Dans une série de trois articles du Bulletin de la Banque de France, le rôle international de l’euro est scruté au regard de l’histoire, de ses coûts et de ses bénéfices et, dans le présent article introductif, de la crise sanitaire en cours. Les efforts déployés pour faire face à la pandémie reposent largement sur un système financier international basé sur le dollar et testent la stabilité économique et la crédibilité du leadership financier américain. Vingt ans après la création de l’euro – une monnaie sans État dans un monde d’États –, la place de la monnaie unique dans le monde, d’abord sujette à caution, aujourd’hui encouragée, n’est toujours pas définie.
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, le débat européen porte essentiellement sur la question du degré de solidarité souhaitable à l’intérieur de la zone euro. La série d’articles se penche au contraire sur le volet externe de la monnaie unique : le rôle international de l’euro, sa représentation, la manière dont il est utilisé à l’extérieur comme moyen de paiement, monnaie d’épargne et de réserve.
Avant d’en venir au détail, nous voudrions faire un tour d’horizon et remettre en perspective certains choix effectués lors de la création de l’euro. La crise actuelle est si violente qu’il serait prématuré d’en tirer des conclusions définitives, mais elle pourrait bien contribuer à approfondir des évolutions qui étaient déjà perceptibles.
Le poids international de l’euro
Après vingt ans d’existence, l’euro occupe la place de deuxième devise mondiale, loin derrière le dollar américain mais devant toutes les autres devises mondiales. Alors que la zone euro pèse environ 11 % de l’économie mondiale, la part de l’euro s’élève à environ 20 %, quel que soit l’indicateur choisi : 20 % des réserves mondiales de change, 22 % du stock international de titres de dette, 15 % des prêts transfrontaliers et 18 % des dépôts (cf. graphiques 1 et 2). En outre, la moitié des importations dans la zone euro et 60 % des exportations hors zone euro sont facturées en euros (BCE, 2020).
Le rôle international de l’euro : un vieux débat
Le débat sur le rôle international de la monnaie européenne n’est pas récent.
Le « rapport Werner », qui, en 1970, a posé les premiers jalons vers la monnaie unique, y faisait explicitement allusion alors même qu’il définissait son champ d’investigation non comme la recherche « dans l’abstrait [d’]un système idéal » mais comme « le minimum de ce qui doit être fait ». Il soulignait que « dans les relations extérieures, et surtout dans les relations monétaires internationales, la Communauté n’a pas suffisamment réussi à affirmer sa personnalité par l’adoption de positions communes, en raison, suivant les cas, de divergences de politique ou de conception ». Il est vrai que ce rapport avait adopté un angle volontariste et large, en soulignant par exemple la nécessité de mettre en place « un centre de décision pour la politique économique », démocratiquement légitimé, ou encore de mener une concertation avec les syndicats
Mis à jour le : 24/06/2020 15:09