Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Septembre 2018

▪ Dans un contexte international moins dynamique et plus incertain, la croissance du PIB en France serait de 1,6 % en 2018, 2019 et 2020. Elle resterait supérieure à la croissance potentielle, ce qui contribuerait à la poursuite de la baisse du taux de chômage.
▪ La demande intérieure reviendrait plus en ligne avec ses déterminants habituels après deux années particulièrement dynamiques.
▪ Après une année 2017 exceptionnelle en termes de demande mondiale adressée à la France, la contribution du commerce extérieur à la croissance resterait nettement positive en 2018 puis serait neutre ensuite.
▪ L’inflation totale (IPCH), après son pic de l’été 2018, atteindrait 2,1 % en moyenne annuelle, sous l’effet notamment des prix de l’énergie, avant de redescendre à 1,7 % en 2019 et 1,8 % en 2020. L’inflation hors énergie et alimentation se redresserait progressivement pour atteindre 1,5 % fin 2020.
▪ Le taux de chômage (BIT) baisserait progressivement, jusqu’à 8,3 % fin 2020 (France entière, y compris DOM). Le pouvoir d’achat des ménages progresserait de façon soutenue sur la période.

La croissance française des prochaines années serait de 1,6 %, inférieure à son pic élevé de 2017, mais supérieure à son rythme potentiel

La progression de l’activité s’établirait à partir de mi-2018 sur un rythme trimestriel de 0,4 % en moyenne. Ce rythme de croissance serait ainsi plus modéré que celui, très élevé, atteint en 2017 (0,7 % par trimestre), mais plus soutenu que celui observé au premier semestre 2018 (0,2 % par trimestre). En moyenne annuelle, la croissance de l’activité s’établirait ainsi chaque année à 1,6 % entre 2018 et 2020, après 2,3 % en 2017 (cf. graphique 1). Elle resterait supérieure à la croissance potentielle, ce qui contribuerait à la poursuite de la baisse du taux de chômage (cf. infra).

Cette projection a été finalisée le 5 septembre 2018. Elle intègre les comptes nationaux trimestriels publiés par l’Insee le 29 août 2018. Elle repose par ailleurs sur les hypothèses techniques et l’environnement international (cf. tableau A2 en annexe de cette publication) de l’exercice commun de projection de septembre de l’Eurosystème, arrêtées le 21 août 2018. Cet environnement international, moins porteur et sujet à une incertitude croissante (montée du protectionnisme, crises dans certaines économies émergentes, Brexit, etc.), se traduit notamment par un ralentissement de la demande adressée à la France (cf. infra).

Cette projection n’intègre pas les nouvelles mesures budgétaires pour 2019 et 2020 qui seront dans le projet de loi de finances à venir et dont certaines sont actuellement évoquées. Les mesures spécifiées dans la loi de finances pour 2019, aussi bien du côté des recettes que des dépenses, seront intégrées dans notre prochaine projection en décembre.

Dans le contexte de ralentissement de l’activité par rapport à l’an dernier, le ratio de déficit public se stabiliserait en 2018 à 2,6 % du PIB (cette projection n’intègre pas les révisions du déficit et de la dette de la notification publiée par l’Insee le 6 septembre 2018, qui reclasse notamment SNCF Réseau en administration publique à compter de l’année 2016 ; le déficit public notifié par l’Insee est ainsi relevé de 0,1 pp de PIB en 2016 et 2017).

La légère révision depuis notre prévision de juin s’explique principalement par un « trou d’air » plus marqué qu’attendu au premier semestre 2018

Depuis notre précédente publication de juin 2018, notre prévision de croissance est revue en baisse en 2018 (de 1,8 % à 1,6 %, ce qui représente – 0,1 point de pourcentage [pp] en arrondi d’écart) et 2019 (de 1,7 % à 1,6 %, – 0,1 pp) ; elle reste inchangée en 2020. Pour l’année 2018, cela traduit un « trou d’air » plus marqué qu’attendu au premier semestre 2018 : l’estimation par l’Insee de la croissance du premier trimestre a été révisée à la baisse de 0,1 point de pourcentage et la progression de l’activité n’a été que de 0,2 % au deuxième trimestre, légèrement inférieure à notre prévision de juin (0,3 %). Ce net ralentissement a été provoqué par un coup de frein plus fort qu’attendu sur la demande intérieure et extérieure.

Au-delà des éléments de court terme, l’élan est un peu moindre en 2019, du fait de l’environnement international moins porteur, avec en particulier une révision à la baisse de la demande adressée à la France. Celle-ci s’installerait ainsi sur un rythme un peu inférieur à 4 %, plus faible que celui connu en 2017 (5,0 %). En outre, l’appréciation du taux de change effectif de l’euro en moyenne annuelle entre 2017 et 2018 est importante et plus marquée que dans les hypothèses de juin. Le prix du pétrole en euros est, lui, assez peu révisé en projection. Sa remontée reste toutefois très forte entre 2017 et 2018 (+ 12,5 euros par baril).

Fin 2020, le taux de chômage serait au plus bas depuis fin 2008

Les créations nettes d’emplois ont été très soutenues en 2017 (330 000) et elles resteraient importantes en moyenne annuelle en 2018 (245 000). Elles fléchiraient quelque peu en 2019 (140 000) et 2020 (160 000). La réduction du nombre d’emplois aidés, surtout en 2018 et 2019, ralentirait en effet la progression de l’emploi total sur l’horizon de projection. En outre, avec le ralentissement de l’activité, les créations d’emplois dans le secteur privé ne progresseraient plus au rythme très élevé connu en 2017, comme déjà constaté au deuxième trimestre 2018.

Sur la base des projections démographiques de l’Insee, ceci permettrait au taux de chômage de continuer à décroître de 9,1 % au deuxième trimestre 2018 à 8,3 % fin 2020, son plus bas niveau depuis la fin de l’année 2008.

Après son pic récent, l’inflation totale se replierait jusqu’à mi-2019, avant de se stabiliser autour de 1,8 % en 2020

Après un pic à 2,6 % en juillet et août 2018, qui tient pour beaucoup à la forte augmentation des prix de l’énergie ainsi qu’aux hausses de taxes sur le tabac et l’énergie, l’inflation, mesurée par le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), se replierait jusqu’à l’automne 2019 (1,6 % attendu au troisième trimestre). Elle se raffermirait ensuite progressivement pour se stabiliser autour de 1,8 % en 2020 (cf. graphique 2).

Le redressement de l’inflation hors énergie et alimentation (1,0 % en moyenne en 2018, après 0,6 % en 2017) s’amorce déjà, très progressivement, depuis le début de l’année, avec en particulier une hausse des prix des biens manufacturés plus forte qu’attendu. L’inflation des services resterait cependant assez faible en 2018, du fait notamment de la baisse des loyers dans le secteur HLM et de celle des prix des télécommunications. Mais, en 2019 et 2020, une tendance haussière de l’inflation hors énergie et alimentation (1,4 % en 2019 et 1,5 % en 2020), en lien avec la baisse du taux de chômage et l’accélération des salaires, se dessinerait (cf. également l’encadré « Les évolutions de l’inflation hors énergie et alimentation en France sur longue période » des Projections macroéconomiques  de juin 2018).

Le pouvoir d’achat des ménages progresserait de façon soutenue à l’horizon de la projection

Le pouvoir d’achat des ménages progresserait de 1,0 % en 2018, après 1,4 % en 2017. Il accélèrerait à partir du second semestre de l’année 2018 et progresserait ainsi nettement en 2019 (1,7 %) et en 2020 (1,5 %). Cette progression du pouvoir d’achat des ménages serait tirée par deux facteurs. D’une part, le salaire nominal moyen par tête accélèrerait (2,0 % en 2018, 2,2 % en 2019 et 2,3 % en 2020, après 1,8 % en 2017) alors que les créations nettes d’emplois resteraient soutenues, même si moins élevées qu’en 2017-2018. D’autre part, le pouvoir d’achat des ménages bénéficierait, à partir de la fin 2018, de l’entrée en vigueur des mesures de baisse des prélèvements obligatoires (baisses de la taxe d’habitation et des taux de cotisations salariales notamment). Les mesures évoquées récemment dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances constituent toutefois un aléa à la baisse sur ce scénario.

La reprise d’une croissance assez soutenue à partir de la mi-2018 proviendrait à la fois de la demande intérieure et des exportations

La consommation des ménages a été faible au premier semestre 2018, dans un contexte de hausse temporaire de l’inflation totale. Elle rebondirait néanmoins à partir du second semestre avec l’accélération des gains de pouvoir d’achat. Les baisses de prélèvements obligatoires permettraient à la fois une hausse de la consommation et une reconstitution de l’épargne. Le taux d’épargne atteindrait ainsi 14,7 % en moyenne en 2020, après 14,2 % en 2017 (cf. encadré 1; « Composition du revenu, taux d’épargne et consommation des ménages » pour plus de détails). Au total, après un fléchissement en moyenne annuelle en 2018 (0,9 %, après 1,1 % en 2017), la consommation des ménages progresserait à un rythme un peu inférieur à celui du pouvoir d’achat en 2019 et 2020 (1,3 %, puis 1,4 %).

L’investissement des entreprises reviendrait vers un rythme de croissance plus conforme à ses déterminants habituels. Soutenu à la fois par le dynamisme de la valeur ajoutée privée, un coût de la dette toujours faible et un taux de marge des entreprises qui s’est redressé depuis son plus bas niveau de 2013, il continuerait tout de même à croître à un rythme nettement supérieur à celui de l’activité.

Après avoir connu une croissance exceptionnelle en 2017, l’investissement des ménages progresserait plus modérément en 2018 et 2019. Comme suggéré par les indicateurs de ventes et de mises en chantier de logements, ce mouvement se poursuivrait jusqu’au début de l’année 2019. L’investissement des ménages évoluerait ensuite plus en ligne avec la progression du pouvoir d’achat.

Après avoir fortement rebondi en 2017, les exportations ralentiraient dans le sillage de la demande mondiale, qui perdrait en vigueur à partir de 2018. Les effets de l’appréciation du change depuis le début de l’année 2018 se feraient également sentir et les performances à l’exportation, proches début 2018 de leur moyenne depuis 2010 (cf. graphique 4), ne progresseraient guère à l’horizon 2020. La hausse du taux de pénétration des importations se poursuivrait, mais la croissance des importations serait modérée par le ralentissement de la demande intérieure et des exportations.

La contribution du commerce extérieur à la croissance serait très positive en 2018 (0,4 pp, cf. graphique 3), notamment en raison d’un acquis élevé à l’issue du deuxième trimestre (0,4 pp). Elle serait ensuite neutre en 2019 et en 2020, grâce à une demande extérieure plus soutenue que la demande intérieure sur l’horizon de projection. D’ici à 2020, le solde du commerce extérieur se redresserait légèrement au-dessus de – 1,0 % du PIB, tout en restant déficitaire (cf. encadré 2; « Dans les comptes nationaux, une vision désormais moins dégradée du solde de nos échanges extérieurs » pour plus de détails).

Enfin, la contribution des stocks à la croissance serait négative en 2018, miroir partiel de la contribution positive du commerce extérieur. Elle serait légèrement positive en 2019 par effet d’acquis puis neutre en 2020.

Une montée de l’incertitude

Cette projection s’inscrit dans un contexte international marqué par une forte incertitude. Les aléas autour de la projection du PIB réel sont de ce fait légèrement négatifs en raison de la situation politique internationale. À court terme, l’aggravation de la situation dans certaines économies émergentes et les risques protectionnistes pourraient peser sur l’activité mondiale. En Europe, l’incertitude quant à la politique économique persiste pour les prochains mois qu’il s’agisse de l’orientation de la politique budgétaire en Italie ou de l’issue des négociations sur le Brexit. Enfin, les mesures protectionnistes − et l’incertitude accrue qu’elles génèrent − pourraient peser plus fortement et plus rapidement sur les échanges.

Les aléas propres à la France sont en revanche équilibrés. À court terme, il ne peut être exclu qu’une part plus importante que prévu des baisses de prélèvements obligatoires soit consommée d’ici à 2020, soutenant ainsi l’activité. À noter toutefois que la projection n’intègre pas les mesures partiellement annoncées ces dernières semaines et qui seront détaillées dans le projet de loi de finances complet pour 2019. À moyen terme, les réformes en cours et à venir pourraient se traduire par un supplément de croissance potentielle avant la fin de la période de projection.

Les aléas autour de la projection de l’inflation semblent également équilibrés. L’évolution à venir du prix du pétrole constitue un premier aléa. Il ne peut également être exclu que la diffusion du choc passé de prix du pétrole à l’inflation non énergétique soit plus importante qu’anticipé. En revanche, une croissance potentielle plus élevée et un chômage structurel plus bas pourraient retarder la remontée de l’inflation hors énergie et alimentation.

Encadré 1 -COMPOSITION DU REVENU, TAUX D’ÉPARGNE ET CONSOMMATION DES MÉNAGES

Le passage des comptes nationaux en base 2014 a donné lieu à des révisions significatives du revenu disponible brut (RDB) des ménages. Celles-ci traduisent essentiellement les révisions apportées aux flux versés et reçus de revenus financiers (intérêts et dividendes). L’Insee a totalement revu sa méthodologie, en particulier en exploitant désormais les données fiscales sur les ménages (Cf. « Les comptes nationaux passent en base 2014  » et « Le déficit courant et le besoin de financement de la France en base 2014  », mai 2018).
 

Ces révisions ont modifié le niveau du taux d’épargne jusqu’en 2005, qui est nettement plus bas dans les nouveaux comptes (cf. graphique A). Au regard de ce nouvel historique, le taux d’épargne à fin 2017 n’apparaît plus aussi bas que dans les comptes en base 2010. À l’inverse les niveaux de 2009 à 2013, marqués par un profil en cloche, semblent particulièrement élevés. Ceci pose la question de l’évolution à moyen terme du taux d’épargne des ménages pour la projection.
 

La modification substantielle des données nous a conduits à estimer une nouvelle équation de consommation (Pour la spécification utilisée jusqu’à présent, cf. Faubert, V. et Olivella Moppett, V. 2015, « Comment expliquer la hausse du taux d’épargne des ménages français depuis le début de la crise  », Rue de la Banque, n° 9, septembre). L’équation initiale supposait que la consommation, au-delà de ses fluctuations de court terme, évoluait de manière à faire revenir le taux d’épargne vers une cible de long terme. C’est ce comportement de long terme qui est modifié dans la nouvelle équation. La spécification retenue, inspirée de Bonnet et Poncet (cf. Bonnet, X. et Poncet, H. 2004, « Structures de revenus et propensions différentes à consommer  », Document de travail, Insee, décembre), présente deux nouveautés.

  • Tout d’abord, la consommation dépend à long terme du revenu disponible hors revenus financiers nets (revenus financiers nets = intérêts nets reçus + dividendes nets + autres revenus nets [revenus distribués aux assurés, loyers des terrains]) et non plus du RDB total. Le taux d’épargne, défini, lui, en fonction du RDB total, peut donc se déformer selon l’évolution du poids des revenus financiers nets.
  •  D’autre part, la part consommée du RDB hors revenus financiers est affectée par la composition de celui-ci, et dépend positivement de deux ratios : i) la part des salaires bruts (hors cotisations employeurs) et des prestations sociales, et ii) la part de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des entrepreneurs indépendants (EI) dans le RDB des ménages hors revenus financiers nets.
     

La présence de termes liés à la composition du RDB traduit l’idée que les propensions marginales à consommer un surcroît de revenu peuvent différer selon sa source. Selon l’équation ainsi estimée, un choc sur les revenus salariaux ou les prestations, à autres revenus fixés, est consommé presque intégralement et le taux d’épargne est quasi inchangé. En revanche, une baisse de prélèvements obligatoires (PO) est pour moitié consommée et pour moitié épargnée. Elle provoque donc à la fois un surcroît de consommation et une hausse du taux d’épargne. Une baisse des PO d’un montant équivalent à 1 point de RDB provoque, toutes choses égales par ailleurs, une remontée du taux d’épargne de l’ordre de 0,3 point à long terme. Pour les revenus financiers nets, ces estimations suggèrent une propension à consommer proche de zéro, les chocs sur ces revenus affectant uniquement l’épargne.
 

Par rapport à la précédente modélisation sans effets de composition, la force de rappel vers les déterminants de long terme de la nouvelle équation, qui permet de stabiliser la part de la consommation dans le revenu, est nettement plus élevée. Globalement, suite à un choc sur le RDB réel (hors revenus financiers nets), laissant inchangée la composition du revenu, la consommation s’ajuste de 60 % environ au bout d’un an, contre 50 % dans l’ancienne équation.
 

Par ailleurs, cette équation reproduit de manière beaucoup plus fidèle les évolutions du taux d’épargne depuis 2005 (cf. graphique B). Le taux d’épargne, qui était surestimé de 2002 à 2008 dans l’équation précédente, ne l’est plus et le profil en cloche entre 2009 et 2013 est bien expliqué par les déterminants de l’équation. Ainsi, le profil du taux d’épargne sur 2009-2013 est dû à deux effets distincts : i) en 2008, la part de l’EBE des EI diminue et pousse le taux d’épargne à la hausse; ii) en 2012, les hausses importantes de prélèvements obligatoires font baisser le taux d’épargne. Sur la période récente, le taux d’épargne simulé est seulement légèrement supérieur à celui observé, en lien avec la poursuite de la baisse de la part de l’EBE des EI dans le RDB des ménages.
 

En prévision, la structure du RDB des ménages est fortement affectée par les baisses prévues de prélèvements obligatoires, dont la part dans le revenu baisserait de l’ordre de 1,3 point entre 2017 et 2020. Celles-ci soutiendraient la progression de la consommation des ménages mais, conformément aux estimations précédentes, seraient également en partie épargnées, de sorte que le taux d’épargne des ménages progresserait de l’ordre de 0,5 point de pourcentage entre 2017 et 2020 dans notre prévision. Des incertitudes demeurent bien évidemment autour de cette évaluation du taux d’épargne en 2020. Dans un scénario où les effets de composition du RDB joueraient très fortement, le taux d’épargne pourrait être encore plus élevé, induisant une consommation et un PIB plus faibles que ceux prévus dans notre scénario central. À l’inverse, un taux d’épargne qui retrouverait sa moyenne historique (14,5 % en moyenne entre 1995 et 2017) avec un moindre impact des effets de composition du RDB irait de pair avec des niveaux plus élevés de consommation et de PIB.

Encadré 2 - DANS LES COMPTES NATIONAUX, UNE VISION DÉSORMAIS MOINS DÉGRADÉE DU SOLDE DE NOS ÉCHANGES EXTÉRIEURS

Stabilité du solde du commerce extérieur français depuis dix ans

Le passage en base 2014 des comptes nationaux publiés par l’Insee en mai 2018 (cf. « Les comptes nationaux passent en base 20 14 » et « Le déficit courant et le besoin de financement de la France en base 2014  », mai 2018), conjugué aux révisions sur les échanges de services mesurés par la Banque de France (cf. « Présentation des chiffres révisés du tourisme en France  », janvier 2018 ; concernant le solde du tourisme, la Banque de France a rendu publiques en avril 2018 de nouvelles estimations liées à une refonte de la méthode d’exploitation de l’enquête auprès des visiteurs venant de l’étranger : il en résulte une amélioration d’une dizaine de milliards d’euros de l’excédent touristique annuel de la France), a substantiellement modifié le diagnostic sur les échanges extérieurs de la France.
 

Ainsi, après avoir connu une forte détérioration dans les années 2000, sous l’effet de la montée des pays émergents, de l’internationalisation des chaînes de valeur et d’une dégradation de la compétitivité-coût, le déficit du commerce extérieur de biens (y compris énergie) et services, tel que mesuré dans les comptes nationaux, a été globalement stable depuis 2008, autour de – 1,0 % du PIB en valeur (cf. graphique A). Il s’est ainsi établi à – 1,1 % du PIB en 2017 (– 25,3 milliards d’euros), proche de son niveau de 2008 (– 1,2 % du PIB). L’évolution est nettement plus favorable que dans les comptes nationaux en base 2010, où le déficit commercial était près du double en 2017 (– 2,5 % du PIB, soit – 57,7 milliards d’euros) et en nette dégradation par rapport à 2008 (– 1,8 % du PIB).
 

Déficit des échanges de biens et excédent des échanges de services

Cette stabilisation globale depuis dix ans masque des trajectoires différentes parmi les composantes du solde du commerce extérieur.

La composante énergétique (produits bruts DE et raffinés C2, cf. nomenclature agrégée – NA, 2008  de l’Insee – se reporter au niveau d’agrégation A 17) fluctue fortement. Elle a particulièrement pesé sur le déficit commercial jusqu’en 2014 (à hauteur de – 54 milliards d’euros par an en moyenne, soit – 2,6 % du PIB), avant de refluer dans le sillage de la baisse du prix du pétrole (contribution de – 34 milliards d’euros, soit – 1,5 % du PIB en moyenne entre 2014 et 2017).
 

De son côté, le solde des biens et services hors énergie (cf. graphique B) apparaît désormais excédentaire en 2017, à 0,5 % du PIB, alors qu’il était nettement déficitaire, à – 1,0 % du PIB, en base 2010. En outre, sa dégradation entre 2008 et 2017, de l’ordre de – 1,1 point de PIB, est moins défavorable que celle qui prévalait dans les comptes nationaux en base 2010 (recul de – 1,7 point de PIB). Il semble également qu’après le point bas de début 2017, le solde des échanges de biens et services hors énergie pourrait se rapprocher du niveau moyen des dix dernières années. Il bénéficierait du rebond global attendu des échanges mondiaux (après le « trou d’air » du premier semestre 2018) et des livraisons aéronautiques attendues fortes en fin d’année, comme en 2016 et 2017.
 

Par produit, le solde des échanges de services est largement excédentaire, alors que celui des biens hors énergie est déficitaire.
 

Le solde des échanges de biens hors énergie a globalement été équilibré entre mi-2012 et mi-2015, mais il s’est ensuite dégradé pour s’établir à – 1,0 % du PIB en moyenne sur 2017. Cette rechute s’explique à la fois par des importations dynamiques, en lien avec le rebond de l’activité (cf. Gaulier, G. et Ouvrard, J.-F. 2017, « Le dynamisme récent des importations est-il surprenant ?  », Bloc-notes Éco, Banque de France), et par des exportations décevantes, notamment du fait de difficultés rencontrées par les points forts de la spécialisation française (aéronautique, agriculture, etc., cf. Camatte, H. et Gaulier, G. 2018, « Spécialisation sectorielle et rechute du commerce extérieur français en 2014-2016  », Bloc-notes Éco, Banque de France, et Rue de la Banque, Banque de France, à paraître). La composante « services » est en revanche largement excédentaire. L’excédent de 0,9 % du PIB en moyenne entre 2008 et 2014 a temporairement fléchi en 2015 et 2016 (0,5 % du PIB), en particulier parce que le secteur du tourisme a pâti des attentats de Paris et de Nice. Le solde des services s’est redressé en 2017 (0,7 % du PIB), sans toutefois retrouver encore son pic de 2012. Enfin, la contribution de la correction CAF-FAB appliquée par l’Insee pour obtenir une valeur franco à bord (FAB) des importations est stable depuis 2008, à 0,7 % du PIB.
 

Par ailleurs, au-delà du solde de la balance commerciale (biens et services), c’est l’ensemble du solde courant, intégrant les flux de revenus, qui est pertinent pour l’examen de la soutenabilité extérieure des évolutions à l’œuvre en France. De ce point de vue, les révisions concomitantes de la balance des paiements, avec un solde courant limité à – 0,6 % du PIB en 2017 (cf. Banque de France, 2018, Rapport annuel – La balance des paiements et la position extérieure de la France 2017 , août), apparaissent également moins défavorables que dans les évaluations précédentes.
 

À l’horizon 2020, le solde du commerce extérieur se redresserait légèrement au-dessus de – 1,0 % du PIB, tout en restant déficitaire. Les exportations en volume resteraient en effet robustes avec un rythme proche de la demande mondiale, autour de 4 % par an. Elles progresseraient ainsi un peu plus vite que les importations en volume, compte tenu d’une demande intérieure moins dynamique sur 2018 2020 qu’en 2016 2017. Pour autant, en dépit d’une évolution modérée de notre demande intérieure et d’un environnement externe relativement favorable, le déséquilibre de nos échanges extérieurs ne se résorberait pas d’ici à 2020.
 

 

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Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Septembre 2018
  • Publié le 14/09/2018
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Mis à jour le : 17/04/2019 10:52