Dans les modèles de travail utilisés dans la plupart des analyses du cycle économique, l'activité économique fluctue de façon symétrique autour d'un « taux naturel » et les politiques de stabilisation n'ont pas d'effet notable sur le niveau moyen de la production et du chômage. Au mieux, les politiques de stabilisation peuvent réduire les fluctuations inefficientes autour du taux naturel. Par conséquent, dans ces modèles, les gains de bien-être des politiques de stabilisation sont négligeables.
Selon un point de vue alternatif, les contractions économiques impliquent des chutes de la production en dessous du plein potentiel ou du niveau maximum de l'économie. Milton Friedman a proposé l'analogie d'un « plucking model » ou « modèle à fil tiré » pour exprimer cette conception des cycles économiques : « Dans cette analogie, [...] le niveau de production est considéré comme heurtant le plafond de production maximale réalisable, hormis quand il est par moment réduit par une contraction cyclique » (Friedman, 1964, 1993). Dans la vision du monde du modèle à fil tiré, une politique de stabilisation qui élimine ou rend moins sévères les périodes où la production est « tirée vers le bas » - les contractions - augmente le niveau moyen de la production et diminue le taux de chômage moyen. Les politiques de stabilisation peuvent donc potentiellement accroître le bien-être de façon substantielle.
Nous montrons que la dynamique du taux de chômage aux États-Unis parle fortement en faveur du modèle à fil tiré du cycle économique. Une implication du modèle à fil tiré - mise en avant par Friedman - est que la dynamique du chômage devrait présenter l'asymétrie suivante : une contraction économique est suivie d'une expansion d'amplitude similaire - comme si l'économie se rétablissait à son niveau maximal - alors que l'amplitude d'une contraction n'est pas liée à l'expansion précédente - chaque fois que l'économie est tirée vers le bas, cela semble être un événement nouveau. Nous appelons cette asymétrie la propriété de fil tiré. Nous présentons des résultats empiriques qui indiquent fortement que le taux de chômage américain présente la propriété de fil tiré: L'augmentation du chômage pendant une contraction permet de prévoir l'amplitude de l'expansion suivante à raison d'un pour un, tandis que la baisse du chômage pendant une expansion n'a pas de pouvoir explicatif sur l'ampleur de la contraction suivante.
Les données empiriques dont nous disposons donnent à penser que l'évaluation des politiques macroéconomiques devrait être effectuée à l'aide de modèles capables de capturer la propriété de fil tiré. À cette fin, nous examinons si un modèle standard de frictions d’appariement sur le marché du travail peut rendre compte de la propriété de fil tiré que nous documentons dans les données. Nous trouvons que la version standard de ce modèle ne le peut pas. La courbe de demande de travail agrégée de ce modèle présente une non-linéarité qui peut générer une quantité modeste de propriété de fil tiré, mais beaucoup moins que dans les données.
Pour répliquer la propriété de fil tiré que nous documentons dans les données, nous introduisons une rigidité à la baisse des salaires nominaux dans le modèle de frictions d'appariement. Nous montrons que le modèle à frictions d'appariement, augmenté d'une rigidité à la baisse des salaires nominaux, peut répliquer quantitativement la propriété de fil tiré. Intuitivement, notre modèle reproduit la propriété de fil tiré parce que les chocs positifs entraînent surtout des hausses de salaire, tandis que les chocs négatifs entraînent surtout des hausses du chômage.
La nature de fil tiré de notre modèle a des implications normatives importantes. Il implique que les fluctuations du chômage sont des fluctuations au-dessus d'un point de repos de chômage bas, et non des fluctuations symétriques autour d'un taux naturel. Par conséquent, une réduction de la volatilité des chocs agrégés réduit non seulement la volatilité du taux de chômage, mais aussi son niveau moyen. Éliminer les chocs agrégés dans notre modèle calibré réduit le taux de chômage moyen de 5,8 % à 4,6 %.