Selon nos projections, après la « bosse » de 2021-2022 (cf. graphique A), l’inflation IPCH totale française reviendrait à 1,5 % puis 1,6 % en 2023-2024. Elle serait portée par sa composante hors énergie et alimentation, qui s’établirait à un rythme de 1,7 % en moyenne annuelle sur les deux années. Cette composante clé retrouverait ainsi des glissements annuels proches de ceux atteints avant la crise financière de 2008 (cf. graphique A). Nous retenons ici en particulier les années 2002-2007 comme période de comparaison, car l’inflation IPCH se situait autour de 2 % avec une composante hors énergie et alimentation assez stable autour de 1,7 %.
En comparaison, entre 2013 et 2020, le glissement annuel moyen de l’IPCH hors énergie et alimentation était très différent, à seulement 0,7 %. C’est surtout la composante des services qui était alors faible, avec un glissement annuel moyen de 1,2 %, bien en retrait de sa moyenne de 2,7 % entre 2002 et 2007. Le glissement annuel moyen de la composante des produits manufacturés était en revanche moins remarquable, seulement un peu inférieur à sa moyenne de 2002-2007 (– 0,1 %, contre 0,2 %).
En 2022, l’inflation IPCH hors énergie et alimentation est déjà attendue comme assez forte en raison du pic, que nous pensons temporaire, de la composante des produits manufacturés (1,3 % en moyenne annuelle), lié aux tensions sur l’offre mondiale, alors que la composante des services ne serait plus aussi faible que les années précédentes. Ensuite, le maintien de l’inflation IPCH hors énergie et alimentation sur un rythme de 1,7 % en 2023-2024 aurait des déterminants progressivement différents et plus significatifs dans une perspective de moyen terme (cf. graphique B). C’est ce que nous détaillons ci-dessous.
D’un côté, après son pic de 2022, la hausse des produits manufacturés retournerait progressivement vers sa moyenne de long terme (cf. graphique B), proche de 0 %, à mesure que les difficultés d’approvisionnement s’estomperaient. Dans notre scénario central, les tensions actuelles auraient en effet des effets persistants sur le niveau des prix des produits manufacturés, qui ne connaîtraient pas de correction à la baisse comme cela avait été le cas après le pic de 2012. Mais les variations des prix des produits manufacturés n’affecteraient plus significativement, en 2023-2024, la tendance de l’inflation en comparaison à ses déterminants de 2002-2007.
Parallèlement, en 2023-2024, les hausses des prix des services continueraient de devenir plus nettement dynamiques et soutiendraient ainsi l’inflation hors énergie et alimentation, comme en 2002-2007. La progression de la composante des services dans l’IPCH s’établirait en effet à 2,5 % en 2023, puis à 2,7 % en 2024. Pour la composante des services privés, on verrait même une évolution de 2,9 % en 2023, c’est-à-dire un rythme identique à celui de la période 2002-2007. Cette progression serait soutenue par celle des salaires, poussés à la hausse par un taux de chômage qui serait durablement bas en perspective historique, et elle tient compte des difficultés de recrutement signalées par les entreprises dans nos enquêtes de conjoncture pour le court terme. Ce scénario intègre aussi une transmission usuelle à la fois des prix aux salaires et des salaires aux prix sur tout l’horizon de notre prévision, tout en étant bâti sur des anticipations de long terme qui restent ancrées eu égard à la crédibilité de la politique monétaire, ce qui évite une spirale inflationniste.
Dans ce scénario, les hausses de prix se transmettraient de façon partielle aux salaires, et réciproquement, selon les régularités historiques depuis le début des années 2000. On observerait alors une convergence vers des gains assez robustes de pouvoir d’achat des ménages, à 1,4 % en moyenne sur les deux années, et parallèlement un taux de marge des entreprises qui demeurerait à un niveau proche de celui qui avait prévalu avant la crise Covid, grâce à des hausses de salaire évoluant en ligne avec les gains de productivité.