Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Décembre 2018

▪ Dans un contexte de fortes incertitudes, le PIB en France progresserait autour de 1,5 % par an en 2018 2021, un rythme encore supérieur à la croissance potentielle et permettant une baisse graduelle du taux de chômage.

▪ Après des années 2016-2018 contrastées, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait globalement neutre.

▪ La progression de la demande intérieure resterait robuste, avec une consommation des ménages soutenue par le pouvoir d’achat en 2019 (cf. développements et encadrés infra).

▪ L’inflation totale (IPCH), compte tenu du pic de l’été, atteindrait 2,1 % en moyenne annuelle en 2018 sous l’effet notamment des prix de l’énergie. Elle fluctuerait ensuite auto­ur de 1,6 %-1,7 % en 2019-2021. L’inflation hors énergie et alimentation se redresserait progressivement pour atteindre 1,6 % en 2021, en lien avec la baisse du chômage.

Cette projection inclut les comptes nationaux trimestriels jusqu’au troisième trimestre 2018, publiés par l’Insee
le 30 octobre. Elle intègre une hausse du PIB de 0,2 % au quatrième trimestre, qui a été confirmée par l’ISMA (indicateur synthétique mensuel d’activité) publié le 10 décembre. Elle repose par ailleurs sur les hypothèses techniques et l’environnement international (cf. tableau A2 en annexe dans le pdf de cette publication) de l’exercice commun de projection de décembre de l’Eurosystème, arrêtées le 21 novembre, en particulier en ce qui concerne le prix du pétrole. En outre, cette projection incorpore les mesures annoncées jusqu’au projet de loi de finances (PLF) 2019, la plupart pour 2019, et certaines pour 2020 (cf. infra). En revanche, elle ne tient pas compte des mesures annoncées par le Président de la République et le Gouvernement postérieurement au 28 novembre, qui sont notamment susceptibles d’affecter les évolutions des prix à la consommation et du pouvoir d’achat ainsi que le déficit public.

 

La croissance française resterait supérieure à l’estimation de son rythme potentiel

Faible en début d’année 2018, la croissance s’est raffermie au troisième trimestre mais les indications conjoncturelles récentes laissent de nouveau attendre un fléchissement temporaire sur le dernier trimestre de l’année, du fait notamment des perturbations de l’activité induites par le mouvement des « gilets jaunes ». En moyenne annuelle, le PIB progresserait ainsi de 1,5 % en 2018, après 2,3 % en 2017. Au-delà de ces à-coups trimestriels, les perspectives restent toutefois favorables et l’activité s’installerait sur un rythme autour de 0,4 % par trimestre à partir du début 2019, pour s’établir en moyenne annuelle à 1,5 % en 2019 et 1,6 % en 2020 (cf. graphique 1). La croissance du PIB serait supérieure à notre estimation de la croissance potentielle autour de 1,3 %, ce qui permettrait un comblement durable de l’écart de croissance (output gap) fin 2019. À mesure que le cycle économique se prolonge, il est naturel que la croissance du PIB revienne vers son rythme potentiel et elle s’infléchirait ainsi légèrement à 1,4 % en 2021. À moyen terme, les réformes en cours pourraient cependant, en particulier si elles se poursuivent, se traduire d’ici 2021 par une baisse plus significative du chômage structurel et un supplément de croissance.

Les perspectives de croissance pour 2018-2020 sont peu modifiées depuis notre projection de septembre. La publication par l’Insee des comptes trimestriels du troisième trimestre 2018 s’est avérée conforme à notre prévision. La révision à la baisse que nous inscrivons en 2018 et 2019 provient essentiellement de perspectives moins favorables pour le quatrième trimestre 2018.

Les hypothèses techniques et internationales sont proches de celles sur lesquelles reposait la projection de septembre, avec toutefois un aléa négatif (cf. infra). Les projections de croissance de la demande mondiale sur 2018-2021 sont en retrait par rapport au rythme soutenu connu en 2017 et elles demeurent marquées par une forte incertitude mondiale. La France profiterait néanmoins de la résilience de l’économie européenne : la demande adressée par nos partenaires de la zone euro rebondirait nettement en 2019 après le « trou d’air » de 2018 et resterait dynamique ensuite. La légère dépréciation récente du taux de change effectif nominal de l’euro ne compense pas la forte appréciation depuis 2017 mais soutient quelque peu la compétitivité française. Surtout, la forte décrue récente du prix du pétrole lui a permis de revenir vers des niveaux un peu inférieurs à ceux sur lesquels reposait la projection de septembre, donc un peu plus favorables pour l’économie française.

Après son pic récent, l’inflation totale se replierait jusqu’à mi-2019, avant de fluctuer autour de 1,7 % en 2020-2021

Après un pic à 2,6 % en juillet et août 2018, qui tient pour beaucoup à la forte augmentation du prix de l’énergie ainsi qu’aux hausses de taxes sur le tabac et l’énergie, l’inflation, mesurée par le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), se replierait jusqu’à l’automne 2019. Elle se raffermirait ensuite progressivement pour fluctuer autour de 1,7 % en 2020 et 2021 (cf. graphique 2).

Le redressement de l’inflation hors énergie et alimentation (0,9 % en moyenne en 2018, après le niveau très bas de 0,6 % en 2017) s’amorce déjà, très progressivement, depuis le début de l’année, avec en particulier une hausse des prix des biens manufacturés. L’inflation des services resterait certes assez faible en 2018, du fait notamment de baisses de loyers dans le secteur HLM, de la diminution des prix des télé­communications et de baisses ponctuelles dans les trans­ports, malgré une hausse de l’inflation de nombreux autres postes des services. Progressivement l’ensemble de l’inflation hors énergie et alimentation devrait augmenter plus nettement (1,3 % en 2019, 1,4 % en 2020 et 1,6 % en 2021), en lien avec la baisse du taux de chômage et l’accélération des salaires. Cela rééquilibrerait la composition de l’inflation totale, dans un contexte où les prix de l’énergie, après une baisse fin 2018‑début 2019, connaîtraient une hausse modérée.

Tirée par la hausse du pouvoir d’achat, la consommation des ménages demeurerait robuste

Après trois trimestres de croissance atone, la consommation des ménages a rebondi comme attendu au troisième trimestre 2018. En début d’année, les hausses importantes des prix de l’énergie et du tabac s’étaient en effet conjuguées à la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), affaiblissant temporairement le revenu disponible des ménages. À l’inverse, la baisse de la taxe d’habitation et des cotisations sociales salariales ainsi que le repli des prix de l’énergie soutiendraient fortement le pouvoir d’achat des ménages en cette fin d’année. Ce dernier progresserait au final significativement sur l’année, de l’ordre de 1,4 % en moyenne annuelle. Le pouvoir d’achat augmenterait ensuite encore plus nettement en 2019 (1,7 %), avant de ralentir progressivement en 2020 et 2021 (cf. encadré 1 « L’évolution du pouvoir d’achat en France »).

Sur le marché du travail, les données récentes montrent une inflexion à partir du deuxième trimestre 2018. Les effets des politiques de baisse du coût du travail ayant été particulièrement forts en 2016 et 2017, l’emploi privé poursuivrait désormais sa progression, mais à un rythme plus modéré que les années précédentes (cf. encadré 2 « Emploi et chômage »). Les créations nettes d’emploi resteraient toutefois importantes en moyenne annuelle en 2018 grâce aux effets d’acquis du début d’année. La réduction du nombre d’emplois aidés inscrite dans le PLF 2019 ayant un impact important sur l’emploi public fin 2018 et début 2019, l’emploi total progresserait in fine de 118 000 en moyenne annuelle en 2019, après 236 000 en 2018. Il regagnerait ensuite en vigueur. Sur la base des projections démographiques de l’Insee, cette évolution de l’emploi total permettrait une poursuite de la baisse du taux de chômage qui atteindrait 8,1 % fin 2021 sur la France entière (y compris DOM), et descendrait légèrement sous les 8 % en France métropolitaine.

La progression des gains de pouvoir d’achat des ménages soutiendrait l’accélération de la consommation des ménages à 1,4 % en 2019, et elle se maintiendrait à ce rythme ensuite. Ce mouvement s’accompagnerait également d’une légère remontée du taux d’épargne qui atteindrait 14,8 % en moyenne en 2021, après 14,6 % en 2018 (voir aussi l’encadré « Composition du revenu, taux d’épargne et consommation des ménages » des Projections macroéconomiques de septembre 2018).

L’évolution de l’investissement des entreprises et des exportations serait favorable

L’investissement des entreprises demeurerait bien orienté, plus dynamique que l’activité, même s’il se modèrerait graduellement. Cela se traduirait par la poursuite de la hausse du taux d’investissement, à un rythme toutefois moindre que celui des dernières années.

Après deux années de forte croissance, l’investissement des ménages a, en revanche, nettement faibli à partir du premier trimestre 2018. La baisse amorcée au troisième trimestre devrait se prolonger jusqu’à la mi-2019, comme suggéré par les indicateurs de ventes et de mises en chantier de logements. L’investissement des ménages évoluerait ensuite plus en ligne avec la progression du pouvoir d’achat.

Les variations du commerce extérieur seraient contrastées aux premier et second semestres 2018. Après avoir fortement rebondi en 2017, les exportations ont marqué le pas au premier semestre 2018, en raison du ralentissement de la demande adressée à la France en provenance de la zone euro. Elles accélèreraient en fin d’année 2018, suite à la livraison fin octobre du paquebot Celebrity Edge ainsi que celles attendues dans l’aéronautique, traditionnellement élevées en fin d’année. Au-delà, les exportations seraient essentiellement déterminées par la demande adressée à la France et elles accéléreraient ainsi légèrement en 2020 par rapport à 2019, contribuant au regain de vigueur de l’activité cette année-là. Les importations ont, pour leur part, été particulièrement faibles jusqu’au troisième trimestre 2018. Elles le seraient sur l’ensemble de l’année, mais ce ralentissement serait compensé du côté de l’offre par d’importants déstockages. La contribution nette des échanges à la croissance très positive en 2018 (0,5 pp), serait donc largement compensée par une contribution des variations de stocks nettement négative (– 0,4 pp). La progression des importations retrouverait un rythme plus habituel dans les trimestres prochains, ce qui expliquerait le léger ralentissement de l’activité en 2019, malgré la vigueur de la demande intérieure et des exportations (cf. graphique 3).

L’évolution du déficit et de la dette publics est sujette à des incertitudes significatives, en particulier en 2019

Dans un contexte économique et financier toujours favorable (cf. encadré 3, « Quelles perspectives pour la charge de la dette publique ? »), le déficit se réduirait légèrement, de 2,7 % en 2017 à 2,6 % en 2018 (en % du PIB). Sa baisse aurait d’ailleurs été plus sensible (2,4 % du PIB) sans le remboursement exceptionnel de la taxe sur les dividendes qui pèse pour 0,2 pp sur le déficit en 2018.

Avant les annonces gouvernementales récentes (postérieures au 28 novembre, qui ne sont pas incluses dans cette projection), le solde public était projeté en légère hausse temporaire à 2,9 % du PIB en 2019, sous l’effet de la trans­formation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse pérenne de cotisations patronales, qui pèse pour 0,9 pp sur le déficit. Hors cet effet temporaire, le déficit était projeté à 2,0 % du PIB en 2019 (la nouvelle institution nationale France Compétences est traitée dans cette projection comme une nouvelle administration publique à partir de 2019, en anticipation de sa classification par l’Insee. Sa création augmente ainsi le périmètre des dépenses et des PO à partir de 2019 dans des proportions identiques - environ 0,3 point de PIB - sans aucun impact sur le déficit et la dette publics).

En 2018, le taux des prélèvements obligatoires (PO) diminuerait de 0,4 pp à 44,9 % du PIB, après 45,3 % du PIB en 2017, du fait des allégements votés dans la dernière loi de finances (dégrèvements de taxe d’habitation, trans­formation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière, mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique). Les dépenses publiques hors crédits d’impôts progresseraient dans notre projection en 2018 à un rythme de 2,1 % en valeur et de 0,4 % en volume (déflaté par l’IPC hors tabac), hors mesures temporaires (nous corrigeons ici des mesures temporaires importantes - contrecoup en 2018 de la recapitalisation d’Areva et Orano en 2017 et profil 2017/18 du remboursement de la taxe sur les dividendes - qui perturbent la lecture des variations annuelles des dépenses publiques 2018 par rapport à 2017). Le ratio de dette publique continuerait d’augmenter légèrement en 2018.

Des aléas importants peuvent affecter ces perspectives

Comme dans notre projection de septembre, le contexte international (montée du protectionnisme, tensions géopolitiques inter­­nationales, incertitude autour du scénario de Brexit, volatilité du prix des matières premières) fait peser une forte incertitude sur la projection.

L’incertitude pesant sur les conditions du Brexit et les discussions sur le projet de budget de l’Italie font peser un risque négatif sur l’environnement et donc l’activité économique en Europe. Par ailleurs, de nouvelles mesures protectionnistes dans le monde ou un ralentissement plus marqué de la croissance chinoise, par exemple, pourraient peser sur la demande extérieure adressée à la zone euro. À l’inverse, les projections de croissance mondiale, qui entérinent la modération observée depuis début 2018, pourraient sous-estimer la tendance du commerce mondial, notamment si les tensions commerciales actuelles devaient diminuer.

En France, à très court terme les aléas sont de même plutôt négatifs, compte tenu de l’orientation des indicateurs conjoncturels et d’un possible impact encore plus lourd de la crise des « gilets jaunes » sur l’activité en fin d’année. L’activité rebondirait toutefois en début d’année 2019 sous l’hypothèse d’un retour à la normale. Sur 2019-2020, il ne peut être exclu qu’une part plus importante que prévue des baisses de prélèvements obligatoires soit consommée, soutenant ainsi l’activité. Les mesures annoncées récemment par le Gouvernement devraient également soutenir le pouvoir d’achat et la consommation.

Les aléas autour de la projection de l’inflation française semblent équilibrés. L’évolution à venir du prix du pétrole, dans un contexte de forte volatilité, constitue un premier aléa important, à la hausse ou à la baisse. L’hypothèse de prix du baril dans cette projection est construite à partir de la moyenne des prix du pétrole durant les dix derniers jours avant la fixation des hypothèses techniques. Or, en un mois, entre le 18 octobre et le 22 novembre, le prix du Brent a varié de 10 euros. L’impact à deux ans d’une telle variation est significatif : nous l’évaluons à environ 0,4 pp sur l’inflation française (les effets des évolutions du prix du pétrole sur l’inflation ont été quantifiés pour la France et la zone euro dans un billet du Bloc-notes Eco) et 0,2 pp sur l’activité, résultant d’un effet direct sur la composante énergie de l’inflation et d’un effet indirect sur l’inflation hors énergie et alimentation. De nouvelles variations rapides de cette ampleur sont toujours possibles.

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Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Décembre 2018
  • Publié le 13/12/2018
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Mis à jour le : 14/12/2018 07:48