Le regain d’inflation modifie le contexte dans lequel s’effectuent les négociations salariales dans les branches et les entreprises. Enjeu central pour la politique monétaire, la transmission des hausses de prix aux salaires (et réciproquement) est suivie attentivement. L’analyse de milliers d’accords de branche et d’entreprise en France révèle que les salaires négociés ont progressé significativement entre fin 2020 et début 2023. Dans les branches, les augmentations ont été soutenues par celles du Smic en 2022. Dans les entreprises, les hausses négociées pour 2023 sont en moyenne de 4,4 % (contre 2,8 % en 2022 et 1,4 % en 2021), auxquelles s’ajoutera souvent une prime de partage de la valeur. Ces résultats ne révèlent pas d’emballement d’une spirale prix salaires et sont cohérents avec les projections de la Banque de France d’un repli graduel de l’inflation en 2023 et d’un retour vers l’objectif de 2 % de l’Eurosystème d’ici fin 2024 à fin 2025.
La hausse des prix à la consommation a été forte depuis fin 2021 : en moyenne annuelle sur 2022, l’inflation a atteint 5,2 % selon l’indice des prix à la consommation (IPC) mesuré par l’Insee et se situe même autour de 6 % en glissement sur douze mois depuis l’été 2022. Elle est néanmoins prévue en repli en 2023, pour revenir vers 2 % d’ici fin 2024 à fin 2025 (Banque de France, 2023).
Une inflation plus soutenue accroît les revendications salariales, dans un contexte de chômage historiquement bas et où les difficultés de recrutement touchent un grand nombre de secteurs. Toutefois, une répercussion de l’inflation aux salaires qui serait automatique et uniforme (comme dans le cas d’une indexation) contribuerait à entretenir une inflation durablement élevée, ce qui pénaliserait l’économie dans son ensemble. En outre, lorsque, comme en 2021‑2022, le choc inflationniste prend son origine dans la hausse des prix importés, en particulier ceux de l’énergie, l’inflation agit comme un prélèvement extérieur sur le revenu national qu’il s’agit ensuite de répartir équitablement entre les ménages et les entreprises.
En France, les salaires sont négociés ou fixés à plusieurs niveaux. Au niveau national, le Smic (salaire minimum interprofessionnel de croissance) fixe un salaire plancher pour l’ensemble des salariés. Au niveau des branches professionnelles, des salaires minima sont négociés par type d’emploi et jouent en particulier un rôle important pour les plus petites entreprises. Enfin, au niveau des entreprises, des accords collectifs sur les salaires effectifs peuvent être signés entre les représentants syndicaux et les chefs d’entreprise en particulier dans les grandes entreprises. Aux trois niveaux, les négociations de salaire suivent généralement un calendrier annuel. Cet article décrit comment les négociations collectives ont pris en compte le choc inflationniste en analysant les accords signés dans plusieurs centaines de branches et plus d’un millier d’entreprises entre fin 2020 et début 2023.
Les principaux résultats sont les suivants :
• Le Smic a protégé le pouvoir d’achat des salariés les moins rémunérés puisqu’il est indexé sur l’inflation. Il a été revalorisé régulièrement depuis fin 2021 à la hauteur de l’inflation cumulée ;
• Beaucoup de minima de branche ont été eux aussi révisés assez rapidement en 2022 à la suite de la hausse du Smic. Toutefois, si ce dernier augmente de 6,6 % en glissement sur un an début 2023, la progression moyenne des minima de branche se situe un peu en dessous de 5 %...
Mis à jour le : 26/04/2023 10:00