Document de travail n°671 : Retards de paiement : propagation et punition

Dans le présent document, nous nous concentrons sur l'externalité négative du resquillage des systèmes de paiement à l'aide des données de Target2 sur la période 2008-2014. Nous analysons le comportement de retards des banques et testons en particulier deux hypothèses principales : (i) une banque réagit-elle aux retards en retardant les paiements aux contreparties qui les retardent, un effet de " réaction stratégique " ? (ii) Une banque propage-t-elle des retards " en amont " qui lui sont retardés, un effet de " répercussion " ? Nos constatations suggèrent que les retards ne résultent pas du jeu des sanctions bilatérales des banques, mais plutôt des pratiques de gestion des liquidités intra journalières. Dans le même temps, les banques ont tendance à retarder davantage lorsqu'elles sont confrontées à des retards à l'arrivée.

La figure ci-dessus montre qu'entre 2008 et 2014, en moyenne, seulement 85 % des paiements quotidiens ont été réglés en moins de 5 minutes. La simple existence de tels retards dans un système de règlement brut est déjà déconcertante puisque tous les paiements doivent être réglés immédiatement, étant donné que les banques disposent de suffisamment de liquidités pour effectuer leurs paiements.

Le bon fonctionnement de l'infrastructure financière est crucial pour la stabilité du système financier et la transmission de la politique monétaire. Les systèmes de paiement jouent un rôle clé dans la transmission de liquidité entre agents financiers. Le système de paiement Target2 est le système de règlement brut en temps réel (RTGS) de l'Eurosystème, dont le chiffre d'affaires annuel a atteint 470 000 milliards d'euros en 2015, ce qui équivaut à 30 fois le PIB de la zone euro. Les systèmes RBTR présentent un avantage par rapport aux systèmes de règlement net puisqu'ils règlent les paiements immédiatement et irrévocablement. Cela permet de réduire le risque de règlement tout en augmentant les besoins de liquidité des participants. Comme le suggère la littérature, lorsque le prix de la liquidité est élevé, les participants peuvent être prêts à retarder leurs paiements en attendant les paiements entrants. Dans certaines circonstances, un tel comportement peut être très perturbateur ; par exemple, des problèmes de transfert de liquidité entre agents peuvent conduire à un gel complet de leur activité économique. Les retards dans les systèmes de paiement ont attiré beaucoup d'attention de la part des banques centrales et des spécialistes des systèmes de paiement en raison de leur potentiel de menacer le fonctionnement du système en provoquant des blocages.

Nous contribuons aux volets théorique et empirique de la documentation sur les retards de paiement. Premièrement, nous confirmons que les banques retardent les paiements dans le système de paiement TARGET2 au cours de la période 2008-2014 et que le volume des paiements retardés évolue au fil du temps. Deuxièmement, nous remettons en question l'affirmation de la littérature théorique selon laquelle les banques retardent stratégiquement les paiements sur une base de paiement par paiement, en réponse au retard des paiements entrants. Pour ce faire, nous utilisons les résultats de la littérature sur l'économétrie des réseaux et proposons une approche économétrique qui nous permet de distinguer deux types de réponses. En effet, une banque réagit en ne retardant les paiements qu'aux contreparties qui lui retardent, un effet de " réaction stratégique ", ou bien une banque propage simplement des retards " en amont " qui lui sont retardés, un effet de « pass-through » . Nous traitons les questions d'endogénéité en concevant un ensemble de variables instrumentales pertinentes.

Nos constatations suggèrent un petit effet de transmission statistiquement significatif, de l'ordre de quelques pour cent de la valeur retardée. Cependant, la réaction stratégique, pendant la journée, n'est qu'une partie mineure des décisions de retard. En d'autres termes, nous constatons que les banques ne retardent pas stratégiquement les paiements aux contreparties qui ont précédemment retardé leurs paiements sur une base de paiement par paiement. En fait, les retards de paiement semblent plutôt faire partie des pratiques de gestion intégrale de la liquidité des banques et sont probablement intervenus au début de la journée, lorsque les banques décident de la quantité de liquidités à fournir au système. Alors que les décisions stratégiques prises tout au long de la journée ont un effet mineur ou sont absentes. Il convient de noter que tous ces résultats se maintiennent pendant des jours où il n'y a pas eu de panne majeure dans le système.