Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Décembre 2018

▪ Dans un contexte de fortes incertitudes, le PIB en France progresserait autour de 1,5 % par an en 2018 2021, un rythme encore supérieur à la croissance potentielle et permettant une baisse graduelle du taux de chômage.

▪ Après des années 2016-2018 contrastées, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait globalement neutre.

▪ La progression de la demande intérieure resterait robuste, avec une consommation des ménages soutenue par le pouvoir d’achat en 2019 (cf. développements et encadrés infra).

▪ L’inflation totale (IPCH), compte tenu du pic de l’été, atteindrait 2,1 % en moyenne annuelle en 2018 sous l’effet notamment des prix de l’énergie. Elle fluctuerait ensuite auto­ur de 1,6 %-1,7 % en 2019-2021. L’inflation hors énergie et alimentation se redresserait progressivement pour atteindre 1,6 % en 2021, en lien avec la baisse du chômage.

Cette projection inclut les comptes nationaux trimestriels jusqu’au troisième trimestre 2018, publiés par l’Insee
le 30 octobre. Elle intègre une hausse du PIB de 0,2 % au quatrième trimestre, qui a été confirmée par l’ISMA (indicateur synthétique mensuel d’activité) publié le 10 décembre. Elle repose par ailleurs sur les hypothèses techniques et l’environnement international (cf. tableau A2 en annexe dans le pdf de cette publication) de l’exercice commun de projection de décembre de l’Eurosystème, arrêtées le 21 novembre, en particulier en ce qui concerne le prix du pétrole. En outre, cette projection incorpore les mesures annoncées jusqu’au projet de loi de finances (PLF) 2019, la plupart pour 2019, et certaines pour 2020 (cf. infra). En revanche, elle ne tient pas compte des mesures annoncées par le Président de la République et le Gouvernement postérieurement au 28 novembre, qui sont notamment susceptibles d’affecter les évolutions des prix à la consommation et du pouvoir d’achat ainsi que le déficit public.

 

La croissance française resterait supérieure à l’estimation de son rythme potentiel

Faible en début d’année 2018, la croissance s’est raffermie au troisième trimestre mais les indications conjoncturelles récentes laissent de nouveau attendre un fléchissement temporaire sur le dernier trimestre de l’année, du fait notamment des perturbations de l’activité induites par le mouvement des « gilets jaunes ». En moyenne annuelle, le PIB progresserait ainsi de 1,5 % en 2018, après 2,3 % en 2017. Au-delà de ces à-coups trimestriels, les perspectives restent toutefois favorables et l’activité s’installerait sur un rythme autour de 0,4 % par trimestre à partir du début 2019, pour s’établir en moyenne annuelle à 1,5 % en 2019 et 1,6 % en 2020 (cf. graphique 1). La croissance du PIB serait supérieure à notre estimation de la croissance potentielle autour de 1,3 %, ce qui permettrait un comblement durable de l’écart de croissance (output gap) fin 2019. À mesure que le cycle économique se prolonge, il est naturel que la croissance du PIB revienne vers son rythme potentiel et elle s’infléchirait ainsi légèrement à 1,4 % en 2021. À moyen terme, les réformes en cours pourraient cependant, en particulier si elles se poursuivent, se traduire d’ici 2021 par une baisse plus significative du chômage structurel et un supplément de croissance.

Les perspectives de croissance pour 2018-2020 sont peu modifiées depuis notre projection de septembre. La publication par l’Insee des comptes trimestriels du troisième trimestre 2018 s’est avérée conforme à notre prévision. La révision à la baisse que nous inscrivons en 2018 et 2019 provient essentiellement de perspectives moins favorables pour le quatrième trimestre 2018.

Les hypothèses techniques et internationales sont proches de celles sur lesquelles reposait la projection de septembre, avec toutefois un aléa négatif (cf. infra). Les projections de croissance de la demande mondiale sur 2018-2021 sont en retrait par rapport au rythme soutenu connu en 2017 et elles demeurent marquées par une forte incertitude mondiale. La France profiterait néanmoins de la résilience de l’économie européenne : la demande adressée par nos partenaires de la zone euro rebondirait nettement en 2019 après le « trou d’air » de 2018 et resterait dynamique ensuite. La légère dépréciation récente du taux de change effectif nominal de l’euro ne compense pas la forte appréciation depuis 2017 mais soutient quelque peu la compétitivité française. Surtout, la forte décrue récente du prix du pétrole lui a permis de revenir vers des niveaux un peu inférieurs à ceux sur lesquels reposait la projection de septembre, donc un peu plus favorables pour l’économie française.

Après son pic récent, l’inflation totale se replierait jusqu’à mi-2019, avant de fluctuer autour de 1,7 % en 2020-2021

Après un pic à 2,6 % en juillet et août 2018, qui tient pour beaucoup à la forte augmentation du prix de l’énergie ainsi qu’aux hausses de taxes sur le tabac et l’énergie, l’inflation, mesurée par le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), se replierait jusqu’à l’automne 2019. Elle se raffermirait ensuite progressivement pour fluctuer autour de 1,7 % en 2020 et 2021 (cf. graphique 2).

Le redressement de l’inflation hors énergie et alimentation (0,9 % en moyenne en 2018, après le niveau très bas de 0,6 % en 2017) s’amorce déjà, très progressivement, depuis le début de l’année, avec en particulier une hausse des prix des biens manufacturés. L’inflation des services resterait certes assez faible en 2018, du fait notamment de baisses de loyers dans le secteur HLM, de la diminution des prix des télé­communications et de baisses ponctuelles dans les trans­ports, malgré une hausse de l’inflation de nombreux autres postes des services. Progressivement l’ensemble de l’inflation hors énergie et alimentation devrait augmenter plus nettement (1,3 % en 2019, 1,4 % en 2020 et 1,6 % en 2021), en lien avec la baisse du taux de chômage et l’accélération des salaires. Cela rééquilibrerait la composition de l’inflation totale, dans un contexte où les prix de l’énergie, après une baisse fin 2018‑début 2019, connaîtraient une hausse modérée.

Tirée par la hausse du pouvoir d’achat, la consommation des ménages demeurerait robuste

Après trois trimestres de croissance atone, la consommation des ménages a rebondi comme attendu au troisième trimestre 2018. En début d’année, les hausses importantes des prix de l’énergie et du tabac s’étaient en effet conjuguées à la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), affaiblissant temporairement le revenu disponible des ménages. À l’inverse, la baisse de la taxe d’habitation et des cotisations sociales salariales ainsi que le repli des prix de l’énergie soutiendraient fortement le pouvoir d’achat des ménages en cette fin d’année. Ce dernier progresserait au final significativement sur l’année, de l’ordre de 1,4 % en moyenne annuelle. Le pouvoir d’achat augmenterait ensuite encore plus nettement en 2019 (1,7 %), avant de ralentir progressivement en 2020 et 2021 (cf. encadré 1 « L’évolution du pouvoir d’achat en France »).

Sur le marché du travail, les données récentes montrent une inflexion à partir du deuxième trimestre 2018. Les effets des politiques de baisse du coût du travail ayant été particulièrement forts en 2016 et 2017, l’emploi privé poursuivrait désormais sa progression, mais à un rythme plus modéré que les années précédentes (cf. encadré 2 « Emploi et chômage »). Les créations nettes d’emploi resteraient toutefois importantes en moyenne annuelle en 2018 grâce aux effets d’acquis du début d’année. La réduction du nombre d’emplois aidés inscrite dans le PLF 2019 ayant un impact important sur l’emploi public fin 2018 et début 2019, l’emploi total progresserait in fine de 118 000 en moyenne annuelle en 2019, après 236 000 en 2018. Il regagnerait ensuite en vigueur. Sur la base des projections démographiques de l’Insee, cette évolution de l’emploi total permettrait une poursuite de la baisse du taux de chômage qui atteindrait 8,1 % fin 2021 sur la France entière (y compris DOM), et descendrait légèrement sous les 8 % en France métropolitaine.

La progression des gains de pouvoir d’achat des ménages soutiendrait l’accélération de la consommation des ménages à 1,4 % en 2019, et elle se maintiendrait à ce rythme ensuite. Ce mouvement s’accompagnerait également d’une légère remontée du taux d’épargne qui atteindrait 14,8 % en moyenne en 2021, après 14,6 % en 2018 (voir aussi l’encadré « Composition du revenu, taux d’épargne et consommation des ménages » des Projections macroéconomiques de septembre 2018).

L’évolution de l’investissement des entreprises et des exportations serait favorable

L’investissement des entreprises demeurerait bien orienté, plus dynamique que l’activité, même s’il se modèrerait graduellement. Cela se traduirait par la poursuite de la hausse du taux d’investissement, à un rythme toutefois moindre que celui des dernières années.

Après deux années de forte croissance, l’investissement des ménages a, en revanche, nettement faibli à partir du premier trimestre 2018. La baisse amorcée au troisième trimestre devrait se prolonger jusqu’à la mi-2019, comme suggéré par les indicateurs de ventes et de mises en chantier de logements. L’investissement des ménages évoluerait ensuite plus en ligne avec la progression du pouvoir d’achat.

Les variations du commerce extérieur seraient contrastées aux premier et second semestres 2018. Après avoir fortement rebondi en 2017, les exportations ont marqué le pas au premier semestre 2018, en raison du ralentissement de la demande adressée à la France en provenance de la zone euro. Elles accélèreraient en fin d’année 2018, suite à la livraison fin octobre du paquebot Celebrity Edge ainsi que celles attendues dans l’aéronautique, traditionnellement élevées en fin d’année. Au-delà, les exportations seraient essentiellement déterminées par la demande adressée à la France et elles accéléreraient ainsi légèrement en 2020 par rapport à 2019, contribuant au regain de vigueur de l’activité cette année-là. Les importations ont, pour leur part, été particulièrement faibles jusqu’au troisième trimestre 2018. Elles le seraient sur l’ensemble de l’année, mais ce ralentissement serait compensé du côté de l’offre par d’importants déstockages. La contribution nette des échanges à la croissance très positive en 2018 (0,5 pp), serait donc largement compensée par une contribution des variations de stocks nettement négative (– 0,4 pp). La progression des importations retrouverait un rythme plus habituel dans les trimestres prochains, ce qui expliquerait le léger ralentissement de l’activité en 2019, malgré la vigueur de la demande intérieure et des exportations (cf. graphique 3).

L’évolution du déficit et de la dette publics est sujette à des incertitudes significatives, en particulier en 2019

Dans un contexte économique et financier toujours favorable (cf. encadré 3, « Quelles perspectives pour la charge de la dette publique ? »), le déficit se réduirait légèrement, de 2,7 % en 2017 à 2,6 % en 2018 (en % du PIB). Sa baisse aurait d’ailleurs été plus sensible (2,4 % du PIB) sans le remboursement exceptionnel de la taxe sur les dividendes qui pèse pour 0,2 pp sur le déficit en 2018.

Avant les annonces gouvernementales récentes (postérieures au 28 novembre, qui ne sont pas incluses dans cette projection), le solde public était projeté en légère hausse temporaire à 2,9 % du PIB en 2019, sous l’effet de la trans­formation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations patronales, qui pèse pour 0,9 pp sur le déficit. Hors cet effet temporaire, le déficit était projeté à 2,0 % du PIB en 2019 (la nouvelle institution nationale France Compétences est traitée dans cette projection comme une nouvelle administration publique à partir de 2019, en anticipation de sa classification par l’Insee. Sa création augmente ainsi le périmètre des dépenses et des PO à partir de 2019 dans des proportions identiques - environ 0,3 point de PIB - sans aucun impact sur le déficit et la dette publics).

En 2018, le taux des prélèvements obligatoires (PO) diminuerait de 0,4 pp à 44,9 % du PIB, après 45,3 % du PIB en 2017, du fait des allégements votés dans la dernière loi de finances (dégrèvements de taxe d’habitation, trans­formation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière, mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique). Les dépenses publiques hors crédits d’impôts progresseraient dans notre projection en 2018 à un rythme de 2,1 % en valeur et de 0,4 % en volume (déflaté par l’IPC hors tabac), hors mesures temporaires (nous corrigeons ici des mesures temporaires importantes - contrecoup en 2018 de la recapitalisation d’Areva et Orano en 2017 et profil 2017/18 du remboursement de la taxe sur les dividendes - qui perturbent la lecture des variations annuelles des dépenses publiques 2018 par rapport à 2017). Le ratio de dette publique continuerait d’augmenter légèrement en 2018.

Des aléas importants peuvent affecter ces perspectives

Comme dans notre projection de septembre, le contexte international (montée du protectionnisme, tensions géopolitiques inter­­nationales, incertitude autour du scénario de Brexit, volatilité du prix des matières premières) fait peser une forte incertitude sur la projection.

L’incertitude pesant sur les conditions du Brexit et les discussions sur le projet de budget de l’Italie font peser un risque négatif sur l’environnement et donc l’activité économique en Europe. Par ailleurs, de nouvelles mesures protectionnistes dans le monde ou un ralentissement plus marqué de la croissance chinoise, par exemple, pourraient peser sur la demande extérieure adressée à la zone euro. À l’inverse, les projections de croissance mondiale, qui entérinent la modération observée depuis début 2018, pourraient sous-estimer la tendance du commerce mondial, notamment si les tensions commerciales actuelles devaient diminuer.

En France, à très court terme les aléas sont de même plutôt négatifs, compte tenu de l’orientation des indicateurs conjoncturels et d’un possible impact encore plus lourd de la crise des « gilets jaunes » sur l’activité en fin d’année. L’activité rebondirait toutefois en début d’année 2019 sous l’hypothèse d’un retour à la normale. Sur 2019-2020, il ne peut être exclu qu’une part plus importante que prévue des baisses de prélèvements obligatoires soit consommée, soutenant ainsi l’activité. Les mesures annoncées récemment par le Gouvernement devraient également soutenir le pouvoir d’achat et la consommation.

Les aléas autour de la projection de l’inflation française semblent équilibrés. L’évolution à venir du prix du pétrole, dans un contexte de forte volatilité, constitue un premier aléa important, à la hausse ou à la baisse. L’hypothèse de prix du baril dans cette projection est construite à partir de la moyenne des prix du pétrole durant les dix derniers jours avant la fixation des hypothèses techniques. Or, en un mois, entre le 18 octobre et le 22 novembre, le prix du Brent a varié de 10 euros. L’impact à deux ans d’une telle variation est significatif : nous l’évaluons à environ 0,4 pp sur l’inflation française (les effets des évolutions du prix du pétrole sur l’inflation ont été quantifiés pour la France et la zone euro dans un billet du Bloc-notes Eco) et 0,2 pp sur l’activité, résultant d’un effet direct sur la composante énergie de l’inflation et d’un effet indirect sur l’inflation hors énergie et alimentation. De nouvelles variations rapides de cette ampleur sont toujours possibles.

Encadré 1 - L’ÉVOLUTION DU POUVOIR D’ACHAT EN FRANCE

Comment mesurer les gains de pouvoir d’achat ?

La mesure des « gains de pouvoir d’achat des ménages » consiste à comparer l’évolution d’un revenu disponible en euros courants à celle des prix : dès lors que ce revenu progresse plus vite que les prix, il y a des gains de pouvoir d’achat.
 

Dans cette publication, la mesure du « pouvoir d’achat » s’effectue sur la base des données de la comptabilité nationale. Celle-ci fournit une mesure agrégée des revenus en euros perçus par les ménages, diminués des prélèvements obligatoires prélevés sur ces derniers : elle est appelée revenu disponible brut des ménages (RDB). Le terme « brut » signifie que cette mesure du revenu n’est pas diminuée de l’amortissement physique du capital immobilier des ménages. Cette mesure a le grand avantage de couvrir la totalité des revenus perçus par l’ensemble des ménages résidents sur le territoire français, avec une décomposition selon les différentes sources de revenus (salaires, prestations sociales, loyers, revenus financiers, etc.) et les prélèvements (impôts sur le revenu, cotisations sociales salariales, etc.). En rapportant ce RDB à la mesure des prix, telle que calculée par le déflateur de la consommation des ménages, on obtient une mesure du revenu disponible brut dit « réel » des ménages, ou « pouvoir d’achat du RDB » qui est présenté dans le tableau de synthèse en tête de ce document.
 

Cette mesure du pouvoir d’achat du RDB présente toutefois deux limites principales. La première est qu’il s’agit du montant global reçu par l’ensemble des ménages. Si c’est bien le revenu global qui importe pour la croissance du PIB, il ne renseigne qu’imparfaitement sur le pouvoir d’achat moyen par tête. Ce dernier peut cependant être mesuré en rapportant le pouvoir d’achat du RDB au nombre d’habitants pour obtenir un « pouvoir d’achat par habitant ». Selon les données démographiques de l’Insee, la population française croît ces dernières années au rythme de 0,4 % par an. En conséquence, il faut des « gains de pouvoir d’achat du RDB » d’au moins 0,4 % par an pour assurer une stabilisation des « gains de pouvoir d’achat par habitant ». Il existe également d’autres mesures, plus complexes, du pouvoir d’achat. L’Insee publie ainsi des données de pouvoir d’achat « par ménage » et « par unité de consommation (UC) ». Les UC corrigent la notion de ménage pour tenir compte du fait que certaines dépenses sont mises en commun au sein d’un foyer (loyer, assurance, abonnement inter­net, charges d’électricité, etc.).
 

La deuxième limite de cette mesure macro­économique est beaucoup plus difficile à éviter dans le cadre de cet exercice de projection. Elle tient aux effets de distribution : l’agrégation des revenus de l’ensemble des ménages ne rend pas compte de l’évolution spécifique des revenus de certaines catégories de ménages, de même que la prise en compte d’un indice moyen d’évolution des prix ne rend pas compte de paniers de consommation hétérogènes au sein de la population. Si ces facteurs sont importants, il est cependant difficile de les prendre en compte dans le cadre d’exercices de projections macro­économiques. Les agrégats présentés ici traduisent donc une évolution moyenne sur l’ensemble de la population, pouvant masquer des évolutions spécifiques pour les différentes catégories de la population selon leurs revenus (voir par exemple les analyses rétrospectives de l’Insee France, portrait social, et Les revenus et le patrimoine des ménages, coll. « Insee Références », 2018).
 

Le pouvoir d’achat du RDB et le pouvoir d’achat par habitant, en moyenne, continueraient leur redressement amorcé depuis 2014
 

Sur la base des définitions et précautions exposées ci-dessus, nous analysons de façon plus détaillée les évolutions récentes et la projection des gains de pouvoir d’achat. Le graphique A montre tout d’abord le pouvoir d’achat en niveau, basé à 100 en 2007, selon les deux concepts : pouvoir d’achat du RDB et pouvoir d’achat par habitant, en France et en zone euro.
 

Il apparaît que le pouvoir d’achat par habitant a stagné en France de 2007 à 2015 : sur cette période, les faibles gains de pouvoir d’achat du RDB ont à peine suffi à compenser la croissance de la population. Après un point bas en 2013, les gains de pouvoir d’achat du RDB par habitant se sont redressés à partir de 2014. Le pouvoir d’achat par habitant a ainsi progressé de 1,4 % en 2016 et 1,0 % en 2017, soit une hausse cumulée de 3,7 % sur les années 2014 à 2017.
 

Dans nos projections, qui ne prennent pas en compte les mesures en faveur du pouvoir d’achat annoncées par le Gouvernement postérieurement au 28 novembre (date à laquelle nos prévisions ont été arrêtées), il est attendu que ces gains de pouvoir d’achat par habitant se poursuivent à un rythme proche, de 1,0 % en 2018 et 1,3 % en 2019 (ce qui correspond à une croissance respective de 1,4 % et 1,7 % pour le pouvoir d’achat du RDB).
 

Des évolutions du pouvoir d’achat plus défavorables dans le reste de la zone euro qu’en France depuis 2007
 

Dans l’ensemble de la zone euro, l’évolution du pouvoir d’achat du RDB, comme du pouvoir d’achat par habitant, a été plus défavorable qu’en France depuis 2007. En particulier, le point bas de 2013 est nettement plus marqué, avec une baisse de l’ordre de 4 % du pouvoir d’achat par habitant entre 2007 et 2013. Comme en France, le pouvoir d’achat par habitant se redresse depuis 2014, mais c’est seulement en 2017 que le pouvoir d’achat par habitant a retrouvé son niveau de 2007 en zone euro, au lieu de 2015 en France. Ainsi, entre 2007 et 2017, le pouvoir d’achat par habitant a progressé de seulement 0,6 % dans l’ensemble de la zone euro, à comparer à une hausse de 3,0 % en France.
 

L’amélioration du marché du travail et les mesures fiscales ont soutenu le pouvoir d’achat
 

Pour aller plus loin dans l’analyse sur la France, le graphique B présente la décomposition des gains de pouvoir d’achat du RDB chaque année selon quatre grands contributeurs :

  •  les revenus du travail qui sont décomposés ici entre salaire brut moyen et emploi ;
  •  l’effet net des transferts sociaux et des impôts directs et cotisations sociales salariales ;
  •  les autres revenus, qui regroupent notamment le revenu des indépendants, les loyers et les revenus financiers nets (intérêts et dividendes reçus et versés) ;
  •  les prix mesurés par le déflateur de la consommation des ménages dont la progression vient se soustraire à celle des revenus courants en euros pour mesurer les gains de pouvoir d’achat. Il est à noter que le déflateur de la consommation des ménages incorpore l’effet des hausses de taxes indirectes sur le tabac et les carburants, significatives dans cette prévision sur 2018-2020, puisque nous ne prenons pas encore en compte ici la suppression de la taxe sur les carburants (cf. les annonces gouvernementales postérieures au 28 novembre).
     

Trois phases se distinguent dans le redressement du pouvoir d’achat à partir de 2014 et en projection. En 2014-2015, le redressement des gains pouvoir d’achat provient essentiellement de l’inflation très faible, grâce à la forte baisse du prix du pétrole sur cette période. La progression des revenus nominaux est en revanche faible.
 

Les revenus gagnent ensuite en dynamisme en 2016 et encore plus en 2017 grâce à la progression des revenus du travail avec en particulier des créations d’emplois importantes en 2016 et 2017 (cf. encadré 2 « Emploi et chômage »). En outre, comme habituellement dans une phase d’accélération de l’activité, les « autres revenus » gagnent également en vigueur en 2017, tirés notamment par l’amélioration des revenus des entrepreneurs individuels. Cela a permis de préserver les gains de pouvoir d’achat du RDB en 2017 alors même que l’inflation remontait.
 

En 2018 et 2019, les revenus d’activité resteraient le principal moteur des gains de pouvoir d’achat du RDB avec une composition un peu différente : le rythme des créations d’emplois se réduirait mais les salaires nominaux gagneraient progressivement en vigueur, en lien avec l’augmentation de la productivité (cf. encadré 2). En particulier, en 2019, le salaire moyen par tête (SMPT) du secteur privé augmenterait de 2,3 % en nominal, après 1,6 % en 2017 et 1,9 % en 2018. En outre, l’effet net des prestations sociales reçues et des impôts directs et cotisations salariés versés soutiendrait la progression du revenu nominal en particulier en 2019, où les baisses de cotisations sociales salariales survenues en octobre 2018 jouent en année pleine. Les mesures annoncées depuis le 28 novembre amplifieraient encore ce soutien.

Encadré 2 - EMPLOI ET CHÔMAGE

À l’horizon de la prévision, le taux de chômage poursuivrait sa décrue, pour atteindre 8,1 % au dernier trimestre 2021 en France entière.
 

Fortes créations d’emplois dans le secteur privé à partir de mi-2015
 

La reprise de l’emploi à l’issue de la crise financière de 2008-2009 a d’abord été très poussive, dans un contexte de faible croissance de l’activité. Avec seulement 95 000 créations d’emplois par an en moyenne dans l’ensemble de l’économie, le nombre de chômeurs a augmenté de plus de 400 000 personnes entre 2009 et 2015, pour représenter 10,4 % de la population active en 2015 en moyenne annuelle (contre 7,4 % en 2008).
 

Ce n’est qu’à partir de la fin 2015 que l’amélioration du marché du travail a commencé à se matérialiser. L’emploi marchand a alors nettement accéléré, augmentant de près de 250 000 emplois par an en moyenne entre 2015 et 2018. Cette reprise s’est faite en deux phases. Dans un premier temps, l’emploi s’est redressé dès fin 2015 et en 2016, malgré une activité encore peu dynamique, en raison d’un net ralentissement de la productivité apparente du travail (+ 0,4 % par an en moyenne dans le secteur marchand en 2015-2016, cf. tableau B3 de l’annexe B). Cet enrichissement de la croissance en emploi semble provenir, selon nos évaluations, des effets de la politique de baisse du coût du travail engagée en 2014 (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE, allégements de cotisations sociales, prime à la première embauche), qui permettraient ainsi d’expliquer près de 400 000 emplois supplémentaires (pour plus de détails, voir l’encadré 3 de la Projection macro­économique de décembre 2017) sur le long terme.
 

Dans un second temps, avec une reprise plus robuste de l’activité à partir de 2017, les créations d’emplois vont de pair avec un rebond progressif de la productivité, qui atteindrait + 0,9 % en 2019 et + 0,8 % en 2020 et 2021.
 

La progression de l’emploi resterait soutenue en projection
 

Passé cette phase d’accélération de l’emploi, la poursuite du cycle verrait une répartition plus équilibrée de la croissance entre créations d’emplois et gains de productivité. Sur les trimestres à venir, l’emploi devrait donc conserver un rythme plus conforme à ses déterminants usuels, et les gains de productivité, devenant plus soutenus et cohérents avec leur tendance de long terme, soutiendraient la progression des salaires. Les perspectives de croissance robuste de l’économie française à l’horizon de la prévision permettraient ainsi 133 000 créations nettes d’emplois en moyenne annuelle dans le secteur marchand en 2019, 155 000 en 2020 et 128 000 en 2021 (cf. tableau). L’effet des réformes récentes pourrait progressivement renforcer cette dynamique en particulier à moyen terme.
 

Cette hausse de l’emploi dans les entreprises serait en partie compensée par une baisse des emplois aidés fin 2018-début 2019. Au total, l’emploi dans l’ensemble de l’économie progresserait ainsi de 118 000 en 2019 avant de regagner plus nettement en dynamisme en 2020 et en 2021 (respectivement 174 000 et 148 000).
 

Outre l’effet de cette augmentation de l’emploi, la baisse du chômage serait également favorisée par une croissance plus faible de la population active, du fait de facteurs démographiques, mais aussi, d’une moindre progression du taux d’activité (qui rapporte la population active à la population en âge de travailler) que pendant la période récente. Entre 2015 et 2018, la population active s’est en effet accrue bien au-delà de la croissance spontanée de 92 000 attendue initialement dans les projections démographiques de l’Insee. Cette progression du taux d’activité a pu s’expliquer à la fois par une augmentation plus rapide qu’attendu de l’âge moyen effectif de départ à la retraite (conséquence des réformes inter­venues), mais aussi par le retour en activité de travailleurs jusque-là découragés – considérés comme inactifs au sens du BIT –, incités par les fortes créations d’emplois à revenir sur le marché du travail (c’est l’effet dit de flexion d’activité). Pour les années à venir, la population active progresserait en revanche à nouveau selon le rythme attendu dans les projections démographiques de l’Insee, auto­ur de seulement 68 000 personnes par an. Cela favoriserait la poursuite de la décrue progressive du nombre de chômeurs (– 244 000 en cumulé en 2019-2021) et du taux de chômage.

Encadré 3 - QUELLES PERSPECTIVES POUR LA CHARGE DE LA DETTE PUBLIQUE ?

De 2011 à 2017, la charge de la dette publique (en % du PIB) a continûment diminué, passant de 2,7 % du PIB en 2011 à 1,9 % du PIB en 2017. L’environnement de forte baisse des taux d’intérêt a permis un allégement significatif de ce poste des dépenses publiques, malgré la hausse du ratio d’endettement public de plus de 10 points de pourcentage du PIB sur la même période (la dette publique passant de 87,8 % du PIB à 98,5 % du PIB entre 2011 et 2017). Par conséquent, le taux apparent sur la dette, qui rapporte les intérêts versés à l’encours total de la dette, a baissé sensiblement de 3,3 % à 1,9 % sur la même période. Les quantifications qui suivent se fondent sur une évolution du solde public qui ne tient pas compte des annonces du Président de la République et du Gouvernement postérieurement au 28 novembre. Les grandes conclusions ci-après sur la seule évolution de la charge de la dette sont cependant a priori peu impactées.
 

Les taux d’intérêt étant actuellement, en comparaison historique, très bas, il est probable qu’ils remonteront à l’avenir, même si l’ampleur et le rythme de cette évolution sont inconnus. Les taux d’intérêt de marché ont d’ailleurs légèrement augmenté en 2017 par rapport au point bas de 2016. Nos hypothèses conventionnelles tirées des taux futurs implicites dans la courbe des taux d’intérêt du 21 novembre incluent une remontée des taux à 10 ans sur l’horizon de projection, de 0,8 % en 2018 à 1,4 % en 2021. Il est important de comprendre quel en est l’effet sur la projection du coût du service de la dette : cela dépend de la structure et de la maturité de celle-ci.
 

Les intérêts dus sur les titres courts de l’État, qui représentent une part majeure des émissions annuelles, sont directement affectés par une variation des taux courts. L’impact d’une variation des taux sur les titres longs de l’État dépend de la part de ces titres réémise chaque année et du taux moyen des titres arrivant à maturité comparés aux taux de marché courants. Même en cas de hausse des taux, les titres longs peuvent être réémis à des taux moyens plus faibles que les titres longs qu’ils remplacent dans l’encours de la dette. Ainsi, une variation des taux affecte la charge d’intérêt sur la dette à long terme avec retard et avec une amplitude qui dépend de l’écart entre le taux moyen des titres arrivés à maturité et le taux de marché. La durée de vie moyenne de la dette de l’État étant de 7,8 ans à fin 2017 (pour mémoire, 9,6 % de la dette à fin 2016 a été renouvelée en 2017), cela repousse ainsi à plus long terme le plein effet d’une hausse des taux de marché sur le financement de la dette publique.
 

Sur notre horizon de projection, nous anticipons jusqu’en 2021 une poursuite de la baisse de la charge de la dette de 1,9 % du PIB en 2017 à 1,3 % du PIB en 2021, allant de pair avec la diminution du taux apparent sur la dette. Le taux apparent se stabiliserait à l’horizon 2021, puis commencerait à augmenter à plus long terme quand le taux moyen à l’émission deviendrait supérieur au taux apparent. Une hausse des taux de marché plus rapide que celle que nous utilisons dans nos hypothèses rendrait évidemment plus précoce la remontée de la charge de la dette. Le Gouvernement retient, pour sa part, dans son projet de loi de finances, l’hypothèse conservatrice d’une hausse plus rapide et plus importante avec des taux à 10 ans, ce qui implique une charge de la dette supérieure à celle incluse dans nos projections, dont l’élaboration repose sur des hypothèses techniques tirées de la courbe des taux d’intérêt de marché.

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Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Décembre 2018
  • Publié le 13/12/2018
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Mis à jour le : 14/12/2018 07:48