serait le résultat d’une combinaison de facteurs favorables.
 

En premier lieu, l’ensemble des mesures budgétaires mises en place depuis fin 2018 et celles prévues pour 2020 soutiendraient le revenu disponible des ménages. L’année 2019 est particulièrement concernée avec les mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) votées en décembre 2018 (hausse de la prime d’activité, défiscalisation et désocialisation des heures supplémentaires notamment) mais aussi des mesures votées auparavant (année pleine de la baisse des cotisations sociales des salariés, baisse de la taxe d’habitation notamment). S’ajoutent ensuite les mesures votées dans le cadre de la loi de finances pour 2020. Elles sont néanmoins en partie contrebalancées par les économies attendues dans le cadre de la réforme de l’indemnisation chômage et la prolongation du gel du point d’indice de la fonction publique en 2020.

De plus, le revenu disponible des ménages serait soutenu, sur tout l’horizon de prévision, par le dynamisme des revenus d’activité des ménages. En 2019 et, dans une moindre mesure, en 2020, ceux-ci seraient particulièrement portés par le rythme des créations nettes d’emplois qui s’est maintenu à un niveau élevé en 2019 (de l’ordre de 270 000 créations nettes) malgré le ralentissement de l’activité (voir à ce sujet l’encadré dans nos Projections macroéconomiques de septembre 2019 et l’encadré 1 ci-dessous). Les créations nettes d’emplois devraient ensuite se réduire progressivement à mesure que les gains de productivité prendraient le relais, à environ 150 000 en 2020, avant de se stabiliser autour de 80 000 par an en 2021 et 2022. Cela devrait permettre une baisse du taux de chômage sur tout l’horizon de prévision, pour atteindre 7,9 % fin 2022. Malgré ce ralentissement relatif de l’emploi, les revenus d’activité des ménages seraient soutenus en 2021 et 2022 par une accélération du salaire moyen par tête en lien avec les gains de productivité (cf. graphique 5).

En revanche, les revenus financiers nets des ménages diminueraient continûment entre 2019 et 2022, en miroir du recul de la charge de la dette des administrations publiques. Les hypothèses construites à partir des contrats à terme donnent des projections de taux d’intérêt restant bas d’ici 2022, ce qui induirait une poursuite de la baisse des rendements des produits d’épargne des ménages. Cette évolution affecterait néanmoins assez peu les dépenses de consommation sous l’hypothèse que la propension à consommer les revenus financiers est faible : elle serait ainsi essentiellement amortie dans le taux d’épargne qui se replierait légèrement en 2021 et 2022.

Enfin, le pouvoir d’achat des ménages bénéficie de la baisse des prix du pétrole depuis mi-2018. Ainsi, fin 2019, le prix du baril de Brent s’établirait à 56 euros, soit une baisse d’environ 9 euros depuis le pic de mi-2018. L’hypothèse pour cette prévision, tirée des prix à terme, est celle d’une stabilisation à un niveau légèrement plus faible, autour de 51 euros en 2021 et 2022 (voir infra sur l’inflation).

La consommation des ménages soutiendrait la demande intérieure en 2020, avant de retrouver un rythme de croissance plus proche de celui du PIB

La croissance de la consommation des ménages s’éleverait en 2019 à 1,2 %, plus soutenue qu’en 2018 (0,9 %). Elle résulterait notamment des importants gains de pouvoir d’achat depuis la mi-2018, même si une partie de ceux-ci a été épargnée. L’accélération de la consommation des ménages devrait se poursuivre, en ligne avec la poursuite des gains de pouvoir d’achat, pour atteindre un pic mi-2020 (cf. graphique 6). La croissance de la consommation des ménages atteindrait ainsi 1,5 % en rythme annuel en 2020. Elle se stabiliserait ensuite sur un rythme de croissance proche de celui du PIB.

Le taux d’épargne atteindrait un pic en 2020 à 15,0 % avant de légèrement reculer à mesure que les gains de pouvoir d’achat seraient progressivement consommés, se stabilisant autour de 14,8 % en 2022. Dès décembre 2017, nous avions projeté que la forte progression du pouvoir d’achat attendue en 2019 s’accompagnerait d’une hausse significative du taux d’épargne. La nette augmentation observée en 2019 (avec un taux d’épargne atteignant 14,8 % au deuxième trimestre 2019, contre 14,2 % en moyenne en 2018), rétablit le taux d’épargne à un niveau légèrement supérieur à sa moyenne depuis 2000 (14,6 %), après une période 2015-2017 marquée par un taux d’épargne plus réduit (14,0 % en moyenne).

Le taux d’investissement des ménages en pourcentage du revenu disponible devrait, lui, se stabiliser à partir de 2019, après deux années de forte hausse. L’investissement des ménages a déjà commencé à ralentir en 2019 et continuerait de le faire en 2020 (0,4 %), avant de se redresser légèrement à partir de 2021.

Le taux d’investissement des entreprises atteindrait un point haut historique

L’investissement des entreprises, très soutenu aux deuxième et troisième trimestres 2019, serait particulièrement dynamique en 2019, avec une hausse de 3,9 %. Cela conduirait le taux d’investissement des sociétés non financières à un niveau nettement plus élevé que celui atteint lors des précédents pics (cf. graphique 7). Ce dynamisme est notamment soutenu par la nette baisse du coût du capital pour les entreprises depuis son pic de 2012, liée à la diminution du coût de la dette grâce à la politique monétaire très accommodante de l’Eurosystème.

Avec le ralentissement de l’activité, la progression de l’investissement des entreprises se modèrerait toutefois quelque peu, tout en conservant un rythme de croissance nettement supérieur à celui du PIB.

La décomposition des dépenses d’investissement par produits met par ailleurs en évidence le rôle important de la transformation numérique dans ce dynamisme de l’investissement des entreprises. Ainsi, l’investissement en services d’information et de communication a contribué à hauteur de 40 % à la croissance de l’investissement des entreprises sur la période 2014-2019, loin devant tous les autres types d’investissement. Ce dynamisme des investissements en services d’information-communication se traduit par un poids grandissant de ce poste dans le total des investissements des entreprises, celui-ci représentant ainsi près du quart de l’investissement des entreprises, contre environ 15 % au début des années 2000.

Après un pic en 2019 (du fait du « double compte » lié au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) perçu en 2019 au titre de 2018 et aux baisses de cotisations sociales mises en œuvre début 2019), le taux de marge des sociétés non financières se stabiliserait autour de 31,4 % de la valeur ajoutée à partir de 2020, un niveau encore légèrement inférieur à sa moyenne depuis 2000 (31,8 %). Mais dans le même temps, le taux d’épargne des sociétés non financières se maintiendrait autour de 22,5 % sur 2020-2022, un niveau nettement plus élevé que sa moyenne historique, grâce notamment à la baisse de la charge d’intérêts.

L’environnement extérieur demeurerait particulièrement dégradé en 2020 et son rétablissement à partir de 2021 resterait loin des périodes favorables passées

Les exportations seraient affectées par l’affaiblissement persistant des perspectives de commerce mondial. La projection de demande mondiale adressée à la France est ainsi de nouveau révisée à la baisse en décembre (– 0,2 point en 2019, – 0,8 point en 2020 et – 0,5 point en 2021 par rapport à la projection de septembre) après des exercices de prévision de juin et septembre marqués par des révisions déjà importantes, portant notamment sur 2019. En décembre, la révision provient essentiellement d’une dégradation de la demande en provenance d’Asie et des États-Unis, qui affecte également l’activité et la demande de nos partenaires de la zone euro. La croissance de la demande mondiale adressée à la France s’élèverait ainsi à 1,2 % en 2019, au plus bas depuis 2012, et à seulement 1,5 % en 2020. Elle se redresserait ensuite, tout en restant sur un rythme inférieur aux tendances passées (cf. graphique 2). Ceci resterait donc un frein sur la croissance française à moyen terme.

Ces perspectives peu favorables sur les échanges se traduiraient par un ralentissement marqué des exportations françaises, à 2,2 % en 2019 (après 3,5 % en 2018) et 1,9 % en 2020. La résistance des exportations en 2019 par rapport à la demande adressée reflète toutefois la remontée des performances à l’exportation depuis mi-2018 (cf. graphique 8 et encadré 2).

Les importations évolueraient, pour leur part, en lien avec la demande intérieure, même si certains décalages dans le temps pourraient se produire. Ainsi, après une faible progression en 2018 (1,2 %), la croissance des importations a repris en 2019 (3,4 % en glissement annuel au troisième trimestre). Elles connaitraient un pic en moyenne annuelle en 2020 (2,9 %) lié à l’accélération de la consommation des ménages, pour ensuite progressivement ralentir en 2021 et 2022.

L’inflation connaîtrait un creux à 1,1 % en 2020, dû à un ralentissement des prix de l’énergie et de l’alimentation, puis se redresserait progressivement pour atteindre 1,4 % en 2022, portée notamment par la hausse des prix des services

L’inflation IPCH a progressivement diminué au cours de l’année 2019, pour s’établir à 1,2 % au troisième trimestre (cf. graphique 9). Ce recul s’explique principalement par un ralentissement des prix de l’énergie et de l’alimentation. D’une part, les prix de l’énergie ont ralenti du fait de la baisse du prix du pétrole et de l’absence de hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) début 2019, deux facteurs qui avaient poussé les prix de l’énergie fortement à la hausse en 2018. D’autre part, bien qu’ils demeurent dynamiques, les prix de l’alimentation ont dans l’ensemble ralenti au cours de l’année. En particulier, après leur forte hausse à l’été 2019 dans le sillage des températures élevées qui ont touché la France, ils ont nettement ralenti en septembre et en octobre.

L’inflation hors énergie et alimentation a, elle, légèrement augmenté au cours de l’année : après un premier semestre particulièrement atone, autour de 0,5 %, elle s’est redressée au troisième trimestre pour atteindre 0,7 %. La hausse des prix des services en particulier a gagné en dynamisme au cours de l’année, passant de moins de 1 % au premier semestre à environ 1,5 % à la fin du troisième trimestre.

En 2019, l’inflation IPCH total s’établirait ainsi à 1,3 % en moyenne annuelle, et l’inflation hors énergie et alimentation s’établirait à 0,6 %, des chiffres inchangés par rapport à notre prévision de septembre.

En 2020, l’inflation IPCH continuerait à se replier pour atteindre 1,1 %. Cette baisse serait principalement due aux prix de l’énergie et de l’alimentation. Après leur ralentissement en 2019, les prix de l’énergie seraient orientés à la baisse, dans le sillage des prix du pétrole. Quant à ceux des produits alimentaires, ils poursuivraient leur ralentissement initié après leur pic de l’été 2019. En revanche, l’inflation hors énergie et alimentation poursuivrait sa hausse récente, et atteindrait 1,0 % en 2020. Elle serait essentiellement portée par les prix des services qui augmenteraient de 1,8 % en moyenne annuelle en 2020.

Passé ce creux, l’inflation IPCH totale se redresserait à 1,3 % en 2021, puis 1,4 % en 2022, et serait, en fin d’horizon, portée de manière plus équilibrée par ses différentes composantes. Les prix de l’alimentation poursuivraient leur ralentissement, du fait notamment de hausses du prix du tabac moindres que par le passé. Les prix de l’énergie, quant à eux, se redresseraient progressivement, mais demeureraient faiblement dynamiques. L’inflation hors énergie et alimentation continuerait d’augmenter, pour atteindre 1,3 % en 2021 et 1,4 % en 2022. Cette progression, favorisée par un regain de dynamisme des prix des produits manufacturés, serait surtout portée par la hausse des prix des services qui fluctuerait autour de 2,0 % en moyenne annuelle au cours de ces deux années. Cela reflèterait le dynamisme du marché du travail et des salaires.

Tout comme dans notre prévision de septembre, l’inflation hors énergie et alimentation présenterait toutefois un profil heurté, dû à différentes mesures de politique économique : les loyers dans le parc social baisseraient à nouveau en janvier 2020 (après une première baisse en juin 2018), les prix des billets d’avion seraient poussés à la hausse par l’instauration d’une écotaxe en janvier 2020, et les prix des équipements optiques, auditifs et dentaires diminueraient significativement suite à la mise en place graduelle du reste à charge nul sur les prothèses optiques, auditives et dentaires entre 2019 et 2021, même si les prix des assurances complémentaires de santé au sein des services devraient être en hausse.

Le déficit public tendrait vers 2 % du PIB et la dette publique se stabiliserait juste en dessous de 100 % du PIB, avec des baisses d’impôts significatives et une progression des dépenses demeurant soutenue, hors baisse de la charge de la dette

Le déficit public s’élèverait à 3,0 % du PIB en 2019, après 2,5 % en 2018 sous l’effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations patronales. Hors cet effet temporaire, le déficit public s’établirait à 2,1 % du PIB en 2019. Il atteindrait 2,2 % du PIB en 2020, puis diminuerait légèrement vers un niveau proche de 2 % du PIB. Ces projections intègrent toutes les informations contenues dans la loi de finances pour 2020, ainsi que les récentes annonces du plan d’urgence pour l’hôpital. Sur 2021 et 2022, seules les mesures suffisamment spécifiées sont incluses dans notre projection.

Les prélèvements obligatoires (PO) s’inscriraient en baisse à 44,1 % du PIB à l’horizon 2021‑2022 après avoir atteint 45,2 % du PIB en 2018. Les mesures de baisses de PO de la loi de finances pour 2020 (réforme du barème de l’impôt sur le revenu en 2020, suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 20 % des ménages les plus aisés à partir de 2021) accentuent la diminution de la charge fiscale déjà inscrite dans les lois de finances précédentes (dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, année pleine de la suppression des cotisations sociales maladie et chômage à la charge des salariés, défiscalisation et désocialisation des heures supplémentaires, baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés).

Les dépenses publiques (hors crédits d’impôt, HCI) progresseraient en valeur au rythme de 1,8 % par an en moyenne sur la période 2019‑2022, et de 0,8 % en volume (déflaté par l’IPC hors tabac) par an en moyenne sur cette même période, dont 0,1 point d’effet de périmètre dû à l’inclusion de France Compétences. Même si certaines mesures permettent des décélérations importantes du côté des dépenses (gel du point d’indice de la fonction publique, sous-indexation de certaines prestations sociales, réforme de l’assurance chômage), c’est la baisse continue de la charge de la dette, dans un contexte de taux d’intérêt historiquement faibles, qui contribue le plus significativement aux économies. Les dépenses primaires (HCI, hors charge de la dette) croîtraient en effet en moyenne d’1,2 % par an en volume sur la période 2019‑2022, soit un rythme proche de sa tendance des dix dernières années et de celui de la croissance potentielle du PIB.

Le solde structurel, calculé à partir de la méthodologie et de la croissance potentielle de la Commission européenne, ne s’améliorerait que marginalement sur la période 2019-2022, passant de – 2,7 % du PIB en 2018 à – 2,5 % du PIB en 2022, et ceci seulement grâce à la baisse de la charge de la dette. L’ajustement structurel primaire serait négatif sur l’horizon de prévision (– 0,8 point en cumulé sur la période 2019-2022). Dans cette projection, la dette publique augmenterait encore un peu jusqu’en 2021, pour se stabiliser juste en dessous de 100 % du PIB à l’horizon 2022. En d’autres termes, les économies procurées par la baisse de la charge d’intérêts auraient pour contrepartie un assouplissement de la politique budgétaire. Cette orientation budgétaire plus active pose d’autant plus la question de son contenu qualitatif : l’évaluation des effets sur la croissance, y compris dans une perspective de moyen terme, devrait conduire à privilégier les investissements et dépenses d’avenir.

Une poursuite de la dégradation de la demande extérieure pourrait peser à la baisse sur cette prévision, mais à l’inverse le taux d’épargne élevé des ménages pourrait permettre une hausse plus prononcée de la demande intérieure

Cette projection reste sujette à des aléas significatifs du fait d’un contexte international toujours particulièrement incertain. Une dégradation plus prononcée des perspectives d’activité pour les principaux partenaires économiques de la France, notamment en Allemagne et en Italie, serait susceptible d’affecter négativement la croissance française. De plus, les mesures commerciales déjà prises ou annoncées par les États-Unis, notamment concernant Airbus ou le secteur viticole, pourraient peser plus fortement qu’anticipé sur les secteurs de spécialisation des exportations françaises. La possibilité d’un accroissement des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis est également toujours un aléa significatif. Néanmoins, les signes actuels de stabilisation conjoncturelle chez certains partenaires pourraient, s’ils se confirmaient, avoir un effet positif sur la demande adressée de la France et donc sur l’activité. Les suites du Brexit demeurent aussi un aléa, puisque les accords relatifs au commerce et aux services financiers entre le Royaume-Uni et l’Union européenne restent à négocier d’ici décembre 2020.

Sur le plan interne, le rythme de consommation des gains de pouvoir d’achat est soumis à des aléas. Au regard du taux d’épargne des ménages élevé en 2019, une hausse plus prononcée de la consommation des ménages est possible, ce qui pourrait renforcer la croissance française (même si, à l’inverse, il ne peut pas être exclu que les ménages demeurent très prudents et ne réduisent pas leur taux d’épargne en fin de période).

L’évolution des prix est également sujette à des aléas. D’une part, le prix du pétrole, supposé en léger repli dans la projection, demeure volatil et soumis à des incertitudes à la hausse comme à la baisse. D’autre part, malgré une hausse indéniable depuis l’été, l’inflation hors énergie et alimentation demeure à un niveau faible par rapport à sa moyenne historique, générant des incertitudes quant à l’ampleur de ce redressement. Enfin, bien que les effets de la loi « 100 % santé » que nous avons pris en compte demeurent identiques à notre précédente prévision, l’impact de ce dispositif sur les prix demeure difficile à évaluer précisément.

L’emploi total en France s’est accru d’un million depuis quatre ans (Cliquer pour dérouler)

Pour la troisième année consécutive, les créations nettes d’emplois dans l’ensemble de l’économie seront supérieures à 250 000 en 2019 en moyenne annuelle (voir tableau C4 en annexe de ce document). Sur les quatre années, de 2016 à 2019, environ un million d’emplois auront ainsi été créés en France. Il s’agit de la plus forte progression cumulée sur une fenêtre de quatre ans depuis 2008. En outre, ces créations d’emplois sont réalisées cette fois essentiellement dans le secteur salarié marchand. L’emploi non marchand se réduit en effet légèrement sur la période du fait notamment de la baisse du nombre d’emplois aidés et l’emploi non salarié progresse peu (environ + 30 000 en quatre ans).
 

La forte progression de l’emploi salarié marchand depuis 2016 est due au redressement de l’activité, surtout depuis 2017, mais aussi à l’accroissement du contenu en emplois de la croissance lié aux politiques économiques mises en œuvre. Sur les dernières années, ces politiques ont été essentiellement de deux natures : d’une part, des baisses importantes du coût du travail (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE) et, d’autre part, les réformes relatives au fonctionnement du marché du travail (loi El Khomri de 2016, ordonnances de 2017).
 

Le graphique ci-contre compare l’emploi salarié marchand observé avec la « cible » ou « prévision théorique » découlant d’un cadre théorique simple (et de la modélisation de long terme retenue dans notre modèle de prévision) dans lequel le niveau de l’emploi marchand dans l’économie dépend du niveau de la valeur ajoutée marchande avec une élasticité 1 et du niveau du coût réel du travail avec une élasticité (estimée économétriquement) à 0,5. Nous intégrons ici le CICE au calcul du coût du travail entre 2014 et 2018.
 

Cette approche macroéconomique simple ne permet certes pas de déterminer quelle mesure ou réforme, dont les canaux sont multiples, a affecté précisément la dynamique de la valeur ajoutée et du coût du travail et donc de l’emploi. Elle ne décrit pas non plus les mécanismes de court terme qui ont pu écarter la cible et l’observé à partir de 2014 : une phase de « retard de l’emploi » en 2014-2015, une seconde phase à l’inverse de rattrapage à partir de 2016. Elle montre en revanche que le niveau d’emploi marchand atteint en 2019 est très conforme aux deux déterminants que sont la vigueur de l’activité économique et le coût du travail. Au-delà des surprises trimestrielles, les importantes créations nettes d’emploi depuis quatre ans traduisent ainsi bien une amélioration durable de la situation sur le marché du travail. La contrepartie en est mécaniquement un ralentissement de la productivité.
 

Dans les trimestres ou années à venir, un certain nombre de facteurs sont susceptibles de continuer à soutenir encore les créations nettes d’emplois, en particulier, la transformation depuis début 2019 du CICE en une baisse de cotisations sociales, le renforcement des allègements de charges au voisinage du salaire minimum depuis octobre 2019, et les réformes relatives au fonctionnement du marché du travail (notamment les ordonnances de 2017, la réforme de la formation professionnelle et la réforme de l’assurance chômage).

Le redressement des performances de la France à l’exportation depuis mi-2018, après un creux particulièrement marqué en 2016-2017, traduit un rebond des exportations des secteurs forts de la spécialisation française (Cliquer pour dérouler)

Les performances de la France à l’exportation, définies comme le rapport entre les exportations et la demande adressée, ont connu un « trou d’air » sur la période 2016-2017, atteignant ainsi en 2017 un point bas (cf. graphique 8 supra). Néanmoins, ces performances sont reparties à la hausse à partir de mi-2018, expliquant la relative résistance des exportations françaises à la nette dégradation de la demande mondiale observée en 2019.
 

Depuis le début des années 2000, l’évolution du commerce extérieur de la France s’est caractérisée par une nette augmentation de la spécialisation de la France, à partir d’une spécialisation plus faible que celle de ses principaux partenaires européens (Voir Camatte (H.) et Gaulier (G.) (2018), « Spécialisation sectorielle et rechute du commerce extérieur français entre 2014 et 2016 », Rue de la Banque, n° 71). L’intensité de la spécialisation de la France est désormais proche de celles de l’Italie ou de l’Espagne, tout en demeurant nettement plus faible que celle de l’Allemagne. Sur la base des données douanières, les points forts de la France (catégories de produits dont le taux de couverture – exportations rapportées aux importations – est en moyenne supérieur à 110 %) sont ainsi : l’aéronautique, les produits pharmaceutiques, les produits de luxe et cosmétiques, les produits agroalimentaires et les équipements automobiles, bien que ces derniers connaissent une baisse continue de leur taux de couverture, liée aux délocalisations (avec retard par rapport à la construction automobile). À l’inverse, les équipements électroniques et les biens de grande consommation apparaissent comme étant des points faibles de la France.
 

Au regard de cette spécialisation, la dégradation du taux de couverture à partir de 2014 résultait d’un creusement des contributions négatives des points faibles, ce qui est attendu quand les échanges internationaux sont croissants, mais n’avait pas été compensée par des contributions positives supplémentaires des points forts (cf. graphique ci-dessus). En revanche, la reprise de la mi-2018 résulte d’une nette reprise des points forts (en particulier l’aéronautique).
 

Sur l’horizon de prévision, cette forte dépendance à quelques secteurs exportateurs (en premier lieu l’aéronautique) pourrait rendre la France plus vulnérable aux chocs sectoriels (par exemple sous la forme de hausses ciblées de droits de douanes). Mais les exportations françaises pourraient être aussi moins vulnérables que celles de l’Allemagne et de l’Italie à des chocs de demande mondiale affectant les biens durables automobile et machines. Notre prévision est donc soumise à ces aléas, in fine symétriques
 

Résumé vidéo par Guy Levy-Rueff et Camille Thubin

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Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Décembre 2019
  • Publié le 16/12/2019
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Mis à jour le : 21/09/2020 17:48