Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Juin 2019

▪ La croissance du PIB en France s’établirait à 1,3 % en 2019, puis autour de 1,4 % en 2020 et 2021. Ce rythme de croissance permettrait une baisse graduelle du taux de chômage à 8,1 % en 2021.
▪ Les gains de pouvoir d’achat, très significatifs depuis fin 2018 et qui ont pour l’instant été largement épargnés, devraient fortement soutenir la consommation des ménages au cours des prochaines années.
▪ L’environnement international devrait en revanche peser sur l’activité, avec un coup de frein important sur la demande adressée par nos partenaires des autres économies de la zone euro comme du reste du monde en 2019. La demande extérieure adressée à la France pourrait ensuite redevenir peu à peu plus favorable.
▪ L’inflation totale (IPCH) française, après un pic à 2,1 % en moyenne annuelle en 2018, diminuerait à 1,3 % en 2019, en lien notamment avec des prix de l’énergie moins dynamiques.
▪ L’inflation totale continuerait ensuite à fluctuer autour de 1,3-1,4 % en 2020 et 2021, essentiellement portée par la dynamique des prix hors énergie et alimentation, alors que la contribution des prix de l’énergie serait pratiquement nulle.
▪ En l’absence de mesures supplémentaires de maîtrise des dépenses publiques, le ratio de dette publique sur PIB ne baisserait pas sur l’horizon de prévision.
▪ Cette projection de croissance et d’inflation est sujette à des aléas importants mais qui, dans le cas de la France, peuvent jouer dans les deux sens.

La croissance française ferait preuve de résilience face à un environnement international défavorable
 

La croissance de l’activité en France poursuit sa phase de normalisation après le pic exceptionnel de 2017 (cf. graphique 1). Le PIB français s’est installé sur un rythme de croissance assez stable depuis mi-2018, ce qui témoigne d’une certaine résilience par rapport à d’autres économies de la zone euro qui ont connu un fléchissement plus marqué de l’activité (cf. graphique 2).

Au premier trimestre 2019, cette résilience a été soutenue notamment par la bonne tenue de la demande intérieure qui a compensé le ralentissement des exportations. Sur la base des enquêtes de conjoncture de la Banque de France publiées le 11 juin, notre estimation de la croissance du PIB pour le deuxième trimestre 2019 s’établit à 0,3 %, un rythme comparable à celui des trois trimestres précédents. Dans les trimestres à venir, l’activité en France continuerait à être davantage soutenue par la demande intérieure, tandis que l’impulsion en provenance de l’extérieur ne se raffermirait qu’à partir de la fin de l’année 2019.

En moyenne annuelle, le PIB français décélèrerait un peu en 2019 par rapport à 2018, pour progresser au rythme de 1,3 %. Ce ralentissement traduirait en particulier une moindre contribution du solde extérieur à la croissance (cf. graphique 3), sous l’effet à la fois d’une demande extérieure plus faible et d’un retour à la normale des importations après une année 2018 particulièrement peu dynamique. À mesure que les moteurs internes et externes se renforceraient, la croissance française retrouverait ensuite un rythme de 1,4 % en moyenne annuelle en 2020 et 2021, un peu supérieur à la croissance potentielle. D’une part, la demande interne gagnerait encore en vigueur, grâce notamment à une consommation des ménages devenant plus robuste dès lors que ceux-ci consommeraient leurs gains de pouvoir d’achat importants depuis fin 2018 et réduiraient ainsi leur taux d’épargne après son pic de 2019 ; d’autre part, les exportations rebondiraient dans le sillage de la demande mondiale.

Par rapport à notre publication de mars, la prévision de croissance est légèrement révisée à la baisse en 2019 et 2020 de – 0,1 point chaque année. Elle est inchangée en 2021. Les révisions à la baisse de la croissance en 2019 et 2020 proviennent tout d’abord de l’environnement international qui s’avère moins porteur que prévu en mars, à la fois du fait de la remontée du prix du pétrole (le prix spot du pétrole a toutefois évolué en nette baisse depuis les dernières hypothèses techniques sur lesquelles se base cette prévision, arrêtées le 15 mai. Mais la pente des futures des prix du pétrole présente, elle, un profil moins décroissant. Les variations par rapport au 15 mai sont donc de moins en moins fortes à mesure que l’on s’approche de la fin de notre horizon de prévision) et d’un trou d’air sur l’activité de nos partenaires plus long et plus marqué qu’attendu. En outre, le décollage de la consommation des ménages, dans le sillage des gains importants de pouvoir d’achat, se matérialise plus lentement qu’escompté et le taux d’épargne a progressé plus fortement que prévu. Cela contribue à la révision à la baisse de notre prévision de croissance en 2019. Mais cela explique en revanche une révision à la hausse de la consommation des ménages en 2020 et 2021 quand ces gains seront consommés. Par ailleurs, certaines mesures nouvelles intégrées dans notre scénario depuis mars (réindexation des retraites inférieures à 2 000 euros sur l’inflation en 2020, abandon de la hausse de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – prévue en 2020 et 2021) soutiennent encore plus nettement qu’auparavant notre prévision de pouvoir d’achat sur la période 2020-2021.

Cette projection de juin s’appuie sur les comptes nationaux trimestriels jusqu’au premier trimestre 2019, publiés par l’Insee le 30 avril (les comptes nationaux trimestriels du 29 mai 2019 ont porté l’estimation de la croissance du PIB en 2017 de 2,3 % à 2,4 % (corrigés du nombre de jours ouvrables) et celle en 2018 de 1,6 % à 1,7 %. L’acquis de croissance pour 2019 à la fin du premier trimestre de l’année est légèrement révisé à la hausse (mais toujours 0,8 % à la première décimale, comme dans les comptes nationaux trimestriels du 30 avril sur lesquels se base cette prévision). Elle repose par ailleurs sur les hypothèses techniques et d’environnement international (cf. tableau A2 en annexe) de l’exercice de projection de juin de l’Eurosystème, arrêtées le 15 mai. Parmi les mesures annoncées par le Gouvernement suite au grand débat national, notre projection inclut celles dont les détails sont bien spécifiés, en particulier l’indexation des plus faibles retraites sur l’inflation en 2020. En revanche, la baisse annoncée de l’impôt sur le revenu, dont les modalités exactes ne sont pas encore arrêtées, notamment en ce qui concerne les caractéristiques de son financement, n’est pas incluse dans la projection à ce stade.

Les gains de pouvoir d’achat des ménages seraient particulièrement importants en 2019 (2,1 % par habitant en moyenne)

 

Le pouvoir d’achat par habitant accélérerait notablement en 2019 avec une hausse de 2,1 % (cf. graphique 4), enregistrant ainsi sa plus forte croissance depuis 2007. En 2020 et 2021, les gains de pouvoir d’achat par habitant resteraient soutenus, s’établissant à 1,2 % puis 1,0 %, un rythme proche de celui du PIB par habitant. Cette évolution en moyenne sur l’ensemble de la population recouvre bien sûr des situations différentes selon les catégories de ménages (voir à ce sujet l’encadré « La mesure des gains de pouvoir d’achat » dans nos Projections macroéconomiques  de mars 2019

Le pouvoir d’achat serait porté par une combinaison de facteurs favorables (cf. graphique 4). Tout d’abord, le repli du prix du pétrole entre 2018 et 2019 et l’abandon de la hausse de TICPE initialement prévue en janvier 2019 atténueraient l’inflation totale (voir infra). Ensuite, les mesures d’urgence économiques et sociales (MUES) votées en décembre 2018 soutiendraient le revenu, sous l’effet principalement de la hausse de la prime d’activité, de la défiscalisation des heures supplémentaires, ainsi que de la baisse de la CSG pour les retraites modestes. Puis, en 2020, la réindexation des retraites inférieures à 2 000 euros sur l’inflation et la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation seraient des nouveaux soutiens.

Par ailleurs, la hausse du revenu des ménages serait toujours favorisée par la bonne tenue des salaires sur l’horizon de prévision, soutenus en particulier par les gains de productivité, et renforcés début 2019 par la prime exceptionnelle défiscalisée versée par les entreprises (cf. graphique 5).

En contrepartie de l’accélération de la productivité et des salaires, la contribution de la hausse de l’emploi à la progression du pouvoir d’achat se modèrerait sur l’horizon de prévision, mais elle resterait positive (cf. graphique 6). Jusqu’au début 2018, les revenus d’activité avaient en effet bénéficié de la forte progression de l’emploi. Ensuite, le rythme de créations d’emploi s’est infléchi à la suite de la réduction du nombre d’emplois aidés, de l’arrivée à maturité des effets des politiques de baisse du coût du travail (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, Pacte de responsabilité et de solidarité, prime à l’embauche pour les PME) et du ralentissement de l’activité. En 2019-2021, les créations nettes d’emploi se maintiendraient à un rythme compris entre 130 000 et 150 000 emplois créés par an, favorisées notamment par des allégements supplémentaires de charges sur les bas salaires prévus fin 2019. Cette hausse de l’emploi total induirait une baisse graduelle du taux de chômage, qui atteindrait 8,1 % en moyenne annuelle en 2021.
 

Après une remontée du taux d’épargne, la consommation des ménages soutiendrait la demande intérieure sur l’ensemble de l’horizon de prévision, et en particulier en 2020

 

La consommation des ménages a certes ralenti en 2018, en lien avec le ralentissement du pouvoir d’achat dû notamment à la remontée des prix du pétrole qui s’est ajoutée aux mesures fiscales sur la consommation d’énergie et de tabac. Mais, comme déjà observé au premier trimestre 2019 avec une progression de 0,4 %, la consommation des ménages gagnerait désormais en vigueur, soutenue par les gains de pouvoir d’achat. Elle accélèrerait d’ici fin 2019, puis conserverait un rythme soutenu en 2020 (1,7 % en moyenne annuelle).

Ce scénario d’une accélération progressive de la consommation des ménages sur notre horizon de prévision, à la suite du pouvoir d’achat, reste proche de celui de notre prévision de mars et de ce qu’on peut attendre après un choc important de revenu (cf. encadré). Il est toutefois un peu décalé dans le temps par rapport à notre prévision de mars (cf. graphique 7). La consommation a en effet été un peu moins vigoureuse qu’attendu en début d’année et les données de court terme suggèrent qu’elle progresserait de façon encore contenue dans les mois à venir.

Pour l’instant, les forts gains de pouvoir d’achat ne se sont en effet répercutés que de façon très partielle dans les dépenses des ménages et le taux d’épargne a fortement augmenté (cf. graphique 8). Il atteindrait ainsi un point haut à 15,3 % en 2019, en forte progression par rapport à 2018, une hausse plus forte que celle que nous attendions en mars (qui partait d’un point 2018 plus élevé). En projection, le taux d’épargne reculerait en 2020 et 2021 (cf. encadré), ce qui soutiendrait la croissance sur ces deux années.

L’investissement des ménages (dépenses de construction et d’entretien des logements) ralentit depuis mi-2017 et la diminution récente des ventes et des mises en chantier de logements suggère que ce ralentissement pourrait se poursuivre sur la majeure partie de l’année 2019, freinant ainsi la demande intérieure sur l’année. L’investissement des ménages s’installerait ensuite progressivement sur un rythme proche de celui des gains de pouvoir d’achat.

L’investissement des entreprises verrait quant à lui son rythme de croissance converger progressivement vers celui du PIB sur l’horizon de prévision, de sorte que le taux d’investissement, situé à un niveau historiquement élevé, commencerait à se stabiliser. Les dépenses en actifs immatériels, après avoir fortement porté l’investissement des entreprises sur les dernières années, ont subi un coup d’arrêt au premier trimestre 2019. Du caractère temporaire ou permanent de ce ralentissement dépendra en partie la trajectoire d’investissement des entreprises dans les trimestres à venir.
 

L’environnement extérieur pèserait nettement plus sur les perspectives en France que dans notre prévision de mars

 

La demande mondiale en provenance à la fois de la zone euro et des partenaires hors zone euro a été nettement révisée à la baisse (cf. graphique 9) par rapport aux hypothèses internationales sous-jacentes à notre prévision de mars. S’agissant des partenaires commerciaux hors zone euro, les révisions proviennent essentiellement des pays d’Asie émergente, en particulier de la Chine. Les révisions à la baisse sur la demande de la zone euro proviennent quant à elles surtout de l’Allemagne et de l’Italie où les perspectives pour les trimestres à venir restent incertaines, malgré le rebond du début d’année. Le ralentissement serait ainsi plus durable qu’auparavant anticipé et la demande mondiale adressée à la France retrouverait la trajectoire prévue dans les hypothèses de mars seulement vers mi-2020. Au total, la progression de la demande mondiale serait limitée à 2,0 % sur l’année 2019, au plus bas depuis 2012.

Dans ce contexte international plus dégradé, les exportations françaises suivraient globalement la demande adressée à la France : avec une croissance de 2,5 %, elles marqueraient nettement le pas en 2019 avant de gagner en vigueur en 2020 et 2021 (respectivement 2,8 % et 3,3 %), ce qui contribuerait à ramener la croissance de l’activité sur un sentier relativement robuste. Les parts de marché à l’exportation augmenteraient légèrement en 2019 en moyenne annuelle, essentiellement du fait des bonnes performances enregistrées en fin d’année 2018. Elles seraient ensuite stables sur l’horizon de prévision, sur un niveau proche de celui observé en moyenne depuis 2010 (cf. graphique 10), confirmant ainsi que les contre-performances enregistrées en 2016 puis 2017 ne se prolongeraient pas.

Pour leur part, les importations évolueraient en lien avec la dynamique de la demande. En particulier, la forte croissance de la consommation des ménages en 2019 et 2020 contribuerait à un pic de croissance des importations en 2020, et par conséquent à une contribution nette du commerce extérieur nettement négative cette année-là (cf. graphique 3).

 

Après son pic de 2018, l’inflation totale se replierait, pour s’établir à 1,3 %-1,4 % en moyenne annuelle en 2019-2021. La contribution des prix de l’énergie serait très faible, du fait notamment de l’abandon des hausses de taxes indirectes

 

Sur les dernières années, la progression du déflateur de la valeur ajoutée dans le secteur marchand, et donc des facteurs inflationnistes sous-jacents qui lui sont fortement liés, a été faible. Cela a pu être favorisé par un contexte de faible progression des coûts des facteurs de production. En effet, d’une part, les politiques de baisse du coût du travail (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et allègements de cotisations sociales) et une progression des salaires globalement contenue ont fortement modéré les coûts salariaux unitaires, en particulier en 2014 et 2015. D’autre part, la baisse des taux d’intérêt a permis une diminution importante du coût du capital, malgré un coût des fonds propres restant élevé. Au total, la faiblesse des coûts des facteurs de production a permis aux entreprises françaises de contenir leurs prix et ceux-ci, après les gains de marges très importants enregistrées en 2014-2015 (favorisés également par le repli du prix du pétrole sur ces deux années), progressent même moins vite que les coûts salariaux unitaires sur les dernières années (cf. graphique 11). À l’horizon de la prévision, cette configuration se prolongerait et les entreprises amortiraient par une légère compression de leurs marges la transmission aux prix de la reprise progressive des coûts salariaux. La croissance du déflateur du PIB et ainsi des facteurs inflationnistes sous-jacents, contenue également par la modération des rémunérations publiques, demeurerait de ce fait mesurée (autour de 1,2 % sur 2019-2021).

Dans ce contexte, l’inflation hors énergie et alimentation s’établirait en moyenne annuelle à seulement 0,7 % en 2019, après 0,9 % en 2018. Les évolutions en glissement annuel (g.a.) ont été particulièrement faibles en début d’année (autour de 0,6 %). Mais un raffermissement est attendu dès le second semestre 2019.

En 2020 et 2021, l’inflation hors énergie et alimentation se redresserait graduellement sous l’effet d’une part d’un marché du travail plus dynamique, caractérisé par une baisse du taux de chômage et des hausses de salaires plus importantes, et d’autre part de prix d’imports en progression sensible. Elle resterait néanmoins modérée et attendrait ainsi en moyenne annuelle 1,0 % en 2020 et 1,4 % en 2021.

Dès lors, en moyenne annuelle, après avoir connu un pic à 2,1 % en 2018, la hausse de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) se réduirait nettement en 2019 à 1,3 %. L’inflation IPCH a déjà progressivement diminué ces derniers mois dans le sillage de la baisse du prix du pétrole, pour s’établir, en g.a., aux environs de 1,4 % entre janvier et avril 2019. Elle baisserait encore un peu sur la suite de l’année (cf. graphique 12), pouvant même certains mois s’afficher autour de 1 % en g.a.. Outre la faiblesse de l’inflation hors énergie et alimentation, la diminution de l’inflation IPCH en 2019 s’expliquerait aussi par la baisse de l’inflation de l’énergie, en lien avec à la fois l’évolution du prix du pétrole telle que prévue par la courbe des futures (voir aussi la dernière partie décrivant les aléas sur ce point) et l’absence de hausse de la TICPE début 2019, alors que ces deux facteurs avaient poussé les prix de l’énergie à la hausse en 2018 (cf. graphique 13).

En 2020 et 2021, l’inflation IPCH évoluerait autour de 1,3 %-1,4 % malgré le redressement de l’inflation hors énergie et alimentation. En effet, après le creux de 2019, la progression des prix de l’énergie resterait assez faible sur le reste de l’horizon de prévision. Ce faible dynamisme des prix de l’énergie proviendrait pour une large partie de l’absence de hausse de la TICPE en 2020 et 2021, mais également d’un profil décroissant des futures des prix du pétrole sur l’horizon de prévision. Les prix de l’alimentation resteraient assez dynamiques en 2019, mais décéléreraient les années suivantes. Ainsi, en 2021, l’inflation IPCH serait inférieure de 0,3 point à celle anticipée dans notre publication de mars, dont 0,2 point lié à l’annulation de la hausse de TICPE.
 

Le déficit public dépasserait temporairement le seuil de 3 % du PIB en 2019 avec la transformation du CICE. Il ne passerait ensuite sous 2 % du PIB qu’en 2021, à moins d’un ajustement structurel plus significatif. Le ratio de dette publique ne baisserait donc pas, se stabilisant autour de 99 % du PIB
 

Après s’être amélioré en 2018, passant de 2,8 % à 2,5 % du PIB, le déficit public dépasserait temporairement le seuil de 3 % du PIB en 2019, à 3,1 %, sous l’effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations patronales. Hors cet effet temporaire, le déficit projeté serait de 2,2 % du PIB en 2019 et resterait au voisinage de ce niveau en 2020, avant de passer un peu en dessous de 2 % du PIB en 2021. Ces projections tiennent compte des dernières annonces gouvernementales (programme de stabilité 2019 et annonces du Gouvernement de fin avril), à l’exception de la baisse envisagée de l’impôt sur le revenu compte tenu de l’absence des détails sur les mesures de financement (cette baisse pèserait sur la projection de déficit à partir de 2020, si elle n’était pas compensée par d’autres mesures).

En 2019, le taux de prélèvements obligatoires (PO) diminuerait étant donné, d’une part, les allégements votés fin 2018 (loi de finances pour 2019 et MUES) et, d’autre part, la transformation du CICE en baisse de cotisations patronales. En 2020 et 2021, notre projection intègre l’annulation des hausses de TICPE initialement prévues mais aussi la pérennisation du cinquième acompte de l’impôt sur les sociétés, deux mesures figurant dans le programme de stabilité. Comme évoqué précédemment, elle n’intègre pas à ce stade la diminution annoncée de l’impôt sur le revenu, ni les prochaines étapes pour une suppression complète de la taxe d’habitation sur les résidences principales dont l’horizon pourrait dépasser celui de notre prévision. Sous ces hypothèses, nous projetons un taux de PO de 44,2 % du PIB en 2021, contre 45,0 % en 2018.

Les dépenses publiques hors crédits d’impôt progresseraient à un rythme de 1,9 % en valeur et de 0,8 % en volume (déflaté par l’IPC hors tabac) en moyenne de 2019 à 2021 (et de 0,7 % en volume sur 2019-2021 hors effet de périmètre dû à l’inclusion de France compétences − Autorité nationale de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage − dans le champ des administrations publiques). Ce rythme de croissance, même s’il est plus faible que dans le passé, ne serait pas suffisamment réduit pour financer à la fois la baisse engagée des PO et réduire en même temps le ratio de dette publique sur PIB. Le ratio de dépenses publiques hors crédits d’impôt diminuerait de 54,4 % du PIB en 2018 à 53,2 % en 2021. Cette trajectoire comprend notamment la réindexation sur l’inflation annoncée fin avril à partir de 2020 pour les retraites inférieures à 2 000 euros et à partir de 2021 pour toutes les retraites.

Le solde structurel (solde public corrigé de sa composante conjoncturelle et des mesures temporaires, exprimé en pourcentage du PIB ; sa variation d’une année à l’autre est appelée ajustement structurel), calculé à partir de la méthodologie et de la croissance potentielle de la Commission européenne, s’améliorerait marginalement sur la période 2019-2021, mais seulement grâce à la baisse de la charge d’intérêt. Hors cet effet, l’ajustement structurel primaire serait légèrement négatif sur cette même période. En conséquence, le ratio de dette publique sur PIB augmenterait en 2019 puis resterait stable autour de 99 % du PIB (cf. graphique 14), au-dessus de ce qui était annoncé dans le programme de stabilité du Gouvernement (98,1 % en 2021).
 

Cette projection reste sujette à des aléas importants, mais qui en France peuvent jouer dans les deux sens, sur la croissance comme sur l’inflation

 

Cette projection reste sujette à d’importants aléas, du fait notamment d’un contexte international particulièrement incertain. L’activité économique en France est susceptible d’être affectée négativement par le ralentissement chez ses partenaires de la zone euro, en particulier l’Allemagne, fortement impactée par le ralentissement du commerce mondial et les difficultés de son secteur automobile, et l’Italie, où les conditions de financement de l’économie se sont dégradées ces derniers trimestres. L’accroissement en cours des tensions commerciales, de même que l’issue du Brexit, sont également toujours porteurs de risques très significatifs, qui, s’ils s’étendaient, pourraient rendre plus durable le ralentissement de la demande extérieure adressée à la France. Cela dit, notre scénario central inclut déjà la réalisation partielle de certains scénarios défavorables, s’agissant notamment du ralentissement du commerce mondial, et des développements moins négatifs pourraient également se matérialiser et soutenir un peu plus l’activité économique en France.

Sur un plan interne, l’incertitude autour de la vitesse à laquelle les gains de pouvoir d’achat seront consommés est un aléa central dans notre prévision. Les mesures budgétaires annoncées suite au grand débat national (notamment la baisse de l’impôt sur le revenu), qui restent à spécifier dans le prochain projet de loi de finances pour 2020, constituent un aléa pouvant jouer à la hausse (en étant en particulier susceptibles de soutenir de nouveau la consommation des ménages), même si cela dépendra de leur calendrier et de leur composition exacts.

Des aléas peuvent aussi peser sur l’évolution des prix en France. Tout d’abord, la volatilité du cours du pétrole fait en général peser des incertitudes symétriques sur les prix de l’énergie ; néanmoins, il convient de souligner que l’évolution des futures des prix du pétrole qui sous-tend la projection des prix de l’énergie a un profil décroissant sur l’horizon 2020-2021 ; si cette baisse future des prix du pétrole ne se matérialisait pas, cela constituerait un aléa à la hausse sur l’inflation totale. Cependant, les évolutions récentes des prix hors énergie et alimentation, plus faibles qu’attendu, suggèrent que des incertitudes demeurent quant au délai et à l’ampleur avec lesquels les hausses de salaires pourraient se transmettre, plus modérément ou plus lentement, aux prix sur notre horizon de prévision.
 

DES GAINS DE POUVOIR D’ACHAT INITIALEMENT AFFECTÉS À L’ÉPARGNE ET UNE ACCÉLÉRATION DE LA CONSOMMATION PROGRESSIVE DANS LE TEMPS

Les estimations empiriques habituelles montrent qu’un surcroît de pouvoir d’achat est lissé initialement par une hausse de l’épargne des ménages, car ceux-ci n’adaptent pas immédiatement leur niveau de consommation. De fait, le taux d’épargne des ménages a fortement augmenté au quatrième trimestre 2018, et encore au premier trimestre 2019 suite aux forts gains de pouvoir d’achat observés fin 2018 et début 2019. Il s’inscrirait ainsi globalement en nette hausse sur l’année 2019, avant de revenir à des niveaux plus proches des moyennes historiques en 2020 et 2021 dans notre projection, à mesure que le surcroît de pouvoir d’achat serait consommé.

Déterminer le niveau auquel le taux d’épargne revient en fin d’horizon de prévision n’est toutefois pas une question simple.

Dans une précédente publication (Projections macroéconomiques de septembre 2018 , encadré « Composition du revenu, taux d’épargne et consommation des ménages »), il est expliqué qu’une façon pertinente de décrire les évolutions du taux d’épargne sur les dernières années repose sur l’idée que la composition du revenu des ménages entre revenus salariaux, prestations sociales, prélèvements obligatoires, revenus financiers, etc. est un déterminant important du taux d’épargne des ménages. Selon cette analyse, une baisse d’impôts a une propension à être consommée intermédiaire : en moyenne, elle est environ pour moitié épargnée et pour moitié consommée. Dans cette logique, les baisses d’impôts et de cotisations observées sur la période récente entraîneraient une remontée du taux d’épargne à moyen terme par rapport à son niveau de 2017. Le taux d’épargne pourrait ainsi converger vers un niveau intermédiaire entre son point haut de 2009-2010 et son point bas de 2015-2016, en cohérence avec notre prévision du poids des prélèvements dans le revenu disponible des ménages, qui reviendrait également à un niveau intermédiaire.

Ce raisonnement « en moyenne » peut certes être affecté par la distribution des baisses d’impôts selon les niveaux de revenus. On peut par exemple imaginer que la suppression de la taxe d’habitation pour les ménages les plus modestes ou la hausse de la prime d’activité ont une propension plus forte à être consommées. Mais les baisses de prélèvements sur les revenus du capital intervenues en 2018 sont susceptibles de provoquer une hausse durable du taux d’épargne. En outre, d’autres facteurs jouent dans la structure du revenu. En particulier, la forte hausse des revenus financiers constatée en 2018 pousse également à la hausse le taux d’épargne moyen. Finalement, les risques à la hausse comme à la baisse autour de notre scénario de taux d’épargne nous paraissent équilibrés.
 

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Prévisions économiques Projections macroéconomiques – Juin 2019
  • Publié le 11/06/2019
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Mis à jour le : 11/06/2019 18:00