Depuis 1995, l’OMC s’était imposée comme l’institution internationale au centre du système mondial d’échanges, succès illustré par l’adhésion de la Chine en 2001 et de la Russie en 2012. Mais elle fait aujourd’hui face à une crise existentielle avec le blocage de l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends commerciaux (ORD). Or en l’absence d’outil efficace pour régler les différends commerciaux entre États, le fonctionnement de l’ensemble du commerce international risque d’être perturbé, dans un contexte où la pandémie de Covid-19 réduit depuis un an très fortement le volume des échanges.
L’incertitude sur le rythme de la reprise des échanges renforce la nécessité d’une réponse coordonnée de l’Union européenne pour rappeler à ses partenaires commerciaux que le multilatéralisme reste la meilleure voie possible en matière d’échanges internationaux.
Créée en 1995 à l’issue du cycle de l’Uruguay (Uruguay Round), l’OMC est chargée de la mise en œuvre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade, GATT), signé en 1947 pour favoriser les échanges commerciaux et qui fonctionnait jusqu’alors avec des structures légères. À l’occasion du 25e anniversaire de l’institution, en 2020, le directeur général Roberto Azevêdo en soulignait les principaux succès, comme l’explosion du commerce mondial, multiplié par 2,7 en volume, ou la réduction de plus de 40 % des droits de douane. Le graphique 2, dont les données s’arrêtent avant la crise financière de 2008, montre la décrue des tarifs sur les biens, alors que les échanges de services n’en bénéficiaient pas encore.
Le directeur général ajoutait que l’action de l’OMC avait aussi bien contribué à rationaliser et à accroître les chaînes de valeur mondiale qu’à favoriser le développement des pays pauvres et à réduire la pauvreté.
Cependant, l’Organisation se trouve confrontée depuis plusieurs années à une crise qui s’enlise.
Si certaines déclarations officielles récentes des autorités américaines concernant l’Unesco, l’OMS ou l’OMC ont pu donner l’impression d’une offensive contre l’ensemble des institutions multilatérales et contre le principe même du multilatéralisme, la crise de l’OMC a des racines plus anciennes qui tiennent à l’échec du processus de Doha.
Une succession d’impasses
La suspension en 2006 des négociations du cycle de Doha, ouvert en 2001, constitue le point de départ de la crise actuelle. Depuis lors, les négociations au sein de l’OMC sur la libéralisation du commerce international sont pratiquement au point mort, mis à part un ensemble de mesures adoptées en 2013 dans le cadre du
« paquet de Bali » et ne couvrant qu’une faible proportion des objectifs du cycle de Doha.
La crise s’est cristallisée autour du blocage de l’organe d’appel du mécanisme de règlement des différends commerciaux : depuis 2016, les États-Unis font opposition à la nomination de nouveaux juges et il n’y a plus, depuis décembre 2019, qu’un seul juge en place. Le mécanisme ne peut donc plus fonctionner, le quorum étant fixé à trois juges.
Le mécanisme de règlement des différends, créé en 1995, vise à résoudre les mésententes commerciales entre les membres de l’OMC. Les États-Unis, les pays membres européens et la Chine…
Mis à jour le : 12/04/2021 10:40