L’économie française a connu, de 2016 à 2019, une forte croissance de l’emploi, avec plus d’un million d’emplois marchands créés en quatre ans. De nombreuses réformes ont été mises en œuvre et ont pu contribuer à ce dynamisme : baisses de coût du travail (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi CICE en 2013 et pacte de responsabilité et de solidarité PRS en 2015), loi El Khomri en 2016, ordonnances sur le travail en 2017 et loi Pénicaud en 2018. Cet article revient sur l’effet de la baisse du coût du travail, à partir du modèle de prévision et de simulation pour la France de la Banque de France (FR- BDF). Sous l’hypothèse que ces mesures auraient été intégralement financées, nous estimons que les allègements du coût du travail grâce au CICE-PRS auraient permis de créer près de 240 000 emplois marchands sur le million d’emplois créés entre fin 2015-fin 2019, soit 24 % des créations d’emplois. Cette évaluation est sensiblement plus élevée que celles publiées cette année par France Stratégie (comprises entre 100 000 emplois pour l’estimation microéconométrique sur 2013-2016 et 160 000 emplois pour l’estimation macroéconomique sur 2013-2017). Cet écart s’explique principalement par la période plus longue retenue ici (2013-2019), ce qui souligne l’importance de prendre en compte le temps long de montée en charge de l’effet des politiques économiques.
La dynamique des créations d’emplois s’est modifiée à la fin de l’année 2015 (cf. graphique 1). La progression de l’emploi salarié non marchand (emploi public et emplois aidés) observée depuis 2012 a fait place, fin 2015, à une forte hausse de l’emploi salarié marchand, l’emploi salarié non marchand stagnant, voire diminuant.
Sur la période fin 2015-fin 2019, ce sont ainsi près de 90 % des créations d’emplois qui se concentrent dans l’emploi salarié marchand, soit 1,007 million d’emplois. La dynamique de l’emploi salarié marchand observée au cours de ces quatre années n’a été dépassée que deux fois au cours des quarante dernières années : au début des années 1990, puis au début des années 2000.
Ces fortes créations d’emplois salariés marchands coïncident avec la mise en place d’importantes politiques de baisse du coût du travail (cf. encadré 1). Nous examinons ici dans quelle mesure elles peuvent expliquer la bonne performance de l’économie française en matière de créations d’emplois.
Nous nous appuyons sur l’équation d’emploi salarié marchand du modèle macroéconométrique de prévision et de simulation pour la France de la Banque de France (FR-BDF) – cf. Lemoine et al., 2019. Le graphique 2 décompose la progression de l’emploi salarié marchand selon les contributions de ses déterminants dans cette équation : l’activité (valeur ajoutée marchande), le coût réel du travail, la durée du travail (cf. encadré 2) et les anticipations des agents (cf. annexe). La progression de l’emploi salarié marchand apparaît cohérente avec celle de ses déterminants : la part inexpliquée de l’évolution de l’emploi est réduite. Les deux facteurs principaux sont logiquement le coût réel du travail, à partir de début 2016, puis l’activité, qui prend ensuite nettement le relais à partir de mi 2017.
Cependant, l’analyse de ces contributions économétriques ne permet pas de quantifier les effets réels des allègements du coût du travail sur l’emploi. La contribution du coût du travail réel ne traduit en effet pas uniquement l’impact des allègements de cotisations sociales (CICE-PRS), dans la mesure où ces dispositifs affectent également l’activité et les prix. Il faut ainsi construire un véritable scénario contrefactuel en l’absence de ces aides, pour en estimer l’impact.
Mis à jour le : 21/10/2020 10:56