Le Bulletin de la Banque de France n°230 : Article 1 Monnaies digitales : du mythe aux projets innovants

À partir de 2009, des actifs digitaux émis de manière décentralisée, susceptibles selon leurs promoteurs de se substituer aux monnaies légales, ont été proposés au public. Plus de dix ans après, ce projet ne s’est pas réalisé. D’émergence plus récente, les stablecoins tentent de se rapprocher des monnaies légales et visent à remédier aux insuffisances des premiers crypto actifs, mais ils sont également porteurs de nombreux risques. Face à ces initiatives, tant les banques centrales que les acteurs privés se mobilisent sur des projets innovants dans le domaine des infrastructures et des moyens de paiement. C’est ainsi que la Banque de France a engagé des expérimentations sur un euro digital.

1 Les premiers crypto actifs, à la poursuite d’un mythe

Bitcoin : une pseudo monnaie

À mi-juillet 2020, il existait plus de 5 700 crypto actifs pour un encours total d’environ 240 milliards d’euros (source : CoinMarketCap). Toutefois, Bitcoin, lancé dès le début de 2009, représentait encore près de 63 % de cet encours, contre environ 10 % pour Ethereum, un peu plus de 3 % pour Ripple, environ 4 % pour Tether et un peu moins de 2 % pour Bitcoin Cash. Pour cette raison, et aussi parce que Bitcoin prétendait dès son lancement jouer un rôle monétaire (Nakamoto, 2008), l’analyse est centrée sur ce crypto actif.

Bitcoin présente les trois principales caractéristiques suivantes, d’ailleurs souvent partagées par les autres crypto actifs (les différences majeures sont également signalées) :

  • l’association d’une clef publique et d’une clef privée, qui définit l’actif en l’absence d’un émetteur et permet à l’utilisateur d’être anonyme. L’absence d’émetteur est certainement la caractéristique qui différencie le plus Bitcoin des monnaies légales, qu’il s’agisse de la monnaie fiduciaire ou des dépôts bancaires ;
  • un mécanisme d’échange recourant aux technologies du dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP), également dites technologies du registre distribué (Distribued Ledger Technology – DLT), pour la validation décentralisée des transactions, effectuée dans la plupart des dispositifs par « blocs » liés les uns aux autres, d’où l’appellation « blockchain ». Toutefois, dans le cas de certains crypto actifs, comme Ripple ou ceux émis dans le cadre d’ICO (initial coin offerings), la validation des transactions n’est pas décentralisée ;
  • le recours à la cryptographie. Celui ci est systématique pour les crypto actifs, d’où leur appellation, cependant il se rencontre aussi dans des usages de plus en plus fréquents de la monnaie légale, afin de sécuriser toujours davantage les transactions.

À quoi servent Bitcoin et les autres crypto actifs de première génération ? Leur usage répond essentiellement à trois types de motivations (Pfister, 2019a) :

  • des placements spéculatifs ;
  • des opérations de règlement sous pseudonyme, certes de nature à mieux protéger la vie privée mais finançant aussi plus facilement des transactions illicites. On a ainsi pu estimer qu’environ un quart du volume des transactions en bitcoins et près de la moitié de leur montant seraient associés à des activités illégales (Foley et al., 2019) ;
  • des envois de fonds vers l’étranger. Cependant, les utilisateurs doivent faire face à des frais difficiles à évaluer ex ante du fait de la volatilité des cours…

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Le Bulletin de la Banque de France n°230 : Monnaies digitales : du mythe aux projets innovants
  • Publié le 15/07/2020
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Moyens de paiement et monnaie fiduciaire

Mis à jour le : 15/07/2020 10:33