Le Bulletin de la Banque de France n°236 : Article 6 Mesurer les anticipations d’inflation des entreprises

Les anticipations d’inflation des agents économiques sont cruciales pour la politique monétaire, en particulier celles des entreprises, car elles fixent les prix des biens et services produits et consommés dans la zone euro. La Banque de France a donc mis en place, fin 2020, une enquête pilote dans deux grandes régions pour recueillir l’opinion des chefs d’entreprise sur l’inflation en France. Selon cette enquête expérimentale, qui sera généralisée fin 2021, les chefs d’entreprise anticipent, en moyenne, une inflation entre 1,9 % et 2,2 % sur des horizons de un à cinq ans, en ligne avec l’objectif de politique monétaire. De plus, leurs avis sont assez homogènes : près de 60 % des réponses sont comprises entre 0 et 2 %. Ces anticipations diffèrent de celles des ménages. Ces derniers prévoient une inflation moyenne nettement supérieure (environ 3,5 % fin 2020), avec une dispersion de leurs réponses plus marquée.

1 Mesurer les anticipations d’inflation des entreprises en France

Depuis les années 1990, les banques centrales ont fait évoluer leur communication pour rendre leur politique monétaire plus transparente et prévisible. La communication est ainsi devenue un outil supplémentaire de politique monétaire. Avoir une communication claire permet en effet d’ancrer les anticipations des agents économiques sur l’objectif de la politique monétaire et de rendre les décisions de politique monétaire plus efficaces (Barthélémy et al., 2019). En particulier, un enjeu essentiel de ces politiques de communication est de stabiliser les anticipations d’inflation des agents économiques à un niveau proche de la cible d’inflation (Blinder et al., 2008).

Suivre les anticipations d’inflation des ménages et des entreprises est crucial pour la politique monétaire

Les indicateurs traditionnels de suivi des anticipations ont longtemps reposé à titre principal sur des informations de marché (par exemple, Inflation‑Linked Securities – ILS, titres indexés sur l’inflation) ou sur des informations recueillies directement auprès de prévisionnistes professionnels (par exemple, le Survey of Professional Forecasters – SPF, enquête auprès des prévisionnistes professionnels de la Banque centrale européenne – BCE). Un certain nombre d’études s’appuient sur ce type de données afin de montrer que la communication des banques centrales, notamment l’adoption d’une cible explicite d’inflation, a contribué à diminuer et stabiliser les anticipations d’inflation (Ehrmann, 2021). Toutefois, les participants des marchés financiers et les professionnels ont une compréhension fine des mécanismes macroéconomiques et se distinguent du grand public par leur niveau plus élevé d’information et d’attention à la politique monétaire. Il paraît donc difficile d’extrapoler les anticipations des prévisionnistes ou issues des marchés financiers pour en déduire ce qu’en pense l’ensemble des agents économiques et en particulier les entreprises et les ménages.

Ainsi, le suivi des anticipations d’une population plus large que celle des seuls experts est devenu aujourd’hui un enjeu central car les banques centrales ont adapté leur communication pour s’adresser plus directement aux entreprises et aux ménages (Draghi, 2014 ; Haldane et McMahon, 2018). La communication de la banque centrale peut en effet contribuer à influencer les anticipations d’inflation des entreprises et des ménages et renforcer ainsi l’efficacité de la politique monétaire (Binder, 2017). Cette communication a pour objectif d’ancrer les anticipations d’inflation des ménages et des entreprises au niveau de la cible d’inflation. ...

Télécharger la version PDF du document

publication
Le Bulletin de la Banque de France n°236 : Mesurer les anticipations d’inflation des entreprises
  • Publié le 30/08/2021
  • 10 page(s)
  • FR
  • PDF (367.74 Ko)
Télécharger (FR)
Recherche économique

Mis à jour le : 03/09/2021 12:02